Toujours... Plus inquiet...
Chaleur, vent, soleil... Ce temps qui ne change pas : Une calamité bientôt...
Chaque jour, l'annonce d'éventuelles précipitations est reculée aux jours suivants, augmentant, chez nous tous, l'angoisse !
Il faut faire les photos le soir pour obtenir des couleurs qui ne soient pas saturées en jaune... Les endroits où la terre est peu profonde sont déjà très marqués :
Cela tranche avec la même parcelle il y a 15 jours :
Ici, en année normale, 70 % de la production d'herbe se fait au printemps. C'est donc le moment de la mise en réserves pour l'hiver, le moment où les animaux prospèrent pour se remonter après l'hiver et faire des provisions pour la sécheresse estivale ! Si la pluie n'arrive pas, il faudra rouvrir les parcelles prévues pour être récoltées. Cela permettra d'aller peut être jusqu'à l'été ! Mais il n'y aurait rien pour l'hiver prochain. Et même si on avait un été pourri, il serait très difficile de récolter assez pour l'hiver !
La seule solution sera d'acheter ! De la paille pour faire ruminer, des aliments pour nourrir. La paille était à 129 € / t en mars ! Il m'en reste 3 bottes... Rien que pour nourrir le troupeau l'hiver, il m'en faudrait au moins 100 t ! Si on commande maintenant, on pourrait espérer l'avoir à moins cher mais qui acceptera aujourd'hui de passer un contrat aux 60 € habituels ? Personne ! Si vraiment il en faut , c'est sans doute 10000 € qu'il faudra dégager rien que pour ce poste et peut être plus, s'il faut aller la chercher en Espagne ou au Danemark !
Pour ce qui est de l'aliment indispensable à côté. Sur les chiffres 2003, c'est 30 tonnes qu'il me faudra... En 2003, il coûtait 150 € /t suite à une action syndicale qui en avait bloqué le prix. Au regard de l'évolution des prix, sachant que celui du blé à quasi doublé, c'est probablement sur 260 € qu'il faut tabler au bas mot ! 7000 à 8000 € seraient donc nécessaire. Inutile de vous dire que des mesures de régulation devront être prises pour tenter de contenir les prix qui vont devenir inflationnistes. Le gouvernement en sera t'il capable ? La gestion de crise des dernières années ne me rend pas optimiste !
Vous l'avez compris, le bénéfice sera non seulement mangé, mais dans cette hypothèse, il faudra que je ne prélève plus rien pour la famille pendant un an pour financer ! Et bien sûr, ce calcul prend comme hypothèse le fait que je parvienne à nourrir les animaux jusqu'à l'hiver avec l' herbe et les céréales de cette année ! Si je n'ai plus rien en octobre, il faudra acheter un tiers en plus...
Si j'ai été clair, vous comprenez l'ampleur du désastre en devenir et pourquoi nous sommes si inquiets ! Vendre des animaux pourrait être une solution ? Oui, mais à condition que le marché soit soutenu par une action publique car vous imaginez bien que tout le monde va vouloir vendre en même temps, la plupart n'ayant pas les moyens d'acheter car je fais sûrement parti des plus nantis en trésorerie !
Une semaine de pluie réglerait donc le problème, au moins partiellement...
Et pour revenir sur le précédent billet, l'explication devient simple ! Avec les primes, poussés par tous les intervenants de notre filière qui veulent s'approvisionner à bon compte ou nous fournir des services basés sur le nombre d'animaux, nous avons été incités à produire toujours plus d'animaux ! Mais nous n'avons pas toujours des productions d'herbe et de cultures suffisantes. Résultat, une année de vêlages très réussie, nous nourrissons plus d'animaux à quantités de nourriture égales. Et c'est là que nous coinçons : Nous devons racheter des aliments ou laisser souffrir certains lots d'animaux ! Chose que l'on subit moins les années avec moins de vêlages où nous nourrissons mieux ! Le résultat est que l'on améliore la productivité des animaux restants et que cela compense partiellement l'éventuel manque de veaux . Ainsi, tout ne tient pas au seul nombre de veaux nés, à condition d'avoir le minimum au regard de la production végétale de l'exploitation !!!! Un éleveur est d'abord un "cultivateur d'herbe" ! On l'a oublié trop souvent. C'est bien l'adéquation entre la production d'herbe et le cheptel qui permet un optimum et non un cheptel maximal ne tenant pas compte du potentiel agronomique de la ferme ! Tout dépend donc du choix de la conduite de ce dernier et non d'un seul critère comme celui de veaux nés ! A condition de ne pas nourrir d'animaux improductifs ! Si on oublie cet équilibre, c'est l'ensemble qui est fragile car dépendant des achats nécessaires. Ces derniers peuvent être un bon choix de gestion quand l'indice de consommation économique, c'est à dire quand le prix du kilo vendu est largement supérieur aux achats nécessaires pour produire ce kilo ! C'est une catastrophe quand cet indice est détérioré comme depuis 4 ans ! Une année extrême permet de se rendre compte de nos fragilités, voir de nos erreurs de gestion !
Et elles sont énormes puisqu'on a incité les gens à investir en calculant un nombre théorique d'animaux suplémentaires nécessaires pour financer le remboursement des emprunts sans calculer la part que ce nombre entraine en achats d'aliments supplémentaires pour ne pas perdre sur la productivité du troupeau ! Avec des prix de vente en hausse et des primes faisant pareil , on arrivait à passer ! Mais les prix stagnes depuis une décennie, les primes font de même... De nouvelles charges apparaissent et le prix des aliments augmente, alors... Soit je suis capable de produire plus d'herbe à moins cher, soit il me faut retrouver un nombre d'animaux en rapport avec la production végétale de ma ferme pour m'en sortir ! Une approche de l'autonomie, voilà la gageure ! En gardant toujours à l'esprit que dame nature ne donne jamais deux fois la même chose !
Comprenez que nous en ayons gros sur la patate ! Le risque de devoir travailler sans doute plus d'une année complète sans aucun revenu, juste pour sauver le troupeau n'est pas exaltant... Et que vont devenir les exploitations où la femme travaille avec son mari ? D'ailleurs, est ce à nos femmes de nous faire vivre ? Les conséquences d'une sécheresse "modèle 1976" seront catastrophiques pour notre élevage et notre région...