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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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26 novembre 2010

Mâle dans la nature fait mal !

Dame nature n'est pas aussi paisible qu'elle le laisse croire !

Certains de mes collègues le font beaucoup plus tôt.Moi cette année, j'ai préféré les laisser dans les troupeaux. Nous avions beaucoup d'herbe, il n'y avait donc pas urgence à les séparer de leurs vaches pour qu'il se refasse une santé. Car ce sont des taureaux dont il s'agit. En effet, une fois la saison des saillies terminée, il est plutôt mieux de retirer les taureaux et de les mettre pâturer ensembles sur une bonne repousse afin de les préparer aux saillies de l'année prochaine.

Quelque soit la période, il y a toujours un moment périlleux. En effet, tout comme dans le troupeau de vaches, les animaux établissent par la force une hiérarchie entre eux. Cela se traduit par des bagarres plus ou moins impressionnantes, plus ou moins longues. Cela dépend du caractère des animaux, des écarts entre les poids, des cornes de chacun quand ils en possèdent encore. J'avais sans aucun souci mis dans un même lot un taureau de trois ans avec le jeune acheté cette année. Si ce dernier n'est pas encore écorné, la différence de poids entre les deux était suffisamment importante pour que le jeune ne cherche même pas à contester l'autorité du plus ancien. Pour vous situer, disons que le premier doit peser aux alentours de 600 / 650 kilos, tandis que le second est proche ou dépasse la tonne.

Mardi, j'ai rentré le dernier lot de vaches pour sevrer les veaux. Ne sachant que faire du taureau, je l'ai relâché avec les deux autres. Inquiet de la façon dont allait se passer la bagarre, j'ai surveillé et pour ne pas m'ennuyer, j'avais même pris le caméscope. En effet, ce taureau me semblait très proche en poids du plus lourd des deux autres. Les préliminaires ont été longs, les deux animaux ronflaient par-dessus la haie... Quand ils se sont enfin retrouvés, la bagarre a commencé. Vous le verrez sur le film, à ce moment-là, toute intervention est absolument impossible ! Ils sont totalement absorbés par la lutte. Chercher à les séparer serait une prise de risque majeur pour l'éleveur. Il n'y a rien à faire, si ce n'est regarder. Ils se sont battus un bon quart d'heure, sans qu'aucun des deux ne parvienne à prendre le dessus. À un moment, ils ont disparu de mon champ de vision et ne réapparaissant pas, j'ai compris qu'il y avait un problème... Je me suis précipité et j'ai découvert qu'un des deux avait glissé et était tombé sur le dos dans un fossé. Toujours aussi furieux, l'autre continuait de le pousser à la tête au risque de le tuer. De toute façon, dans ces cas-là, il n'y a pas de cadeau, cela peut se terminer tragiquement. Complètement démuni, je me suis alors fâché et j'ai réussi à éloigner temporairement le valide. Je devais être furieux car c'est uniquement à la voix que je l'ai repoussé.

Je ne pouvais pas laisser le taureau ainsi, au bout de quelques minutes il aurait succombé, asphyxié dans cette position de laquelle il ne pouvait pas se sortir seul. J'ai couru chercher le tracto-pelle. L'autre taureau a profité de mon absence pour revenir essayer d'achever l'autre. Heureusement, ce n'était pas loin des bâtiments, et surtout avec la boue, l'endroit était accessible. Une nouvelle fois, j'ai repoussé le valide. Je me trouvais alors seul pour sortir l'autre du fossé. L'urgence de la situation ne me permettait pas de solliciter l'aide d'un voisin. Il fallait que je trouve une solution pour lever complètement l'animal pesant une tonne afin de le ramener sur le sol. Il se débattait ce qui rendait l'exercice très dangereux. Je n'ai pas voulu prendre de cordes car je craignais de lui casser les pattes ou de lui faire des déchirures. J'ai donc pris une sangle qui ne risquait pas de le blesser. Je ne voulais pas prendre une seule patte de peur de lui abîmer soit le bassin soit l'épaule. Au troisième essai, j'ai réussi à prendre en nœud coulant les deux pattes arrières, le plus près possible des onglons. Il m'a fallu plusieurs manœuvres pour arriver à le lever complètement à la verticale et le sortir du ruisseau. Malheureusement, le poids était tel que je ne pouvais pas tourner suffisamment pour le déposer complètement en dehors. J'ai donc dû reprendre les deux pattes avant de la même façon et au cinquième essai, j'ai réussi à le tourner totalement sur la terre ferme. Il était encore trop fatigué et déjà un peu asphyxié et ne pouvait pas se relever seul. Lorsque cela nous arrive avec une vache au cours d'un vêlage, j'arrive en lui prenant la tête et en la retournant légèrement en arrière à lui rendre son équilibre de l'oreille interne. Lui était trop lourd et surtout se défendait, il était trop dangereux de tenter de le faire à la main. J'ai donc cherché à passer la sangle entre les restes de cornes. Une fois l'opération réussie, j'ai pu, avec mon engin, le faire pivoter suffisamment. Instantanément, retrouvant son équilibre interne, il s'est levé. Heureusement, j'avais anticipé avec le bras et la sangle s'est détachée du tracto.

