tracteurs, quel choix ?
Envisager toutes les situations est plus fort que moi ! Le labour est un moment privilégié pour le faire, j'avance lentement, l'esprit en ébullition...
Que dois je faire pour les tracteurs ?
PH fils cet été, m'a fait une remarque pertinente : " Ce serait plus agréable de travailler avec des tracteurs en meilleur état. Tu as des outils performants derrière, mais tes vieux trucs..." J'ai toujours tendance à trop calculer ! J'ai simplement organisé la ferme en fonction de sa rationalité. Je ne suis pas un fan de tracteur. J'ai des copains qui le considère comme un moyen d'expression de leur statut, tout comme certains s'affichent avec une belle voiture pour être considéré. Ce n'est pas mon truc. Je suis capable d'atteler un outil dernier cri, hyper-innovant derrière un vieux coucou ! Je regarde le coût, le résultat, pas l'aspect...
Je vais devoir toutefois repenser mon parc traction . J'ai 3 tracteurs , un très vieux tracto , un plus récent en très bon état et des parts pour utiliser avec d'autres un tracteur dernier modèle. Mais mes 3 tracteurs ont pour l'un plus de 10000 heures, les 2 autres plus de 8000 heures. Pour comparer, c'est comme si vous aviez des voitures de plus de 400000 km pour le premier et de plus de 300000 km pour les seconds. Celui qui est partagé n'est pas disponible souvent, il me sert de roue de secours et pour des chantiers précis...
La logique, si nous ne vivions pas ces crises, est de racheter un très bon tracteur ! La décote est telle que je me disais que si je pouvais trouver un bon tracteur de 3000 heures, ce serait parfait ! Je me débarrassais alors de 2 des vieux ! En fait, je pourrais dans ce cas, garder celui de 110 CV qui est une vraie bête de somme et diminuer ma participation dans celui en commun . Ça , c'est la logique !
La réalité est plus difficile. Plusieurs choses entrent en ligne de compte:
La crise FCO va rogner des 2/3 les résultats de la ferme ! Une fois prélevée ma contribution à la vie de la famille, les comptes seront négatifs ! Même si je retrouve quelques marges l'année prochaine, il va être difficile de convaincre le banquier que le projet est intéressant pourtant il faudra emprunter !
La crise financière va faire monter les taux d'intérêt des prêts ! Le coût de l'achat futur va être plus important. Si j'emprunte trop, j'aurai plus de frais les prochaines années. Pourrai je dégager de la marge par économie sur d'autres postes ?
Le prix des céréales a fortement chuté ces dernières semaines. De plus de 280 € l'année dernière à cette date, on est à moins de 160 € en ce moment, voir même 150... Mais comme pour l'essence à la pompe, le prix des denrées finales ne baisse pas ! On commence de parler d'une petite baisse de l'aliment du bétail, rien pour les autres intrants et tous les services à l'agriculture sont à la hausse, la plupart de temps par opportunisme ! Donc, à système de production égal, mon coût de production ne baissera pas ! C'est tout mon problème, subissant les hausses, je ne peux les répercuter !
Cette évolution du prix du blé a une autre conséquences indirecte; les céréaliers vont freiner à nouveau leurs achats de tracteurs neufs. Dans une conjoncture euphorique, la fiscalité et l'optimisme poussent à l'investissement ou au renouvellement rapide... Ce tassement va remettre les choses en place d'autant que les intrants culture n'ont pas baissés et qu'ils subissent comme moi l'inflation du coût des services... Il y aura raréfaction des offres de tracteurs d'occasion !
La hausse du prix de l'acier au niveau mondial a surenchérit de façon considérable le coût de fabrication du matériel agricole ! Il y a peu de pièces qui ne soient pas à base de fer ! Mécaniquement, le prix de l'occasion a suivi, puisqu'on applique des décotes par années et heures d'utilisation . Donc le prix de ces matériels encore potable est plutôt plus cher...
Les normes actuelles rendent obsolètes les plus vieux engins . A part pour des collectionneurs, difficile de s'en débarrasser. Ils sont souvent trop gros pour l'agriculture de loisir qui est conquise par les engins miniatures ( très chers !). La porte de sortie est venue des pays de l'Est qui viennent acheter les engins plus âgés pour se constituer des parcs sans engager trop de capitaux ! Mais cela ne durera pas, ils évoluent très vite et ils pourront bientôt s'équiper de neuf !
Les risques de pannes sont bien sûr le plus gros problème. Il y a le prix des réparations bien sûr, il y a également le retard pris pour les travaux, dont les conséquences sont plus difficiles à chiffrer sans compter les contrariétés ! Plusieurs tracteurs en période de foin par exemple sont un avantage, on évite de dételer les outils et on saute d'une opération à l'autre. C'est moins évident le reste du temps. Les coûts induits ne sont pas négligeables, du style les multiples assurances, le remisage à l'abri...
Il me reste entre 10 et 14 ans de vie professionnelle, je suis donc devant un choix qu'il me faut faire assez vite. En fait, dès que l'on s'intéresse à un problème, on a envie de bouger , mais doucement quand même ! D'abord, il faut trouver les occasions ! Des voisins arrêtent, d'autres renouvellent leur parc... Il faut donc se mettre en position "éveil" et essayer de percevoir le marché . Il n'y a pas de côte du marché, juste des ordres de grandeur ! Et cela rend les choses difficiles pour apprécier les opportunités ! Cher, pas cher, trop cher ? En fait, je me sens contraint de revenir à une appréciation des moyens financiers disponibles et utilisations sur ma ferme. Je sens que je ne vais pas me faire plaisir sur ce coup là ! Je m'explique : J'ai une possibilité d'acheter un tracteur de 90 CV de 3000 heures mais en empruntant au moins 20000 € ! J'ai une autre possibilité pour un tracteur de 95 CV, beaucoup plus vieux mais sain que je pourrais autofinancer en vendant tout mon vieux matériel. Dans le premier cas, il irait jusqu'au bout de ma carrière. Dans le second, le remplacement sera nécessaire dans 3 à 5 ans ! Le premier a tout le confort, y compris une climatisation, le second est rustique sans clim !
J'attends de connaître le prix du second ! En fait, il n'est pas certain qu'il se vende, tout simplement parce qu'il n'est pas certain que mon collègue obtienne le prêt nécessaire pour acheter le tracteur qu'il vise. Chaîne sans fin, qui nous rend interdépendant les uns des autres. De même, dans les 2 cas de figure, il faut que j'arrive à vendre tous mes vieux trucs... Aurai je la trésorerie en relais ?
Voilà ce qui me trotte dans la tête depuis 6 mois, depuis que mon banquier m'a fait la remarque suivante : Cette gestion est très efficace côté coût mais qu'elle touche à sa fin avec l'âge du matériel. Fait attention de ne pas prendre un risque trop important et de te retrouver coincé !
Mais cet exemple de gestion montre également le lien très fort qui existe entre micro et macro économie ! La conjoncture actuelle aura un impact évident sur les décisions de gestion de toutes les entreprises, même les plus petites. Déjà, les conséquences se font sentir pour l'octroi de crédit. J'avoue que je me pose beaucoup de questions : Alors que la survie de ma TPE est en cause, puis je continuer à utiliser des services extérieurs toujours en hausse ? Puis je continuer de vendre au mieux à prix égal alors que les intrants sont beaucoup plus chers ?
J'ai l'impression d'être un peu dépossédé par certaines décisions obligatoires du bénéfice des efforts que je fais pour faire des gains de productivité ! Jusqu'à quand ?