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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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26 mai 2008

Sache mon fils...

Gris comme le temps !

Si tu reviens, sache mon fils...

Sache mon fils, que ton travail ne t' appartient pas ! Bien sûr, tu t'endetteras pour 30 ans pour acheter ton cheptel. Bien sûr toute ta vie, tu tireras la chandelle par les deux bouts pour rester debout dans la dure compétition de la course à la compétitivité... Même si tu as l'impression d'être libre, ce n'est qu'une illusion. C'est toi seul qui assumeras les risques ! Peut-être pourras tu compter encore quelque temps sur tes pairs agriculteurs ? Mais déjà souvent la compétition a pris le pas sur la solidarité ! Alors tu te tourneras peut-être vers la société... Mais très vite tu comprendras que tu perdras le peu d'initiative et de liberté que tu possédais encore.

Sache mon fils, que bizarrement, alors que tu travailles seul, le fruit de ton travail déchaîne passions et jugements de comptoir… Aux périodes difficiles, tu te verras reprocher ta façon de travailler au nom de je ne sais quelle idéologie d'une société noyée dans l'abondance. Parce que tu es seul et isolé, tu feras l'objet de critiques permanentes venant de gens repus, pour qui la famine semble être définitivement vaincue. Ils n'imaginent pas un seul instant, qu'en fantasmant sur des peurs imaginaires, ils détruisent les fondements de la motivation d'une profession pourtant indispensable...Aux périodes plus faciles, on te reprochera ton opportunisme économique( amplifié par certains),  au motif qu’elle empiète sur la possibilité à tous de profiter de réjouissances dont si peu d’humains bénéficient… Comme si tu étais condamné à fournir pour rien une nourriture abondante et variée !

Sache mon fils, que le fruit de ton travail sert avant tout à permettre à d'autres de vivre sur ton dos. On te fera croire qu'il t'appartient, mais en réalité, tu trouveras bien souvent des gens remarquables et beaucoup de rapaces... À toi de faire la différence ! Mais sache qu'aucune aide n'est gratuite ! Tu comprendras vite ce qu'est le mépris. Même si tu as des diplômes, même si tu as bac+2 ou +3, tu ne seras jamais digne de confiance ! Ainsi certains viendront t’imposer leur loi sous couvert de normes, de règlements, de certification… Eux ne se trompent jamais, eux font toujours bien, eux imposent…  mais eux n'assument jamais... Bien sûr ils sont indispensables, mais au détour de crises ou de moments difficiles, tu découvriras la vérité... Parce qu'ils sont incontournables, même si individuellement ils sont souvent sympathiques, ils appartiennent à des structures pour lesquelles tu dois rester un pion bien sage. Qu'ils soient financeurs, conseils ou prestataires de services pour ton activité, ils se protègent derrière un monopole économique ou pire ;  un ordre ! Ils ont su créer un rapport de force dans lequel tu es toujours perdant. Ils sont un passage obligé mais au tarif qu'ils choisissent ! On leur a donné des missions qui leur permettent de porter un jugement sur ton travail, leur permettant ainsi de te demander toujours plus, même quand tu es en danger !  Et si tu leur tiens tête, on compliquera les choses de telle façon que tu ne puisses pas t‘en sortir seul !

Sache mon fils que ceux qui devraient te protéger en haut lieu  protègent d’abord leur intérêt et leur carrière… Entourant les décideurs élus, ils les phagocytent pour mieux se prémunir ! Lorsque dame nature les dépasse, ils créent une armada de lois et de règles inapplicables sur le terrain ! Arrête t’on des virus, des tempêtes... par décret ? Mais pour mieux  te mettre au pas, ils créent des services que tu devras payer ! Ils enverront leur légion de soldat assermentés …Et lorsque les tambours annonçant un geste de solidarité nationale se seront tus, tu découvriras qu’ils l’ont presque toute captée en cours de route… Tu auras servi de simple justificatif à la dépense !

