J'ai trouvé...
Je vous avais dit que j'avais du mal à encaisser certaines conclusions d'études faites à partir de documents bien incomplets ! Pendant plusieurs nuits, ces remarques ont nourris mes insomnies. Je ne me trouve pas forcément très compétent mais je ne pense pas être tire au flanc pour mon travail. Il est difficile de supporter de perdre des veaux quand on passe 5 mois sans quitter sa ferme pour ne pas manquer les vêlages. Et quand j'ai un doute, je suis capable de traverser la cour pour aller voir quelque soit l'heure et la météo...
Nous avons besoin de références, de confronter nos résultats ! Mais le document qui m'a mis à plat est bien trop partiel pour être pris au sérieux. En fait, il s'agit d'une extrapolation à partir des déclarations que l'on fait à l'EDE pour tous les mouvements du troupeau ! Lorsqu'il a été envoyé à tous les éleveurs, il y a deux ans, aucun d'entre-eux n'a mordu à la proposition de l'acheter. En retravaillant dessus l'autre jour, j'ai mesuré comment des conclusions hâtives pouvaient ne pas correspondre aux réalités ... Un chiffre théorique des pertes financières liées aux pertes de veaux m'a particulièrement sapé le moral ! Il n'est pas question de dire ici que les pertes n'affectent pas le résultat final mais pas dans les proportions indiquées, sinon ce serait la catastrophe chez beaucoup...
Une discussion avec un ami hier m'a mis sur la voie : " Ce que tu me racontes, c'est du calcul de technicien..." Sous-entendu du théorique bidon ! "Oui, mais je ne comprend pas comment expliquer l'écart..." Et un peu plus loin dans la discussion, d'un seul coup, j'ai compris ! Il pratique une conduite d'élevage que je n'avais pas envisagé ! Il fait un certain nombre de vêlages mais il s'est fixé un nombre maximal de vaches allaitantes gardées l'été. Je lui disais que l'année dernière, j'avais réussi mes vêlages et que du coup, j'avais du garder plus de vaches pour allaiter les veaux ! Heureusement que l'année avait été arrosée sinon j'aurais du nourrir plus d'animaux l'été ! Et du coup, je m'étais retrouvé avec des sorties des vaches de réforme au pire moment, c'est à dire en fin d'année ! Souvenez vous, elles étaient restées 5 semaines avant de partir !!! J'avais donc quelques veaux de plus, qu'il faut nourrir, et des vaches vendues au pire moment en terme de cours. Coûteuses de surcroît car finies à un moment où il n'y a plus d'herbe et exigeant beaucoup de paille pour rester propres... Bref, si on calcule une approche prix de revient, cinq veaux de plus ne me semblaient pas m'avoir rapporté grand chose. Et encore heureux que ce ne soit pas arrivé une année sèche !
Donc, lui se limite à un nombre de vaches suitées ! Il vend les veaux à 3 semaines et finit ensuite les vaches sur le modèle que j'emploie en ce moment avec les vaches qui ont perdu leur veaux ! Résultat, elles ne mangent presque pas de concentrés puisqu'elles mangent de l'herbe qui est bien meilleure. De plus, elles sortent à un moment où il y a moins d'animaux. Les cours ont augmenté, depuis 15 jours, de plus de 10 % par rapport à ceux de cet hiver ! J'ai été surpris en recevant le bordereau de paiement de mon groupement la semaine dernière. Pas besoin de paille puisqu'elles étaient dehors ! Résultat, une marge par animal sans comparaison avec celle des animaux qui ont allaité l'année dernière ! C'est donc là que se fait une partie de la compensation que j'évoquais !
Une question m' a alors brûlé les lèvres : " Combien tu vends les veaux ? " " Au mieux à 300 € !" Et là, j' ai eu envie d' hurler ! Alors que le document annonce des pertes sur 3 ans de 23000 €, je viens de réaliser que la perte réelle est sans doute bien inférieure à 10000 € . Facilement compensable par l'amélioration de la marge décrite plus haut... Inutile de dire que je rumine depuis ! Je crois que je vais me fâcher tout rouge lors de la prochaine réunion ! A force de vouloir analyser des chiffres sans avoir une vue d'ensemble, on peut arriver à des conclusions inverses à ceux d'une bonne gestion ! Le côté rassurant est qu'aux aléas de dame nature, on peut opposer des stratégies différentes ! En raisonnement pur, il faut analyser les situations avec un peu de recul ! Qu'est ce qu'une vache allaitante ? Une vache qui allaite un veau et qui se fait engrosser du suivant en même temps ! La fonction laitière est plus exigeante en terme de nourriture dans le temps que la fonction reproduction ! Résultat, il ne faut pas garder une vache qui n'allaite pas ! Et si une année, on a moins de veaux à lâcher, il faut mettre un peu plus de génisses au taureau pour maintenir le nombre de vêlages ! De même, quand on parle d'autonomie, il faut essayer de cerner la capacité de la ferme à nourrir un nombre d'animaux sans devoir acheter ! Et c'est seulement ensuite que l'on devrait décider d'en nourrir plus en achetant de l'aliment. Ce que l'on ne ferait alors que lorsque le prix de l'aliment peut se retrouver dans le prix de vente des animaux ! Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui !!!! Ce raisonnement relativise totalement le seul critère nombre de veaux par vaches vêlant ! Bien sûr, il ne faut pas plonger pour supporter les charges de structure mais il ne faut pas non plus qu'on en fasse le seul critère d'évaluation d'un système ! Un bon éleveur n'est pas celui qui a le plus de veaux mais plutôt celui qui optimise le mieux le potentiel de sa ferme ! Cela veut dire qu'il n'y a pas deux situations identiques et que la course aux vêlages est une bêtise ! Car en poussant au bout le schéma, on peut sacrifier la qualité morphologique des animaux pour avoir des vêlages plus facile et avoir ensuite des animaux de moindre valeur commerciale ! A l'inverse, le schéma blanc-bleu avec césarienne à tous les coups et des problèmes cardiaques génère un prix de revient trop onéreux pour être rentable aujourd'hui...
Je ne sais pas si je vais être convaincant mais je retire deux enseignements ce long cheminement ! Un, il est impératif que toutes les analyses partent de groupes d'éleveurs qui confrontent leur chiffres techniques et économiques ! Laisser des techniciens élaborer,seuls, des analyses sur des critères partiels et de façon systématique sans tenir compte du contexte est une énorme bêtise ! Deux, l'agriculture familiale reste la seule capable des adaptations à ce contexte et la plus réactive ! Toutes les grandes fermes que j'ai visité n'ont pas d'autres critères pour apprécier la compétence de leurs salariés que le nombre de veaux sevrés ! Or celui-ci ne mesure pas l'optimisation du système que seules l'expérience et la réactivité peuvent permettre d'atteindre : A méditer !
Pardon pour ce billet sans doute confus ! Il me fallait l'écrire ! Cela me fait du bien... Et j'espère que les éleveurs qui passent ici me comprendront ! Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule : La vache à problème ne réagit plus de façon anormale...
Par contre, il n'a pas plu ! Et là, tous les raisonnements tomberont si cela perdure ! Je vous expliquerai...