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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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19 juin 2010

Le jeudi des douches

Jeudi dernier, pesée des veaux…

 

Déjà, lors de mon appel téléphonique la veille, au voisin avec lequel nous échangeons quelques coups de main, je ne semblais pas émettre un enthousiasme débordant… Sans doute un peu inquiet des sprints nécessaires pour sortir des troupeaux peu enclins à accepter le retour entre des barrières de stabulation, je me réveille vers 5 h 30… En surfant, je me dis que voilà quelques temps que je n’ai pas été voir le cours des animaux. J’y vais en  toute confiance. D’habitude à cette saison, les cours sont hauts ! D’abord parce que peu d’animaux « maigres » sont échangés puisque les mises à l’herbe qui sont terminées depuis un bon moment. Ensuite parce que côté finis, c’est toujours une période jointure entre les animaux terminés à l’auge en fin d’hiver et ceux qui arrivent des prés …

 

Première douche froide, toutes les catégories, sans exceptions sont à la baisse ! Premier coup au moral. Dire que des « spécialistes » nous prédisaient en octobre une hausse des cours pour le début d’hiver, suite à un affaissement des volumes produits. Ils ont du se tromper d’année, ou même de décennie…

 

Là-dessus, je lis un mail (100615_QA) qui retranscrit, mot pour mot la réponse du ministre de l’agriculture à une question très politique donc particulièrement idiote, d’un député la veille à l’assemblée. Je m’étrangle en lisant l’extraordinaire autosatisfaction de quelqu’un qui visiblement ne sait absolument pas de quoi il parle. Non seulement, il ressert à l’envie les 1,8 milliards d’aides, amputés depuis pour des raisons de gel des dépenses, qui ne sont pour les 4/5 é  qu’un droit à emprunter… Mais de plus, il veut donner l’impression de maîtriser une situation qu’il décrit comme catastrophique alors qu’il n’a absolument rien fait  depuis un an, sauf promettre… (C’est le plus inexistant que l’on ait jamais eu !!!! « Transparent » aurait  dit Coluche) La preuve avec la douche froide du paragraphe  précédent par exemple. Quand, de plus, je lis «  Je suis un ministre heureux !... », j’éclate. Paysanheureux devient paysanfurieux. Peut on ainsi mépriser les gens qu’on est sensé aider ? Se dire ministre heureux quand la profession perd 34 % de revenus pour vivre : est il seulement conscient de ce qu’il dit ? Tout cela pour railler son opposition politique ! Quel niveau...

 

Dehors la pluie redouble, l’heure de commencer la rentrée des animaux arrive ! Je me dis que « pluie du matin n’arrête pas le pèlerin ! » Je commence donc avec un premier imper ! Ce n’est pas vraiment pratique pour courir… Il y a de la boue partout, l’eau cingle sur le visage. Mon aide arrive alors que je termine de piéger un premier lot. Je le place sur le tracteur pour l’exposer le moins possible à la pluie et je pars en moto ! Une horreur… La moto glisse en permanence. J’ai l’impression d’avoir un cm d’eau sur les lunettes. Je dois regarder par-dessus les verres. Je suis trempé jusqu’aux os … Nous rentrons 2 lots comme cela. Pour la première fois de ma carrière, je décide de couper un moment  par un café après m’être changé alors que le travail n’est pas terminé. Nous reprenons tardivement, je suis décidé ; tant pis si je ne présente pas tous les veaux comme cela est imposé : Soit ils sortent facilement,  soit j’abandonne. Ils ne nous en feront pas trop voir et comme il me reste un brin de conscience professionnelle, nous rentrons tout sans trier le dernier lot. Ras le bol !

 

Comme il est déjà 13 H, retour à la maison pour manger un brin ! Dans le même état que deux heures plus tôt, je me change à nouveau, y compris les parkas qui sont transpercées. Je passe au sèche linge les vestes de mon aide. A 14 H, il pleut toujours autant ! Nous partons trier le dernier lot dans le parc quand arrive en avance le camion.  Je ne suis plus d' humeur à supporter quoique ce soit. Je donne des ordres secs, sans explications… Tout le monde file doux, sans poser de questions. L’ambiance se détendra plus tard, au dernier lot pesé. Car  tout s’est passé très vite. Les contentions ont été maîtrisées et vers 16 H , on a terminé. Il faut dire que c’est plus simple maintenant. Je faisais tatouer mes veaux mais quand le peseur m’annonce que dorénavant il faut payer un supplément ; je renonce immédiatement à la chose. Du coup pas besoin de prendre les animaux puisque je passe un anti strongle sur le dos. Par contre, pour que le produit soit efficace et ne soit pas lavé, pas question de relâcher  les animaux avant au moins deux heures… Lavage du camion, puis les papiers. Je me change une troisième fois. Toujours dans le même état ! Nous sommes autour d’un café chaud. !

