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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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26 septembre 2010

1983, transition sur la ferme

1983 !

Je suis installé depuis un peu plus d'un an. Le troupeau de la ferme est passé de 35 vaches à 50 ! En parallèle, la troupe de moutons est passée d'une trentaine de brebis à une centaine. Ces deux augmentations de troupeau ont été financées par mes prêts JA ( jeune agriculteur ) ! Les animaux sont logés sur les 3 sites des anciennes métairies !

Nous nous sommes installés avec Mme PH dans la maison de celle dite « du soir ». Jeunes mariés, nous avons besoin de conserver un brin d'indépendance vis à vis de mes parents. J'ai toujours entendu parler des difficultés rencontrées chez des voisins pour cause de co-habitation entre générations. Nous avons aménagé la maison selon nos goûts. Il n'y a pas de chauffage central. Nous avons un poêle à bois. Nous innovons avec une découverte faite l'année précédente à la foire de Lyon avec un des premiers insert pour cheminée. Dans les deux chambres nous optons pour des radiateurs électriques.

Faire le bois fait partie intégrante de mon travail. J'avoue ne pas trop aimer cela. Nous avons un deal avec un passionné du village. Mon père fournit une coupe de bois qu'il fait pour « moitié » . Nous lui donnons parfois un coup de main. Le bois: il faut prévoir 3 ans à l'avance. Le premier hiver, il est coupé. Il reste ensuite en pile jusqu'à l'été de l'année suivante où nous le débardons, le scions et le rentrons pour l'hiver en essayant d'en garder un maximum un an de plus.

Au « soir », nous agrandissons le bâtiment. Mon père l'avait déjà aménagé en 1975.

     b_timent_soir_entre_1975_et_1983

Nous perçons des portes conséquentes dans les murs de refend. Nous recherchons trois buts. Un ; augmenter le nombre de bovins logés pour faire tenir les veaux des vaches achetés. Pour cela, nous annexons l'appentis du bout du bâtiment. Deux ; mettre tous les animaux directement sur la chaine de curage pour pouvoir tout racler directement sans devoir soulever le fumier d'une couche sans curage. Trois ; Il faut rendre accessible le couloir central directement depuis l'extérieur pour pouvoir utiliser l'ensilage dont la qualité est un plus pour les animaux. Depuis mon installation, nous nous sommes associés à un autre agriculteur pour faire un peu de maïs puis de l'ensilage d'herbe... Mon père avait récupéré le wagonnet d'une scierie qui servait à transporter les troncs individuellement pour les diriger vers les scies. Nous installons les rails au centre du couloir et nous adaptons une grande caisse sur le wagonnet. Un des rares outils acheté avec le JA est une petite désileuse portée. La machine permet de charger l'ensilage au tas et le déchiquette sur la caisse. Mais  la manœuvre de déchargement nécessite d'empiler à la main la marchandise sur la caisse ! Puis la distribution aux animaux se fait à la main. Nous n'avons plus à passer le foin au dessus des vaches pour le mettre dans les râteliers, ni à passer avec des baquets ou des sceaux entre les animaux pour donner concentrés ou ensilage. Ce bâtiment m'est dédié pour le pansage.

b_timent_le_soir_1983

Logique mais je passe mon temps sur les chemins !

   localisation_b_timents

A la montagne, la grange sert de stockage pour la paille en particulier. Nous transformons les anciennes étables en bergerie. Les moutons charollais ne supportent pas de rester enfermés longtemps. Il faut que les brebis sortent régulièrement même par temps de neige. Les parcelles autour des bâtiments de ce site sont saines. Logiquement, nous les dédions en priorité aux moutons. Toute l'année 1982, nous avons fait des clôtures, déroulant des kilomètres de grillage à moutons. Nous avons ainsi un enclos de plusieurs Ha protégé par des « Ursus » de 90 avec un fil barbelé au dessus pour le protéger des vaches. A l'intérieur, nous doublons toutes les clôtures et haies avec un ursus de 60 et 3 rangs de fil de fer au dessus. Ces enclos nous permettront de gérer les moutons sans trop de problèmes , du moins au pré. Nous aménageons un accès aux bâtiments pour pouvoir les rentrer en hiver toutes les nuits. A l'intérieur, nous avons supprimé toutes les crèches destinées aux bovins. Nous avons fait des auges râteliers avec des palettes et des planches  ! Cela forme un couloir surélevé au centre de chacune des 2 étables. Très pratiques pour donner à manger foin et avoine, le curage une fois l'hiver terminé sera une vraie galère. Seul l'ancien petit tracteur (MF 825 ) peut rentrer et encore , il frôle les montants des portes ! Pour sortir le fumier, il faut faire une place à la main et arracher les râteliers un par un ! J'y reviendrai une autre fois ! Ces aménagements de vieux bâtiments nous ont permis de franchir un cap à moindre coût. Mais sans jamais procurer un réel avantage définitif en terme de travail...

