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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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8 février 2009

En fait, mon préfet m'inquiète...

Le préfet d'un département est le chef de l'administration... Vous imaginez quand même bien que je n'ai rien à redire sur la femme ou l'homme qui occupe la fonction... Sauf qu'en ayant eu la chance d'en croiser un certain nombre, j'ai mon opinion sur les personnes qu'évidement je ne donnerai pas ici ! Disons simplement, pour faire simple qu'il y a un très bon pour deux ou trois passables !

Non, si je me suis permis par deux fois de critiquer le premier administratif départemental, tout en respectant toutefois la fonction, c'est tout simplement pour tenter de vous faire part de mon interrogation sur la dérive de notre société ! Et je ne savais pas comment l'aborder. Que, par deux fois, on interdise les transports scolaires et que deux fois le lendemain, on ait un accident de car ne me réjouis pas du tout ! Cela met en évidence l'imprévisibilité de dame nature qui refuse de rentrer dans les circulaires ministérielles ou les arrêtés préfectoraux. Le trop fameux "principe de précaution" appliqué à toutes les sauces, est un non sens total ! On a donné la possibilité à tout à chacun de poursuivre tout responsable en justice pour manque de précaution ! On le paie aujourd'hui. Ce que, dans le temps, on acceptait au titre de la fatalité est devenu dangereux donc insupportable ! Si on continu, on va se retrouver dans une société complètement bloquée ! Au nom de ce principe, depuis 5 semaines, les cours auraient du être  interdits...

Mais ce principe va conduire à la catastrophe en agriculture ! Pourquoi ? Parce que tout simplement, comme pour tous les métiers touchant au vivant, rien ne marche jamais comme prévu ! Un métier comme le mien, il n'est pas le seul, ne répond pas à des règles établies mais demande de réagir en permanence à une nature, parfois maîtrisée, très souvent imprévisible ! Et la réussite dépend uniquement de cette capacité de réaction en temps réel, de la capacité à prendre une décision même si parfois elle contredit celle prise une heure plus tôt, pour gérer des situations d'urgence... Bref, elle demande une énorme flexibilité, tant en disponibilité qu'en capacités techniques ! Elle exige tout autant d'expériences que de compétences initiales...

Bref, elle ne résiste pas à une prévision rigide, à un carcan administratif, à une feuille de route écrite à l' avance... Qu'une année soit sèche ou humide, qu'il gèle ou au contraire que l'hiver soit doux, que... La marche à suivre diffère. Comme tout chef d'entreprise, il y a des décisions de gestion à prendre, décisions techniques, décisions économiques, financières... Mais si on rajoute la couche de trop, la machine déraille, on l'a vu avec la FCO. Je vais essayer vous faire toucher du doigt avec un autre exemple simple et sans aucun enjeu réel , ce que peut donner un excès de précaution, donnant un excès administratif, devenant dangereux !

Suite aux excès de quelques éleveurs, on a décrété les effluents d'élevage hautement dangereux ! Ces effluents se nomment fumier et lisier ! Il y a un peu plus de 100 ans, c'était le seul engrais ou presque. Il y a 50 ans, les tas de fumier étaient le mètre étalon de la richesse des paysans ! Simple : plus le paysan avait de vaches, plus le tas était gros, plus il était censé être riche ! Le bon sens paysan ! Puis est venu le développement, comme souvent , certains ont fait des bêtises, en particulier dans les zones d'élevage hors sol, on nomme cela élevage intensif ! Fumier et lisier sont devenus des produits très dangereux ! Plus que les engrais chimiques, un non-sens ! Il fallait corriger. Donc, l'administration , comme elle en a le devoir, a mis en place un système de contrôle et de sanctions efficaces ! Quelques règles simples pour savoir où étaient épandus les effluents, quand, pour quel tonnage ? Les élevages doivent,et c'est normal,  justifier de surfaces suffisantes pour être certain de ne pas dépasser des tonnages qui conduiraient à des pollutions ! Mais la machine s'est emballée, traitant tout le monde sans discernement...

Depuis plus de 10 ans, j'ai  un "plan d'épandage" qui détermine les parcelles où je peux mettre les matières organiques et un "cahier d'épandage" où je note ce que je fais ! Mme PAC l'a passé au crible en novembre, et elle a fait des calculs de cohérence... Même si déjà à ce niveau je trouve que dans une région comme la nôtre où le nombre moyen d'animaux par ha est très faible, où l'apport global en azote est assez minable, donc ce genre de mesure inadaptée, j'admets que ce cahier apporte la preuve que je ne mets pas tout, toujours au même endroit ! Ce qui serait un contre sens économique !

Je vous montrerez bientôt sur des plans, comment je gère cela pour faire un maximum d'économies sur les achats d'engrais. Mais cette année, il y a pleins de nouveautés contraignantes ! D'abord, nous devons prendre le phosphore en compte et...

