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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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31 janvier 2010

dans le silence, suite...

De retour dans la stabulation, il me faut peu de temps pour comprendre. Un veau gît juste derrière la vache, petit. En quelques secondes, je suis en action. Mais avant de le toucher, je sais déjà ce qui se passe. Elle l'a posé sans difficulté, presque sans s'en rendre compte puisqu'il est contre une autre vache qui n'a pas bougé alors que lorsqu'une vache travaille vraiment, les autres s'écartent... A trois mètres, je sais déjà qu'il n'est pas vivant et que cela ne date pas de l'instant, mais de plusieurs heures. Sa taille est sans ambiguïté, il y en a forcément un second. La vache se relève dès mon approche. J' imagine qu'elle n'a pas envie de me voir la toucher. Pourtant, il faut que je passe la main. Je la fais retourner vers le veau de façon à lui faire lécher. Quand c'est chose faite, je me glisse derrière et je réussis à enfoncer le bras. Dans le bassin, il y a une tête et rien de plus. Le second veau ne peut sortir ainsi. Tout doucement, je glisse sur le côté en suivant l'épaule gauche. Je retrouve la patte du même côté et je la ramène en repoussant tout le corps en arrière pour contrer les contractions. Dès que la patte est alignée, celles-ci reprennent de plus belle. Je sais déjà que le veau est mort, il n'a aucune réaction. Je glisse alors le long de l'épaule droite. La violence des contractions m'empêche pendant plusieurs minutes de ramener la patte. J'essaye de repousser le veau, mais j'ai beaucoup de mal. Finalement, je parviens à remettre tout en ordre en sortie. Le reste est un jeu d'enfant. Comme je m'y attendais, le second n'a pas un souffle de vie. Je les sors de la case, très déçu !

                automne_2009_1095

Cette vache est probablement la plus "belle" du troupeau . Mais ce n'est pas la meilleure mère, elle est peu laitière. Depuis plusieurs jours, je la voyais gênée, mais je ne pouvais rien faire. Lorsqu'elle était couchée, les veaux appuyaient si fort sur le diaphragme qu'elle respirait avec un bruit de locomotive. Pourquoi se sont-ils décrochés ? Je ne le saurai jamais... Je sais juste une chose, c'est qu'il fait vraiment froid en retraversant la cour pour rentrer me laver à la maison, bras droit dénudé et mouillé jusqu'à l'épaule !

La réussite ne tient souvent à rien !  Il y a des jours comme cela ! Le matin précédent cette nuit agitée, je ne remarque d'abord rien dans la case des veaux les plus âgés. Puis en passant une seconde fois une minute plus tard, je vois un veau étendu. Là où il est , ce n'est pas normal. Je passe dans le lot, il est mort. La veille au soir, quand j'ai paillé, il courrait avec les autres. Je le sors et je demande au vétérinaire de passer. Une autopsie s'impose dans ces cas. Dans l'heure qui suit, en attendant la visite qui n'a pas caractère d'urgence, je repasse mille fois tout en revue... Qu'ai je loupé ? Nous craignons toujours des maladies, les abcès ou d'autres problèmes plus ou moins contagieux... Je ne vous décrirai pas une autopsie en ferme. C'est plus sommaire que dans NCIS le vendredi soir...

David__promo_saison_2___2_Mallard

Mon vétérinaire fait la même chose que Boules de Fourrures, il y a un an... Je suis impressionné, car tous les organes sont particulièrement propres. Ce n'est absolument pas repoussant. Il ne trouve rien qui puisse expliquer la mort et en déduit un accident, sans doute un coup d'une vache. Je lui lâche alors un " Je préfère ainsi, mais cela me fait tout de même ch*** !" Il me répond que la formule correspond bien à la situation. Je laisse ainsi transparaître mon amertume. Je ne peux pas faire mieux en terme de condition d'élevage et pourtant. Cela résume bien la vie avec la nature. Rien n'est jamais acquis, rien n'est jamais sûr ! Il faut toujours lutter et même avec un maximum de précautions, le risque zéro n'existe pas !

Ainsi va notre métier. Il faut être capable de prendre du recul. J'ai eu un peu de mal à oublier tout cela. Pendant encore quelques jours, il y aura une petite appréhension à chaque fois que je traverserai la cour pour aller voir les animaux. " Que vais je trouver ? " Cela me hante si fort que je me lève plus tôt et y vais plus souvent. Certains pourraient croire que c'est par calcul ! Mais en fait non, on est si loin de la vente. Non, c'est de l'humilité par rapport à la fragilité de la vie. C'est un pincement au coeur d'entendre une mère appeler son veau dont on sait qu'il n'est plus là ! Nous n'avons pas le droit de nous apitoyer, ni de nous attacher.

De toute façon, quelle est la part entre l'instinct de protection et une douleur ressentie d'abord par le fait de posséder une conscience, d'être intelligent ?

 

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Commentaires
M
C'est ça la vie d'un éleveur, c'est de faire naître des animaux vivants,( quel déception quant on les sorts morts ou de les trouver inertes sur la litière ) de les élever en les soignants le mieux possible, parce que, on les aime,tout en sachant, qu'un jour il faudra s'en séparer.<br /> La réussite de l'exploitation en dépend....
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N
merci pour les beaux textes sur ta passion "ton travail " que tu aimmes <br /> Amitiés<br /> Claude " nunus63 "
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F
De ton message si bien écrit et qui relate le quotidien (et le nocturne!!) de tous les éleveurs, je ne retiens qu'un mot: "amertume".
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E
On a vraiment envie de t'adresser des messages de sympathie car même si tu dis qu'il ne faut pas s'attacher, on sait bien que le PH aime ses bêtes sincèrement avant de les voir comme une simple rentrée d'argent...<br /> <br /> Courage, PH!
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C
J'ai vu ce que ça donnait chez mon oncle et mon cousin quand ils perd(ai)ent des bêtes.<br /> Alors courage.
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