                la_montagne_bergerie

Sur le site principal, à la « tour du soir » , la « tour » pour nous, mes parents habitent. Nous utilisons l'étable de 80 places construite par mon père en 1974 ! Vaches, taureaux et 18 mois sont logés là. C'est mon père qui y fait le pansage, je monte l'aider dès que j'ai finis avec les deux autres sites. On peut désiler directement avec les engins sans retoucher à la marchandise. A l'époque, nous déroulons sur un chariot les bottes de foin qui mesurent 1,50 m de large pour un diamètre de 1,80 m ! Une vraie meule de 600 kg dont la manutention en peut se faire qu'à deux sans tracteur. Idem avec la paille qu'il faut amener dans les couloirs derrière les vaches !

Pour l 'époque, nous sommes plutôt très bien équipés par rapport à la plupart des éleveurs du coin ! Pourtant, quelques années plus tard, un enregistrement en aveugle des temps de travaux me révélera  l'extrême complexité d'une organisation sur 3 sites et un temps de travail incohérent par rapport aux nouvelles contraintes de main d'œuvre ! Je dois faire 500 m pour aller voir les vaches, puis un kilomètre pour voir les brebis puis un kilomètre pour rejoindre ma maison. Je le fais une fois le soir et une fois par nuit en hiver. Ma mère va voir vaches et  brebis une fois par nuit. Elle vient me chercher à chaque vêlage ou agnelage. Mon père se lève à 5 heures 30 et fait le tour à ce moment-là ! Nous faisons des kilomètres en voiture par tous les temps ! La journée, il faut les faire en tracteur pour rouler paille et ensilage !

En 1983, nous sommes à une époque charnière... Le manque de moyens ne nous permet pas d'être logique en terme d'aménagements. Nous n'avons pas pu trancher entre tous les sites et les bâtiments. Il ne vient à l'idée de personne de penser que tous ces corps de ferme, bâtis dans les années 1910, avec des murs de pierre de 40 cm puissent être obsolètes  et définitivement perdus pour l'élevage ! Seuls ceux qui brûlent sont remplacés par des bâtiments neufs ! Un seul éleveur dans la région a fait le pas de la révolution en abandonnant définitivement et complètement les vieux bâtiments !

1983 reste pour moi une épreuve professionnelle ! Nous avions acheté une troupe de moutons pas chère ! Une erreur énorme car les résultats sont mauvais ! Il faudra plusieurs années pour remonter la pente ! Pire, je comprends un matin de février pourquoi l'éleveur qui m'a vendu les 15 vaches achetées a cessé son activité bien avant l'âge de la retraite ! Ce genre de démission n'était pas courant à l'époque. Je trouve une génisse morte ! Je l'ai montré au vétérinaire les jours avant car bien que ne mangeant que du foin, elle a pris une diarrhée terrible ! J'en perdrai 6 les jours suivants ! Chaque matin, ouvrir la porte est un enfer ! Il faudra plus de 15 jours pour faire le diagnostic ! C'est un aide belge qui le fera ! Les vaches achetées ont la maladie des muqueuses ! Elles ont contaminé le troupeau initial ! Outre ces pertes, nous avons des avortements, des diarrhées mortelles  sur les jeunes veaux , des vaches infertiles ! Bref la totale au moment de rembourser les emprunts JA pour la première fois. Bien que très coûteux, nous vaccinons le troupeau ! Nous le ferons pendant des années ! Mon départ dans la vie de paysan est catastrophique !!!! Cette expérience conditionnera toute ma vie professionnelle ! Je n'achèterai plus jamais aucun autre animal sauf les taureaux reproducteurs ! Je respecterai toujours une semaine d'isolement en attendant les résultats des analyses avant de les introduire ! Le sanitaire est un des rares trucs avec lequel il ne faut pas jouer ! Et la confiance dans les autres a des limites !