Et ...? Nous devons produire un plan prévisionnel d'épandage pour l'année ! Quel beau nom ! Je me disais que j'allais simplement faire un plan des parcelles ayant reçu du fumier les 2 dernières années donc qui de ce fait ne devraient ne pas en recevoir cette année ! Pour faire simple, je me disais que j'allais mettre sur un plan de la ferme l'application des règles pour ne pas faire d'erreurs ! Que nenni, quand j'ai posé la question à Mme PAC ( contrôleuse) elle m'a répondu que réglementairement, ce n'est pas du tout cela : " Il faut une liste de toutes les parcelles où vous écrirez les dates auxquelles vous ferez les épandages, les quantités, la nature du fumier, les fertilisants qu'ils apportent... " "Mais je ne peux pas prévoir ce que je ferai dans une semaine, alors un an ? Je ne connais pas la pluviométrie, je ne sais pas quand les animaux iront au pré ou auront finis de pâturer, si j'aurai le matériel puisque je suis en CUMA, si les sols porteront... " " Vous devez prévoir, demandez à votre technicien de vous le faire ! "
Le dit technicien, qui a une formation initiale inférieure à la mienne, me prendra entre 500 et 1000 € pour faire une étude ! Comme les comptables, il y aura toujours une clause pour dire que sa responsabilité ne peut être engagée au delà des documents produits ou des exigences connues au moment de la dite étude ! Il s'empressera de me proposer un service de mise à jour éventuelle de façon à garantir son boulot pour l'avenir ! Mais, il ne sera jamais responsable si il y a une erreur ou un imprévu !

Écrire l'avenir en agriculture est tout simplement tuer le métier ! On doit composer avec l'avenir, tenter de l'apprivoiser... On ne peut pas le prévoir et le faire passer dans la moulinette d'un plan établit même si globalement, on peut et on doit avoir une stratégie...

Voilà pourquoi mon préfet m'inquiète ? Tout simplement parce que si je regarde la progression de la demande sociétale traduite par l'administration, sur la façon d'exercer mon métier, je suis atterré par cette tentative de mise sous tutelle... La prochaine étape du plan prévisionnel sera sans doute de le faire valider par l'échelon départemental, avec des procédures longues et fastidieuses... Valider, veut dire figer ! Or avec dame nature, la perte de capacité de réaction peut vite être fatale ! Si je reste sur mon exemple anecdotique somme toute, un orage, un problème de pâture, un problème de portance viendront rendre le prévu impossible à réaliser ! Comme la procédure de correction contrôlée sera trop longue, le retard s'accumulera, plus dangereux que le problème de départ ! Et la récolte suivante sera minorée ou perdue !

Je ne sais pas si j'ai réussi à vous faire toucher du doigt le problème ! Cette dérive s'applique sur ma ferme à des tas d'autres sujets : en terme sanitaire, en terme gestion du troupeau, en terme gestion de l'eau, en terme gestion du paysage, en terme de construction....  Je suis pour la régulation d'une façon générale, de façon à protéger les gens, le milieu et préserver l'avenir ! Je suis contre la dé-responsabilité individuelle qui prend des proportions dangereuses dans notre société aujourd'hui ! Je veux qu'on me sensibilise à un problème, à un enjeu... Qu'on mesure ma capacité à mettre en œuvre une stratégie qui prenne en compte dans ma façon de pratiquer mon métier, le soucis de limiter les problèmes ! Pas qu'on me mette sous toise et qu'on tue à petit feu mon esprit d'entreprendre et d'initiative individuel !

Ce que j' écris là a une énorme importance pour moi ! Le "papier" ou l'audit ne doivent pas  devenir  l'unique autorisation systématique pour faire ! Les agriculteurs voient dans l'intervention de l'administration une dérive vers le système de l'ex-URSS !  Dans ce pays, le contrôle de l'état était tel que la moindre décision devenait impossible à prendre ! A tel point, par exemple, que l'on devait semer le blé entre deux dates établies. Ils ont semé dans la neige, ils n'ont rien récolté, mais ils avaient suivi les consignes du plan !

J'ai peur qu'à trop vouloir ouvrir le parapluie, on en arrive à la même situation ! Il est urgent de prendre conscience du problème, de reprendre la main ! C'est la vraie réforme qu'il faut insuffler ! Il nous faut une stratégie d'ensemble, donc une politique agricole, avec des règles ! Mais ensuite, il faut des femmes et des hommes qui exercent librement leur talents pour produire ! Il faut définir le plan global et laisser le détail aux intervenants !


C'est tout le rôle de l' État qui est à redéfinir, donc le rôle indispensable des fonctionnaires ! Mais attention à ce qu'ils restent dans leur rôle et ne commencent pas à créer des contraintes pour justifier leur place ! Mais le danger ne s'arrête pas à eux seuls ! La multitude d'organisations qui se donnent un rôle incontournable au travers d'exclusivités de pratiques est tout aussi dangereuse ! Comptabilité, médecine vétérinaire, conseil pour remplir des dossiers rendus volontairement trop complexes,conseils phyto, conseil technique, banques, assurances, équarrissage, diagnostiques divers... sont des services pour certains indispensables qui sont en train de passer du statut de conseil ou service gratuit au service obligatoire rémunéré, limitant réellement la possibilité de décision du paysan de base qui redevient un serf façon moderne !

