"Ventre" ou plus justement renversement de matrice
Vers 18 heures, samedi, petit coup d'œil à la caméra. La stabulation est calme comme la campagne enneigée. Nous partons au cinéma, nous arrêtant prendre des amis ! Direction Gueugnon ... De retour, vers 20 h 30, nous acceptons de prendre l'apéritif. La discussion au coin de la cheminée est sympa. Sans trop nous faire prier, nous acceptons de rester manger ! Par acquis de conscience, je préviens que je vais jeter un coup d'œil aux vaches et que je reviens de suite. Je laisse Mme PH, cela fait 3 heures que je suis parti, le minimum pour vivre un peu en dehors du troupeau !
J'arrive et calmement, je sors le pain de la machine à pain, le temps que la télévision chauffe. Je pose le bol sur la table et allume la caméra.
Stupeur, il y a un veau, une génisse couchée et "le ventre" ! Le veau bouge, c'est déjà cela mais instantanément je passe en mode "extrême urgence ". Dans l'ordre; appel au véto ! Puis appel à Mme PH en changeant de tenue : Le dîner sympa est à l'eau... Je me précipite dans la stabulation mais je m'approche très lentement ! Je sais exactement où se trouve la génisse à problème ! C'est un énorme avantage car je vais ouvrir délicatement les barrières du trottoir pour élargir la case et éloigner les autres vaches ! Dans l'affolement, elles pourraient piétiner l'utérus qui git dehors ! Il faut donc mettre la génisse en sécurité ! Elle se lève ensuite, mais se tort de douleur et tourne sur elle-même, gênée par le poids qui pend derrière elle ! Cela les affole toujours ! Heureusement, elle se retourne vers son veau, le renifle et le lèche un peu ! Mais elle a trop mal et n'insiste pas ! Il faut que je l'amène dans le fond pour la mettre dans une case où je puisse la prendre. Si je le faisais là où elle est, elle risquerait de se déchirer en se défendant.
Je tente une manœuvre assez originale ! Je tire lentement le veau pour l'attirer... Elle suit et au bout de cinq minutes, elle est dans la case. Le plus délicat reste de la prendre au lasso ! Elle tourne sur elle-même, j'ai ressorti le veau pour qu'elle ne marche pas dessus. Elle frotte l'utérus sur le mur et des cotylédons se mettent à saigner. A la quatrième tentative, je réussis à la prendre. Pendant 3 minutes, la partie se joue entre elle et moi ! Elle tire de toutes ses forces pour se dégager et moi, je dois la calmer pour raccourcir de plus en plus le lien ! Enfin, elle cède... Le véto arrive. Comme je lui avais demandé, il attends dans sa voiture le temps que j'ai bloqué la génisse. Je lui fais signe ! Il s'habille avec une casaque en plastique ! C'est génial mais cela a un défaut majeur : Déguisé en cosmonaute, la tenue fait du bruit et les animaux s'affolent ! Heureusement que j'ai ouvert les cases ! C'est panique à bord ! Toute la case se vide, elles se tassent sur le trottoir, veaux compris.
" Je vais chercher eau chaude, savon et torchons. Elle est prise au fond !" Je pars et reviens chargé comme une mule ! Le véto a installé son matériel derrière la génisse. " Elle est vive, il faut la prendre à la mouchette !" J'apprendrai plus tard qu'elle s'est défendue quand il a voulu lui faire la piqure d'anesthésie locale entre deux vertèbres. La seringue a sauté dans le fumier, elle y est encore... L'opération est délicate ! Je dois me glisser entre la barrière et l'encolure de la génisse, soit 30 cm ! Il faut que je puisse lui saisir le nez pour mettre la mouchette et ensuite la tendre en lui faisant relever la tête au maximum ! Cela les paralyse ! Je monte sur la barrière, la génisse essaye de m'atteindre avec sa patte arrière. Il faut que je me colle le plus possible contre elle pour qu'elle ne puisse pas m'éjecter ! Le moment est délicat, dangereux ! Elle saute et je perd un instant mon équilibre ! Je me rattrape à la barrière et me plaque contre l'encolure ! Je suis complétement collé à elle et suis ses mouvements ! Je finis par lui saisir la gueule et lui tourne de force la tête vers moi. Elle fait 700 kg, moi 80 !! Seule la technique peut me donner l'avantage. Quand la tête est tournée ainsi, elles sont immobilisées. Je passe la mouchette sans la lâcher, puis la cordelette sur la barrière et... Au moment où je vais lâcher la gueule, il faut que je tende la corde pour que dans le mouvement naturel qu'elle va faire, elle se retrouve prise le nez en l'air ! Cela marche du premier coup... Elle se débat encore un peu, hurle à la mort et cède enfin ! J'avertis le véto que je reste 'l'occuper" à la tête le temps qu'il fasse sa piqure ! En fait, comme elle ne peut voir ce qui se passe derrière elle, elle cherche à se défendre de moi ! Je prends un coup sans me faire mal ! La piqure est faite. Il fait - 5° C et je suis en nage...