J'étais heureux de l'avoir sauvé. Mais je voulais récupérer ma sangle, de peur qu'il se fasse mal avec. J'ai donc couru après lui sans résultat. Au bout d'un moment, il est retourné vers l'autre et baissant la tête pour se battre à nouveau, la sangle est tombée. Le combat a duré 10 secondes. Il était beaucoup trop fatigué pour résister à un nouvel assaut. Vexé, il s'est alors enfui à l'autre bout du pré. C'est là que je l'ai filmé pour la dernière partie de la vidéo. Vous pouvez constater qu'il est noir de boue. Mais vous pouvez aussi remarquer qu'il n'a aucune plaie ni lésion. Je suis heureux de l'avoir sorti sans même une égratignure. Si je l'avais traîné ou tiré, il n'en serait pas de même.

L'incident ne s'arrête pas là. Il avait une peur bleue de son adversaire. Quand celui-ci a voulu s'approcher avec son troupeau, sans même chercher à se battre à nouveau puisqu'il considérait que la hiérarchie était établie, l'accidenté a fui. Dans un premier temps, il a traversé une clôture pour atterrir dans le jardin du voisin. Ensuite, complètement affolé, une fois revenu dans le pré, il a sauté littéralement au-dessus d'une haie. Mon frère m'a averti, et je suis monté le pousser dans le pré dans lequel il était le matin. De peur, que seul, il cherche à nouveau à se sauver, j'ai relâché deux vaches. Mais il était tellement vexé, voire traumatisé, que pendant les deux jours suivants il a joué au chat et à la souris avec les deux vaches, venant à l'auge quand elles n'étaient plus là, pâturant à l'autre bout quand elles étaient à la barrière.

Je tenais à vous raconter cette histoire. Il ne faut pas croire que les animaux soient tendres les uns avec les autres. Au contraire ! Pour les mâles, les combats peuvent être mortels. Mon rôle d'éleveur est donc de limiter au maximum les risques. Sous des dehors paisibles se cachent des règles terribles. C'est ce qui fait la différence entre la nature humaine et le règne animal, au moins quand l'intelligence dépasse le naturel. Car le naturel est très très violent.Inutile, je pense, de préciser que si les animaux avaient eu des cornes, celui du fossé serait sans doute mort ! Il fallait voir les coups que portait l'autre.

Vous comprendrez que la vidéo ne montre pas le sauvetage. J'avoue que j'ai eu beaucoup de chance. D'abord de ne pas me faire blesser par un des deux animaux et ensuite de pouvoir secourir rapidement l'animal en posture délicate sans lui faire de mal. Sans doute l'expérience a-t-elle joué pour beaucoup ?


bagarre de taureaux

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Commentaires
J
C'est vrai que en cas de rivalité les animaux, sauvages ou domestiques, sont impitoyables entre eux. Il faut que l'un des deux abandonne le combat. <br /> Ce devait être impressionnant ; heureusement que vous avez de l'expérience pour gérer une telle situation. N'empêche que c'est dangereux.<br /> Les vaches et les veaux regardaient le combat derrière la haie, paisiblement ? rien n'est moins sûr.<br /> Vous avez dû avoir votre ration de neige aussi.<br /> Bonne soirée.
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M
Vous avez eu une façon d'agir et une présence d'esprit remarquables.<br /> Arriver à gérer, seul, une situation aussi périlleuse, aussi bien pour vous que pour vos animaux, force l'admiration.<br /> Vous avez un bel ascendant sur vos bêtes pour qu'elles vous obéissent à la voix dans une telle situation. C'est une preuve de respect réciproque.
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J
PH, ton récit est vraiment vivant, en le lisant j'étais transporté à tes côtés pendant le sauvetage... Ah ? tu ne m'as pas vu, toi ???<br /> <br /> En tout cas, respect pour ta lucidité, ton calme, et ton courage !
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T
Je n'ai pas souvenir de pareille scène avec des montbéliards ! Et dire qu'il y a des néo-ruraux pour brailler quand on décorne les bovins...
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F
Là suis un peu horrifiée..on se croirait en Camargue..Ce genre d'exercice me semble vain, inutile et quelque part cruel (sans compter les risques énormes pour bovins et humains)Il ne me serait jamais venu à l'idée de mettre ensemble nos deux taureaux...bien suffisant de les entendre se défier de la voix chacun dans leur coin..<br /> Il n'en reste pas moins que ton article est haletant ! <br /> bon dimanche
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