Stress suite à un schistosoma

Vendredi soir, une vache vêle. Je la laisse faire. En quelques minutes, elle a posé le veau sans intervention de ma part. Je l' isole dans une case. Une jolie génisse. J'y retourne vers 23 h et j'en profite pour faire un tour complet avant d'aller me coucher. Tout va bien.

Samedi matin, même tour des animaux. Tous les animaux ne sont pas sous la caméra. Donc, vers 7 heures, je jette un coup d'œil dans la case non surveillée. Aucune vache ne présentait de symptômes laissant penser à une mise bas proche. Ma surveillance relevait donc de l'acquis de conscience. Et là, boum, je vois un veau mort au milieu de la paille, un avortement sans aucun doute.

Il me faut toujours un moment pour encaisser. Je l'ai déjà écris, ce n'est pas l'aspect financier que je ressens dans ces moments là. La vente est dans plus d'un an. Non, c'est un sentiment d'échec, de déception que la transmission de la vie ne se produise pas. Vous allez me trouver trop sensible, mais j'ai de la peine pour la mère, d'autant que cette vache là fait partie des plus vieilles, donc que je la connais mieux que les jeunes. Elle sait qu'elle a vêlé comme elle sait qu'il est mort! Des petits signes dans son comportement laissent transpirer cette tristesse ou plutôt son désarroi. Je ne cherche pas à me cacher cette réalité mais je n'ai pas le cœur à me précipiter, rien ne changerait de toute façon. Je donne à manger aux autres animaux, dans l'ordre habituel ! Je ressasse dans ma tête: le second en trois semaines ! Que se passe t'il ? Qu'est ce que je foire dans ma façon de gérer le troupeau ? Est ce une maladie ? Y a t'il une cause alimentaire, de logement ????

Il faut pourtant que j'accepte les choses. Je ne dis rien à Mme PH au téléphone, inutile de briser son entrain d'étudiante d'un jour pour une formation vraiment nouvelle et passionnante. La procédure administrative, dans ces cas là, nous demande de faire procéder à une prise de sang par notre vétérinaire sanitaire. Il faut donc que je sorte la vache du lot pour la mettre dans une case où il sera plus facile d'intervenir. Pour cela, je prend tout le lot au cornadis. J'ouvre ensuite une petite barrière  pour sortir la vache et l'avorton ! En arrivant vers celui-ci, je comprend de suite les causes de cet accident ! Le veau est malformé, tout l'appareil digestif s'est développé en dehors du ventre, dans le liquide amniotique. Il est donc mort dans le ventre de la mère et elle l'a éjecté. Avant de le sortir de la case, j'appelle le cabinet vétérinaire pour leur demander de passer, en décrivant le cas. Ce ne sera possible qu'en début d'après midi. Je termine l'opération de tri des animaux ! Je suis à la fois rassuré et encore inquiet. Disons simplement que j'ai retrouvé un brin de tonus puisqu'il ne peut s'agir d'une maladie...

Comme les autres vaches sont encore prises, je me décide à fouiller une vache dont je n'étais pas sûr ! C'est une de mes meilleures vaches, grande et profonde. Je n'avais pas trouvé le veau mais je ne la pensais pas vide car elle n'avait jamais "bougé". Je passe un gant, retire un peu de bouse et sans descendre , je sens le veau. Je me demande encore comment j'avais pu passer à côté ? Cette fois, le moral remonte un peu. Je termine mon travail, pas euphorique mais pas aussi abattu que le matin !

Vers 14 h 30, le véto arrive. Il est tout surpris que je lui montre l'avorton ! En une seconde, il pose le diagnostique :" C'est un schistosoma reflexum. On en a deux ou trois par an dans toute la clientèle. On ne connait pas les causes exactes: génétiques, alimentaires, infectieuse... " Il a l'air très soulagé, je comprend ensuite : " Tu as de la chance car le veau peut arriver à terme comme cela et avec cette malformation, il est impossible à sortir. Il faut faire une césarienne, on en bave car c'est un des cas les plus difficile à réussir... " Il répète deux fois comme pour se convaincre qu'il a échappé au pire. Et c'est en sifflotant qu'il se dirige vers la vache pour faire la prise de sang !

C'est donc le hasard qui a fait que j'ai eu deux avortements sur un temps aussi court. Hasard naturel difficile à vivre et qui rappelle que rien n' est maîtrisable avec cette fichue nature ! Je ne suis pas la cause de cet échec en l' occurrence mais j'en subit les conséquences. " Prendre ce que la nature te donne..." C'est difficile à assumer certains jours, seul au milieu de ses animaux sans savoir ce qui va arriver. Je repense au vétérinaire qui avait du stresser en se demandant ce qu'il allait trouver... D'autant que j'avais précisé au téléphone que je ne voulais pas d'un aide cette fois. Il faut dire que quand j'appelle, c'est que... Mais promis, la prochaine fois, je préciserai les choses ! "Veau trop gros, donc césarienne probable" doit être rassurant ! La routine pour eux .

       

         La sérénité de dame nature n'est souvent qu'apparente !

Pour les spécialistes qui voudraient illustrer un cours vétérinaire ou autre présentation des anomalies naturelles, j'ai des photos du cas. Trop gores pour être mises ici, donc par mail !

Comments

[Lazuli66]

Je confirme que c'est vraiment un coup de veine que la vache ait pu l'expulser toute seule ! Que ce soit par césarienne ou en le découpant dans la mère, c'est toujours la galère à sortir ces machins.

[Brigitte]

Brrr ! c'est triste !

[MARIE Cabardouch]

Je comprends votre sentiment face à ce regrettable " accident" par rapport à la mère que vous suivez depuis longtemps. Combien de temps gardez-vous vos vaches ? Je croyais qu'il n'y avait que les laitières que l'on gardait de longues années.
Je me souviens d'avoir vu ce désarroi et cette anxiété chez une vache face à son veau en difficulté.

[Fourrure]

Tiens il faudra qu'un jour j'écrive un billet sur l'extraction de ces trucs là.
Mais... PH, un faible % d'avortements par an, c'est tout à fait normal !(du genre 3-5%, je ne me rappelle plus selon les types d'exploitation).