Attention, danger ! Si cela continue, le paysan que je suis soit se rebellera, soit disparaîtra ! Courrez donc toujours pour que je me lève la nuit pour sauver un veau ou que je bosse un dimanche pour sauver une récolte si je dois m'asservir à une caste de donneurs d'ordre qui pendant ce temps là sont en RTT, en vacances ou en boîte de nuit !

Je me sais provoquant dans le propos ! Mais je voudrais que vous preniez cela pour un appel à la raison plus que pour un coup de gueule . Je sens en écoutant mes pairs que l'on approche réellement du point de rupture ! A méditer ! Individuellement, on se dit qu'on ne peut rien faire ! Et attention à notre comportement qui pousse dans ce sens là ! A force de montrer du doigt une profession, telle qu'elle soit, on la fragilise et on la pousse dans les bras de profiteurs qui se prétendent capables eux , de dompter dame nature !!!!

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Commentaires
P
Stéphane: Il faudrait mettre au passé ! Ce n'est plus le cas malheureusement ! Un jour j'ai été à une réunion DRAF !40 à 50 personnes pour valider les mesures agro-environnmentales contenues dans un document de 350 pages que je n'avais pas eu ! Nous étions 2 agriculteurs seulement ! Il y avait un lézard sur 4 mesures , les plus importantes ! Si un ingénieur ne me l'avait pas soufflé de lire en vitesse les 4 pages et d'intervenir, tous les directeurs présents qui représentaient leur structure ( et pas leur présidents ) auraient avalisé... Là , on a corrigé comme on a pu puisque c'était déjà validé par Bruxelles . Dans tous les cas, l'administration a dit que c'était avec l'accord des organisations agricoles ! Le vrai problème est que c'est tellement complexe qu'il faut des permanents pour suivre , mais ceux-ci rentrent ensuite dans le jeu ! C'est un sujet délicat ! <br /> Den : et que crois tu que l'on fasse ? On ajuste ce qui est absurde mais sauve la face de tout le monde !
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D
Devant une madame Pac aussi obtue, il est bien légal de répondre par des idioties au plus près de la réalité. Donc, personnellement je pondrai un calendrier estimatif des parcelles et quantités et si je ne tiens pas le rythme, ils n'auront qu'à planter une tarière, prendre un échantillon , l'analyser et voir si ma dose correspond à leur dose estimative d'apport. <br /> Ceci est n'importe quoi, mais en corrélation avec mme Pac. Ce qui ne changera pas la face du monde.<br /> A con = con et demi.
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S
Les décideurs ne sont pas seulement les technocrates. Les lois sont pondues par les politiques en relation étroite avec les syndicats agricoles. Par exemple, pour la PAC, les syndicats majoritaires usent de leurs pouvoir à Bruxelles, et ce ne sont pas des techniciens mais des agriculteurs. <br /> ça, c'est la grosse contradiction du monde paysan actuel.<br /> De plus, ces contraintes sont imposées dans des négociations en échange "d'aides chroniques" ou de "plans de sauvetage" ponctuels.
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P
Nine: Ils cherchent d'abord à ouvrir des parapluies pour être sûrs de ne pas avoir d'ennuis ; les problèmes, c'est secondaire pour eux !<br /> Quidam : subsidiarité, pour ces gens là, doit être la même chose que le mot "fraternité" sur le fronton d'une mairie !<br /> J'insiste sur la différence entre établir une règle et l'appliquer ! Les règles sont essentielles pour la vie en société ! Leur application inadaptée peut transformer la meilleure règle en enfer ! <br /> Yanick: Je pense que ce petit plaisir est partagé par beaucoup! Participant à la gestion d'une usine, je connais un peu ! Ce n'est pas mieux ; entre les commissions officielles diverses et la multitude de boutiques d'audit qui viennent valider les cahiers des charges auxquels ont souscrit pour nos clients, il y a presque un emploi à temps plein ! Mais sur une ferme, on est seul pour tout faire !<br /> Jean74 : J'essayerai de décrire le modèle agricole qui a pratiquement cessé de fonctionner maintenant ! J'ai pratiqué un peu : Je peux juste te dire que lorsqu'un paysan s'assoie à la table d'un fonctionnaire pour trouver la bonne déclinaison pour faire avancer un problème, la conjugaison des 2 peut faire bouger des tas de choses ! Mais tout a changé maintenant pour deux raisons simples : Les fonctionnaires sortent directement des écoles sans pratique réelle de terrain , les paysans ont été écartés et sont remplacés par des directeurs de structures qui voient d'abord l'intérêt de leur maison ( et de leur paie ) avant celui des paysans au service desquels ils devraient être ! Je regrette ce mode de fonctionnement qui permettait d'éviter de grosses bêtises !
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J
Ceux qui pondent de telles aberrations ont-ils déjà mis les pieds à la campagne ? Il faudrait qu'il y ait parmi ces décideurs des professionnels de chaque corporation pour cerner les vrais problèmes. Est-ce le cas ?
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