Retour dans le passé... Digoin-Lyon en train !
Mme PH a avait une formation hier à Lyon... Je n'avais pas attendu ce samedi matin pour lui annoncer mon intention de la rejoindre dans l'après midi. J'ai besoin de sortir définitivement de mon hiver, besoin de profiter pleinement de la liberté retrouvée. Mais, pour être à l'heure, elle devait partir dès 7 heures du matin. Trop tôt pour moi, je voulais m'occuper des animaux et faire un tour à la foire exposition annuelle ici.
J'ai donc tout préparé pour que PH fils puisse donner les rations de dimanche matin et vers 14 h 30, je lui ai demandé de m'accompagner à la gare. En effet, je partage ma voiture avec mes deux derniers, donc je ne suis plus libre de mes déplacements. " Mais tu vas où ? " me demanda t'il en me voyant prendre la route de Vichy... "Et bien , je vais prendre un RER à Digoin!" Sa surprise est totale car nous avons pris le réflexe TGV et je lui suis apparu vraiment vieux jeu...
Petite gare de campagne, la guichetière me vend le billet en souriant. " C'est un retour dans le passé ! Du temps où j'étais étudiant... Attendez, je préviens mon fils qu'il peut repartir !" " Maintenant, c'est eux qui gardent la voiture pour le week-end..." me répond elle. Visiblement, on doit vivre les mêmes choses. " Vous avez le temps, le train a au moins 10 minutes de retard..." Ici, pas de panneau, pas de message, le contact est humain. Je m'installe au soleil sur un banc dehors. Une bonne dizaine de minutes après l'horaire normal, c'est la sonnerie du passage à niveau qui annonce l'arrivée du train ! Rien n'a changé dans cette gare depuis 1976 où je prenais le train de Clermont !!! Le chef de gare, le signal réglementaire à la main, sort, enfile sa casquette. Il ouvre la porte des pas perdus pour s'assurer qu'aucun voyageur n'y soit resté ! Auquel cas, il aurait annoncé le départ. Il traverse les voies comme nous l'avions fait avant et se met devant le passage pour interdire toute traversée à l'arrivée du train ! Nous sommes une dizaine à monter... Je prend place dans l'autorail qui est plus spacieuse que les vieilles machines d'antan. Un groupe de personnes voyageant ensembles, un peu bruyantes, me poussera à changer de place à Paray le Monial !
La suite relève d'un voyage dans la vraie France profonde. Je ne me sens pas pressé, ni oppressé. J'ai pris place sur une banquette surélevée, inconfortable au possible mais qui me donne une vue imprenable sur la campagne ! Au début, nous roulons à vitesse respectable, disons 100 km/h maximum. Le cliquetis des rails est assourdissant ! On ne risque pas de s'assoupir. D'un seul coup, le train freine brutalement ! Il n'y a pas de gare, rien qui nous gêne ! Mais, je l'ai lu sur un journal, la voie est tellement en mauvais état que les trains ne peuvent dépasser 60 km/h, au risque de dérailler. Quel contraste avec le TGV ! J'ai pris l'escargot ! Mais le spectacle extérieur est tellement beau que je sors mon appareil photo, bientôt suivi par un autre passager. Il y a toujours un reflet ou des branches qui gênent et qui m' empêche de prendre le Brionnais qui défile lentement de part et d'autre de la voie. Pourtant, que c'est beau ! Ces prés, ces vaches blanches, ces haies, ces mares et ces maisons si belles !
Nous sommes ici au coeur d'une des régions les plus riches de France. Terre "d'embouche" aussi connue que le pays d'auge. L' herbe est si bonne; terrains argilo-calcaires, que l'on pouvait mettre des animaux maigres au printemps et les ressortir "gras" l'été ou l'automne sans compléments. Mais cela s'est perdu depuis une trentaine d'année, avec l'arrivée des aliments complets qui permettent de nourrir plus d'animaux et avec les primes dont la prime à la vache qui pousse vers le naissage !!! Dommage... Nous, éleveurs sur le granit, avons toujours regardé avec envie ce don de dame nature. Pour l'anecdote, mon père en visitant une ferme il y a bientôt quarante ans, avait fait remarqué à l'éleveur qui nous recevait qu'aucune surface n'était perdue tant les chemins étaient étroits... " C'est à cela qu'on voit que la terre est bonne ! "
Après La Clayette, nous montons aux Echarmaux ! Le paysage change totalement ! Nous sommes dans la petite montagne ! La ligne serpente au grès des courbes de niveaux ! Nous franchissons une vallée grâce à un viaduc magnifique à Chassigny , je crois ?
Un long tunnel qui parait sans fin et nous plongeons vers la vallée de la Saône par l'Azergue ! Au début, ce sont les forêts qui dominent :
Le sapin est roi dans le haut beaujolais.
Puis les pentes se radoucissent, le relief se fait plus accueillant, nous arrivons au pays de la vigne avec ces maisons de pierres dorées.
Jusqu'à Lozanne, la voie est toujours en aussi mauvais état, voilà des kilomètres que nous sommes à 60 km/h ! Je ne peux lire tant les secousses me donnent le mal de mer ! Par endroit, les branches frottent sur les vitres. L' entretien minimum n'est plus assuré. Un paysan peut se voir reprocher aujourd'hui un manque d'entretien de ses haies, au titre de la gêne à circulation sur la voie publique le long d'un chemin ou d 'une route. Ou au titre de "l' éco-conditionnalité" c'est à dire du respect de l'environnement. Rien de tel à la SNCF !
Ensuite, la voie a été refaite, nous filons à nouveau, à sans doute 120 km/h dans un silence surprenant après tant de bruits. Nous franchissons l'A6 au sud de Anse. Nous rejoignons ensuite la ligne PLM, Paris-Lyon-Marseille. Là, le conducteur se lâche. Nous fonçons le long de la Saône à au moins 140 km/h ! Je laisse Lyon Vaise sans descendre et nous arrivons à Perrache, terminus du train ! Il y a du monde sur notre quai dont l'autre côté donne sur la voie A : Un TGV un peu spécial est garé là, une rame fêtant le trentenaire de la nouvelle ligne ! Je passe devant, en souriant ! J'aurai pu être à Lyon à 16 h au lieu des 17 h 45 que marquent les pendules de la gare.
Mais je n'aurai pas profité du temps d'un voyage touristique...
Le trajet m'a coûté 20 € au lieu des 30 du TGV ! J'ai eu l'impression de remonter le temps, de revivre de vieux souvenirs. Pas question de faire cela toutes les semaines ! Pourtant, je ne peux m'empêcher de me faire la réflexion suivante : 100 km environ séparent Digoin de Lyon à vol d'oiseau. Si la ligne était aménagée et entretenue, avec des rames puissantes comme celle que j'ai emprunté, il serait possible de faire le même trajet en une heure, sans pour autant passer en mode TGV ! Mais Lyon, n'est pas en Bourgogne.
Une heure de trajet pour vivre en pleine campagne, tout un programme de développement, pour peu qu'on le veuille... En attendant, pour le moment, au regard des horaires, seule la voiture avec ses 2 heures de routes tortueuses...