Oui, mon fils, j’aimerais que tu me succèdes mais je ne sais pas si je te le recommande aujourd’hui ! Parce que je me demande si tu ne serais pas mieux de l’autre côté…

J’ai perdu le moral en écoutant beaucoup d’éleveurs ces derniers jours, nous sommes découragés… Nous subissons de plein fouet les conséquences de la fièvre catarrhale ! Nous avons la chance de pouvoir vacciner les troupeaux dès la semaine prochaine, c’est à dire de les protéger avant le reprise de la maladie. Mais beaucoup ne veulent pas le faire ! Car tout cela nous a déjà coûté très cher et demande beaucoup de travail (pour contenir les animaux qui sont depuis un mois dans les prés ). La maladie m’a déjà coûté plusieurs milliers d’euros, Je n’ai jamais connu une trésorerie aussi difficile depuis mon installation… Malgré tout,  on veut nous imposer la vaccination de nos troupeaux de souche par les vétérinaires ( Il est normal qu'ils fassent les animaux aillant besoin d'être certifiés) ! Ainsi, nous devrons nous plier à leur rythme de travail en rentrant les troupeaux aux heures commandées ! Même si cela  entre en concurrence avec les travaux de récolte, il est vrai qu'il nous restera tout loisir de les faire les week-end pendant qu’ils se reposeront !

On annonce des enveloppes pour nous aider ? Celles auxquelles je peux prétendre  permettent tout juste de rembourser les frais de véto pour le prélèvement sanguin et les frais de laboratoire que j'ai du avancer.( Il n’y a pas de sécurité sociale pour les animaux, tout est à la charge de l’éleveur ) !

La colère monte ici !   Surtout depuis qu’on a découvert que certains cabinets ( Pas tous, il y a des gens sérieux) avaient embauché des élèves des écoles vétérinaires, payés comme des stagiaires, pour faire les vaccins ! Ils n’y connaissent rien. Un copain révolté, m’a raconté qu’il avait du lui montrer comment faire pour ne pas prendre de risques inutiles ( En plus il est arrivé en retard de 3 heures sur l'horaire annoncé)  … Mais nous éleveurs, ne sommes pas capables ! On a calculé que le cabinet devait faire un bon tiers du chiffre d’affaire en bénéfice sur l’opération.  Les tarifs sont tellement opaques qu'on ne peut pas vérifier et l'ordre refuse la fixation d'un tarif officiel national au nom de la concurrence alors qu'on a un  cabinet,  référent pour les prophylaxies,  par exploitation !

Quand aux banquiers, toutes les primes passent par eux … Donc, ils se servent et les fournisseurs attendent en ouvrant des lignes de crédit… Devant l’importance des celles-ci, ils commencent de se faire du soucis et disent que depuis 15 jours : " les comptes sont plus tendus…" Alors que depuis l’automne, tout est au point mort ! Les palais de nos princes sont parfois bien proches !

A quand une relation intelligente en partenariat réel ? Une société peut elle être construite sur une compétition extrême et faussée ? Devinez le deuxième sens du mot « esclavage » pour le Robert : « État de ceux qui sont soumis à une autorité tyrannique » Serai je devenu excessif en parlant d'esclavage économique ou réglementaire?