 

Vient le moment de la facture… «  On a changé les règles. Maintenant, on part sur le nombre de déclarations de naissance. » « Donc, on paie pour des veaux morts qui ne seront jamais pesés ! » « Oui ! » Que puis je dire ? Il faut des sous. Aucun courrier n’a prévenu, on est devant le fait accompli, comme pour la maintenance du logiciel de comptabilité il y a 6 mois, comme pour les tarifs bancaires  et presque toutes les autres  factures de services reçues depuis. En l’occurrence, le conseil d’administration a décidé… Depuis le début de la journée, c’est comme cela…De douche en douche ! En sus de ce nombre de veaux imposé, des petits trucs sont venus se rajouter… Alors que nos revenus agricoles baissent, encore une facture qui va augmenter de plus de 10 %.  Il ne servirait à rien de discuter indéfiniment avec le peseur qui n’y est pour rien ! Ni avec le stagiaire qui l’accompagne. Mais j’explique quand même qu’on ne peut pas continuer comme cela. Dans ma tête, j’hésite à ne pas payer et tout envoyer promener. Les réactions à chaud sont toujours mauvaises. Je remplie mon chèque en me disant que cela pourrait être la dernière fois.

 

Il pleut toujours, mais il faut bien relâcher les troupeaux ! Nous y repartons donc et une nouvelle fois, je reviens trempé. J’en ai marre, je suis fourbu … Etonnement, je suis calme. Comme si la fatigue m’anesthésiait. La soirée le sera moins mais c’est une autre histoire. Je serai dans mon lit au coucher de la pluie.

 

J’ai médité sur tout cela depuis. Je pèse le pour et le contre d’une sortie du schéma. Je continuerai de peser quoiqu’il arrive. Mais je peux le faire tout seul comme je le fais avec les animaux de plus d’un an, en gérant les poids sur des tableaux Exel  que j’extraie de mon programme bovin. Par contre, la sortie des schémas officiels me fera perdre la comparaison avec les autres.  Est-ce si indispensable puisque je ne vends pas de reproducteurs ?  Je ne sais plus que penser ni comment faire passer le message ? Est-ce que je réagis mal en me posant des questions ? Depuis bientôt 3 ans, on patine complètement. Nos revenus ne se redressent pas, nous sommes continuellement sous pression financière. Il faut faire attention à tout, tout calculer pour ne pas basculer. Et tout continue d’augmenter comme si de rien n’était. Chaque fournisseur, chaque service tentent de reporter sur nous ses propres problèmes de productivité. Je sens l’étau sans cesse se refermer. Tous les progrès que je fais me semblent m’être volé …

 

Je ne suis même plus révolté. Je me demande simplement ce qui va se passer quand on ne produira plus. Comment vont faire ceux qui appuient en ce moment sur  le citron pour en presser les dernières gouttes ? J’ai déjà essayé de poser le débat, je n’ai obtenu aucune réponse… « Remettez vous en cause sur vos fermes, nous, on ne change rien ! » Ce sont les propos à peine déformés du représentant de la grande distribution en parlant des prix agricoles ! Une règle qui semble suivie par tout le monde… 

     vall_e_de_l_Arroux

 

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Commentaires
F
Je suis attristée de lire quelques passages de cet article un peu comme je l'étais en regardant le dernier volet de "les paysans" la semaine dernière sur fr3.<br /> "Baisser les charges" çà fait 15 ans qu'on nous le dit..Nous n'avons jamais pesé nos veaux et en 98, lorsque nous sommes passés en Bio exit le GDMA..un peu d'air pour la trésorerie..<br /> Je crois qu'on a pas tout vu, En haut-lieu c'est l'élaboration du Projet de Modernisation Agricole, je pressens d'énormes "conneries"
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F
Je n'ai jamais bien suivi l'intérêt de la pesée des veaux en dehors d'un contexte de sélection "active", avec concours et ventes de reproducteurs. La plupart de mes clients s'en passent...<br /> De notre côté, nous suivons avec angoisse le déclin du nombre d'éleveurs, et je repousse, semaine après semaine, deux ou trois billets déprimants sur le sujet.
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O
Cher PH, je ne sais plus quoi dire après avoir lu ton billet si ce n'est : seuls les premiers à mettre la clé sous la porte n'y laisseront pas trop de plumes, quant à ta plume, pas de souci, elle te servira dans ta reconversion qu'il faut déjà envisager!
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B
Félicitations pour l'honneur sur canalblog.<br /> Karim
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J
pour Isabelle :<br /> la vente de viande en Amap se fait déjà. les gens commandent à l' avance et vont chercher leurs caissettes chez le producteur directement en fonction de ses dates d' abattage.
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