Quand on a 27 ans, on est plein de ressources ! Heureusement ! Je deviens papa. Nous ne nous laisserons donc pas abattre et au contraire, l'année suivante, nous débuterons une nouvelle étape de la vraie révolution agricole sur la ferme...

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Commentaires
S
Bonjour,<br /> l'adresse de mon profil peut être utilisée pour l'envoi de l'ébauche.<br /> J'ai un peu de temps avant de soumettre le tout à mes élèves, avec un peu de chance, je vais pouvoir attendre 1984.<br /> Administrateur d'une coopérative de quoi? Viande?<br /> La vision extérieure que l'on a des coopératives actuelles n'est pas très bonne, surtout en lait. Sans doute qu'il nous manque des éléments, à nous ruraux mais non agriculteurs, pour mieux comprendre leur fonctionnement et leur évolution...
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P
Sarah : C'est cette même démarche d'analyse que je fais aujourd'hui pour décider d'une nouvelle voie pour la ferme. Je sais à quelque chose près où je vais atterrir mais je veux expliquer pourquoi je vise cela ! Car il va me falloir convaincre pour obtenir les permis de construire par exemple. Je n'ai pas encore écrit 1984, sans doute l'année où nos choix ont eu le plus de répercutions sur la ferme. Par contre, j'ai l'ébauche de 1966 ! Mais je dois passer 2 coups de fil pour me faire confirmer deux ou trois trucs de peur que ma mémoire me trahisse... Mais l'ébauche peut passer par mail ? Auquel cas, m'écrire pour que j'ai une adresse où envoyer !<br /> Je suis sidéré de découvrir que des jeunes ne sachent pas d'où viennent les coopératives. Cela me conforte dans mon envie d'écrire sur ce blog ! C'est toute une histoire et une culture qui sont en train de se perdre. Administrateur de coopérative, je mesure la carence énorme de communication ! C'est affligeant ! Je vais en parler avec un ami journaliste ! Peut être faut il créer une rubrique "histoire des paysans" dans nos journaux professionnels ? Il me faudrait du temps pour mener à bien ce genre de chose. Et des moyens pour compenser le travail sur la ferme. C'est la limite de l'exercice que je m'impose ici !
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S
PH, ce qui va (devoir) les intéresser, c'est de pouvoir analyser l'évolution de l'exploitation, de repérer ses facteurs de production et de comparer ces facteurs à ceux dont ils disposent aujourd'hui sur les exploitations de leurs MA. Je vais peut-être même pousser le vice à leur demander de retracer l'histoire de leurs exploits de la même manière.<br /> Parce qu'entre ceux qui croyent que les coops ont été créée par l'Etat et ceux qui pensent que brûler les bâches d'ensilage et les ficelles, c'est une bonne manière de montrer son mécontentement et d'être révolutionnaire, il y a du travail!<br /> J'ai l'avantage d'être jeune (pas née en 82, ni en 83 d'ailleurs, 84 a été l'année décisive ;-) ), et de ne pas être issue de l'enseignement ni de l'agriculture, mais d'être à mon compte dans la vente de produits fermiers. Je crois, j'espère du moins, que j'arrive à les intéresser par ma proximité du terrain et mes connaissances pratiques tout autant que théoriques, et surtout, mes méthodes et mon discours parfois, souvent même peu orthodoxes.<br /> Donc, si 1984 c'est dans tes cordes, je suis preneuse!
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P
Sarah : Je suis curieux de connaître ce qui les intéresse dans un récit simple comme cela ? <br /> <br /> J'ai commencé à écrire en remontant le temps mais j'ai l'impression que cela me renvoie toujours plus loin pour comprendre . Il faut demander à des anciens, prendre le temps d'écrire... A ce rythme, je n'arriverai jamais à ma vision de 2030 sur ce blog ! sourire
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S
Au moment de préparer mon 1er cours "entreprise et vie professionnelle" pour mes CAPA PAUM 1er année, je me suis souvenue de ce récit (pas difficile, ce blog fait partie des onglets qui restent souvent ouverts au moment de fermer le navigateur).<br /> Je me suis permise d'en faire une copie, histoire de fonder sur un témoignage vivant un cours qui pourra leur paraitre plus qu'abstrait et ennuyeux.<br /> Je suis curieuse de voir les réactions de ces futurs agris au tout début de leur vie professionnelle... Avec un peu de chance, quelques uns auront la curiosité de venir voir par ici?<br /> En tout cas, merci pour ce témoignage, comme pour les autres articles, toujours très intéressants, même hors domaine agricole!<br /> Sarah
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