col_re_du_ciel

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Commentaires
P
VAL : Rendre les choses éventuellement possible, ne surtout pas imposer ! Voilà ma ligne<br /> Mme coop : Oui, ça va être dur, très dur cette fois ! Il y aura probablement un virage important pour notre région, difficile de savoir ...<br /> Tartine: Il arrive le jour où il y aura plus de conseillers que de paysans ! <br /> yanick: détrompe toi, les soutiens de votre part sont importants et ton post sur ton blog est sympa... Tous les éleveurs ressentent ce que j'ai écris mais il y a aujourd'hui une sorte de honte à en parler, comme si la fatalité devait l'emporter...J'ai hésité à l'écrire, il me vaudra des ennuis au local, des vétos qui se sentiront agressés... Dire sans blesser est difficile, se taire est pire face à une telle situation... <br /> Drine: Vu depuis Paris... Tu as raison, il leur faut des statistiques pour analyser sauf qu'elles arrivent toujours en retard... Il n'est jamais bon d'avoir raison trop tôt !<br /> Missju : Mon blog a aussi vocation a rendre sympathique les paysans ! On en aura bientôt besoin de nouveaux, il faudra qu'ils trouvent des femmes ! sourire<br /> François : Où exploites tu ? vulnérables, nous le sommes plus que les zones...<br /> Dany: Le problème est que je n'arrive pas à sortir de ce désarroi !<br /> PHI lau sophe: L'optimisme va revenir mais que diable, la machine est dure à tirer en ce moment ! Il faut y croire...<br /> Fauvette : a t'on le choix ? Tu sais que non !<br /> OLIV' : tu as d'autres soucis, merci de passer, mais nous sommes tous fragiles !<br /> fa2b : Il faut l'encourager, mais il faut qu'il soit lucide et ne se laisse pas entraîner dans des schémas d'exploitation qui ne soient pas les siens !!! D'ici là, il y aura de l'eau qui sera passée sous les ponts !<br /> RDT : Tu as fais le bon choix en faisant celui qui te convenait ! Donc pas de culpabilité, et puis tu as un fils , sais t'on jamais ? Et peut on dire jamais ? Je respecterai totalement celui de mon fils même si il ne reprend pas... Quand au dernier paragraphe, je me demande QUI aujourd'hui pourrait changer les choses ? On ne peut pas dire que des propositions émergent de quelque part! J'ai plutôt la sensation que la vérité est lissée dans les sphères pensantes et seule la bataille pour le fauteuil compte, ensuite, rien ne changera !La machine technocratique est bien en place...<br /> <br /> Oui, j'ai une baisse de moral ( qui inquiète Mme PH) , j'en reparlerai ce soir peut être? Mais dès que le beau temps arrivera, il y aura tant de travail que je penserai moins et m'abrutirai la récolte tout en rentrant mes vaches !
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R
Bon, PH, ce post me touche au delà de ce que tu peux imaginer... en tant que fille de paysan, fille unique et responsable de la mort de l'exploitation, après quatre générations à avoir vécu dessus, quatre générations qui ont travaillé dur pour en faire ce qu'elle était devenue. Je me souviens, d'ailleurs, avec émotion, qu'à mes quinze ans, mon père m'a clairement demandé de me positionner : soit je partais, et il stoppait là les investissements, soit il y avait une lueur d'espoir pour que je fasse ma vie à la terre, et il donnait un autre essort à l'exploitation, avec les investissements ad hoc.<br /> Mon Père a pris sa retraite voilà huit ans, retraite qui a signifié location des terres (pas des bâtiments, car pour lui, cela signifiait ne plus être chez lui), vente des animaux, et mort de ce qui fut sa vie. Belle dépression larvée, d'ailleurs qui encore aujourd'hui veille même s'il s'en défend.<br /> Et pour moi, immense culpabilité ! A l'inverse de ton fils, je n'ai jamais aimé ce métier dont on ne m'a montré que les mauvais côtés, et pétard, ils sont nombreux !!!... Donc, même si j'ai regretté mon choix pour mes parents, pour cette propriété achetée par mon arrière grand père au XIXème, je ne l'ai JAMAIS regretté pour ma vie personnelle.<br /> <br /> Alors, que conseiller à un enfant ? Sans doute de faire ce qu'il a envie, simplement... pour avoir le maximum de chances d'être heureux ! Et aussi, peut-être, de toujours viser plus haut, de ne pas être moyen, pour avoir toujours des solutions de repli, en cas d'erreur de choix stratégique...<br /> <br /> Quant à l'état actuel de notre société, nous nous demandions avant hier, avec une Bretonne que tu connais, quel serait le degré d'abnégation des français ? Je ne veux pas faire de parallèles malheureux, ou hasardeux alors que je ne suis pas historienne, mais il me semble que notre situation, à la tête du royaume (euh, pardon, de l'état) aujourd'hui, n'a plus grand chose à envier à celle de la fin du XVIIIème... Et je dois t'avouer que je suis assez heureuse, finalement, de voir les pêcheurs européens venir soutenir et prendre place dans le mouvement !
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F
J'ai été touchée par ce post, d'autant plus que des proches sont du métier et souffrent de tout ce que tu dis... et que mon fils veut, comme son grand père et son oncle, se diriger vers cette profession ou en tout cas vers un métier "satellite" de l'agriculture..J'ai aussi du mal à le dégoûter des activités avec lesquelles j'ai grandi, et de quel droit le ferais-je ? J'ai beau lui dire de peser le pour et le contre, je vois bien actuellement du quel côté penche la balance ! lui est jeune et ne peut ou ne veut pas voir ! Je vous admirent et vous respectent, vous les agriculteurs, alors que petite je haïssai ce boulot où il fallait être présent tous les jours et qui ne laissait aucune place aux loisirs... vous êtes les artisans de notre si beau paysage et de notre santé par l'assiette ; je vous souhaite beaucoup de courage , il faut garder l'espoir , on ne peut pas vous laisser tomber !
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P
...ou comme Drine: espoir...<br /> <br /> et puis courage.<br /> <br /> Oliv'
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F
Je me demande d'ailleurs ce que l'on peut conseiller à nos enfants...<br /> Bon courage PH, je comprends ton découragement, mais avons-nous le choix ? <br /> Amitiés.
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