Je passe derrière et me place entre le mur et la génisse. Il faut que je l' empêche de se tourner contre le mur car nous ne pourrions plus rien faire. En plus, je la coince avec mon genou pour qu'elle ne se laisse pas tomber ! Le véto commence par laver et la délivrer ! Seul un petit morceau de délivrance restera... Je lui propose de tenir la matrice pour qu'il puisse terminer. L'anesthésie fait effet. Je lui propose alors comme je suis seul de porter la matrice le temps qu'il la rentre. Je la prend à deux bras, le sang traverse les manches et la cotte au niveau du ventre ! Une casaque serait vraiment bien à ce stade mais pas question de faire le difficile. Donc je porte pour remplacer la planche et lui pousse en tournant l'utérus dans la vache . C'est très délicat, il ne faut pas déchirer en forçant... Je l'aide autant que je peux en levant les bras le plus haut possible avec les 20 kg... Doucement, au rythme des contractions, il parvient à la faire rentrer... Les derniers centimètres sont toujours les plus délicats, la douleur... Par contre, à chaque fois, je suis impressionné : Dès que la matrice est à l'intérieur, la vache perd toute contraction, sans doute toute douleur également ! Je pars chercher une bouteille en verre. C'est tellement profond que le véto est obligé de pousser avec pour terminer de déplier la matrice à l'intérieur de la vache... Il met ensuite des oblets désinfectants, et boucle à double tour avec des épingles qu'il relie avec une ficelle. Cette partie ne fait plus mal à la génisse. Une piqure à l'encolure pour détendre la matrice et c'est terminé ! Je relâche non sans prendre quelques précautions. Nous sortons et allons faire les papiers !
Je retourne ensuite mettre le veau avec sa mère de façon à ce qu'elle ne se couche pas dessus car la train arrière est endormi... Le cordon et je rentre ! Je suis trempé de restes de sueur et de sang ! Ce dernier a traversé tous les vêtements. Je m'arrête donc devant la machine à laver et me déshabille entièrement pour tout mettre au lavage ! Direct douche en l'état... Je ressors, changé et propre ! Nos amis ont ramené Mme PH, il est 23 h 15... Elle a sommeil mais moi, pas du tout...Je mange et surveille mon couple avec la caméra. Vers minuit et demi, je vais me coucher !
A 2 h 30, je me réveille ! La caméra est pointée vers le couple qui semble dormir ! Un tour et... Une génisse est allongée de tout son long et force ! Elle travaille... Debout ! Je file dans la stabulation en catastrophe. Au moment où j'arrive, j'entends un petit flop caractéristique ! Le veau est dehors... Je prend de l'eau à main nue dans l'abreuvoir et la met dans l'oreille du veau. Il respire. Je fais lever la mère pour qu'elle ne fasse pas comme sa copine. Le veau me regarde, la mère se retourne et le lèche : Bonne pioche. Je cours chercher le désinfectant et je tire le veau à un endroit plus propre. Je n'ai plus de case disponible...
Je rentre me coucher, il est 3 h passées ! Je n'arrive pas à m'endormir tout de suite. Vers 6 heures, je jète un coup d'œil à la caméra, tout va bien, mais le dernier né a traversé la stabul avec sa mère et est couché à l'endroit le plus froid ! A 7 heures, je me lève et je file rentrer dans des cases plus larges et plus chaudes, les deux veaux de la nuit... Il gèle, ils seront mieux. Soins ensuite jusqu'à 13 h 30, repas léger et sieste avant de retourner faire téter les bébés...
Quatre ou cinq heures de sommeil en deux fois, des efforts physiques intenses, voilà ce que fut ma nuit de samedi à dimanche... Cela arrive plusieurs fois par hiver. A cette saison, je ne suis pas encore trop fatigué et je récupère ! Mais au fil du temps, les réveils systématiques la nuit aidant, je vais m'user lentement pour terminer l'hiver HS... Jusqu'à quand pourrai je le faire sans risques ?
J'ai pris cette photo de la vulve hier soir et j'ai enlevé les épingles ce matin sans faire bouger la génisse ! Même pas mal ! Le petit bout de délivrance fait à peine 20 cm !Il est simplement pendu sur l'épingle.
Voilà comment on fait la paire avec les vétos ! Sans eux, je ne sauverai pas les animaux de ces situations. Voici la version de Boules de ce genre d'intervention. Je n'ai pas relu pour garder l'authenticité de mon vécu ! Je le ferai demain...
Suivent dans l'ordre, une photo du veau photographié hier, une fois léché par sa mère :
La génisse dont la mère a fait le "ventre "... Elle sera immense !
Et celle qui est née toute seule, elle pique un bon roupillon !