le sevrage
Il a beaucoup plu hier toute la journée... Un peu à regret, je me suis décidé ce matin à sevrer le premier lot de veaux. Et oui, cela marque vraiment le début de l'hiver.
D'une façon générale, il y a deux grands types d'élevage pour les vaches dans notre pays :
L'élevage laitier ; il s'agit de produire du lait donc les vaches sont traites deux fois par jour, les veaux sont retirés dès la naissance.
L'élevage allaitant, il s'agit de produire uniquement de la viande... Les veaux restent avec les mères jusqu'à ce qu'ils aient atteint un poids supérieur à 250 kilos et soient autonomes pour se nourrir... Le lait de la mère sert exclusivement à nourrir le veau.
Mon élevage appartient à la deuxième catégorie. Les naissances ont lieu en fin d'hiver, le couple mère veau est ensuite relâché dans les prés jusqu'en octobre. C'est la mère qui assume tout le travail pour nourrir sa progéniture. Je me contente de complémenter au cours de l'été. Le sevrage, c'est-à-dire la séparation physique mère enfant, est un moment très délicat. Le stress de cette coupure, la fin d'une alimentation lactée, le changement de vie à savoir le passage du troupeau avec sa hiérarchie à un lot de congénères de même taille... Tout cela nécessite une attention toute particulière de l'éleveur pour réussir ce changement radical de vie du veau.
D'abord il faut séparer les vaches et les veaux. Cela vous paraît peut-être bateau mais je peux vous dire que des animaux ont une imagination extraordinaire pour se retrouver. J'ai tout essayé et la seule façon de faire est de mettre les vaches dans une stabulation et les veaux dans une autre, avec des barrières bien soudées... Pendant 48 heures, c'est un concert d'appels et de réponses.
Mais ce n'est pas là le plus complexe. En réalité, c'est l'adaptation au nouveau régime alimentaire qui pose le plus de problèmes. Pendant l'été, j'ai complémenté la ration avec un mélange de céréales et de tourteaux. J'ai augmenté progressivement les doses de façon à rendre les veaux dépendants et gourmands. C'est ce complément qui va devenir une des deux bases de la ration de l'hiver. Très progressivement, pour tenter d'éviter les problèmes de digestion, je vais augmenter cette partie de façon linéaire pour atteindre l'optimum vers Noël. En parallèle, comme il n'y a plus d'herbe dans les prés et qu’il serait trop complexe de parquer les animaux, il faut les habituer à manger du foin puis de l'enrubanné afin que les fibres les aident à ruminer. Cet équilibre est difficile à trouver au début. Je joue vraiment le rôle de maman poule pendant la première semaine afin de vérifier que tous les veaux boivent, mangent du foin et ne se gavent pas avec la ration du voisin qui, apeuré et perdu, ne mange pas régulièrement... Sinon, c'est l'accident digestif qui se traduit soit par une méthanisation c'est-à-dire que la panse gonfle sans être capable d'évacuer le méthane, soit par des acidoses qui peuvent être toxiques pour l'animal...
Le dernier point est d'ordre sanitaire : à cette période, les veaux sont très fragilisés et sensibles à tous les parasites qui peuvent mettre leur vie en danger. Il faut donc traiter contre les strongles, douves, ténias... Et vacciner contre quelques virus respiratoires !
Une fois rentrés, les veaux ne ressortiront plus de l'hiver. C'est pourquoi cela marque une étape décisive dans ma vie d'éleveur. Vivement le printemps pour les voir gambader !