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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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13 mai 2011

Sècheresse...Peur panique !

J' ai pris un énorme coup de blues lundi matin ! Le week-end se terminait sans la pluie annoncée, reportée au mardi. Mais en ce début de semaine, rien ne laissait présager un réel changement de temps !

Ce lundi matin, j'ai croisé des collègues ! Quelque chose dans leur comportement avait changé. Est ce le fait que météo France ait annoncé un temps ultra sec et chaud pour le prochain trimestre ? Est ce cet enchaînement d' annonces de pluies sans cesse démenties parfois dans la même journée ? Est ce le fait que les sites spécialisés n'annoncent pas tous la même chose même en terme de tendances ? Est ce le fait que les dictons du jour passent sans qu'aucun ne corrige l'annonce du pire ?

m_t_ofrance

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" C'est foutu ! Je fauche avant que l'herbe disparaisse ! " Sans doute un souvenir de juin 2003, les premiers jours de canicule, l'herbe donnait l'impression de fondre dans les prés... " De toute façon ça ne poussera plus, autant ramasser ce qu'il y a pour pouvoir ouvrir aux vaches ensuite... " Sauf que s'il ne pleut pas, ce sera pire puisqu'il n'y aura rien à manger et qu'il faudra redonner ce qui aura été récolté. Une sorte de panique semble s'être emparée de nous tous ! Faut il couper dès maintenant ou attendre ?

J'ai promis quelques jours à Mme PH  ! Après l'hiver, j'ai besoin d'un temps de vrai répit ! Besoin de changer d'air, de tenter d'oublier les soucis et de faire tomber la pression... Mais en quelques instants, la certitude qu'il faille un peu patienter et surtout ne pas s'affoler tombe ! Pour la première fois, je suis complètement désemparé ! Il n'y a aucune certitude quant aux choix à faire ! Et s'ils avaient raison ? Et s'il fallait foncer, prendre ce que dame nature nous donne maintenant c'est à dire à peine 30% d'une récolte normale et acheter le reste ? J'ai un poids sur le thorax. Il faut que je parle. Mme PH est à sa formation à Paris. Personne ne peut me rassurer, je le sais. Mais je sais qu'en parlant, je me libérerai de ce poids. Je tente de téléphoner à mon frère. C'est la première fois que je le fais " pour lui demander conseil ". Sa ligne est mauvaise et inaudible.

Il faut que j'agisse, que je prenne une décision pour ne pas paraître passif face à l'adversité.  Dois je annuler les journées avec Mme PH ? Ce serait une erreur monumentale. Je sens que je cède à une peur panique que je ne ressens pas souvent. Je donne souvent l'image de roc et là, je perd pied. Je respire, je tourne dans la cour, incapable de faire quoique ce soit. Les événements nous échappent totalement. Nous sommes dans l'irrationnel, abandonnés, seuls, à notre sort !

Je ressens ce sentiment dans la suite des contacts. Je téléphone à mon acheteur de groupement pour prendre rendez-vous. J'ai des vaches qui sont finies. Comme les cours allaient un peu mieux, je ne me pressais pas pour les annoncer. Mais je pressens que tout va se retourner. Car dans ces circonstances, le malheur des uns va faire la fortune des autres.

Il est écoeuré : "Depuis ce matin, j'ai déjà eu une vingtaine d'éleveurs qui veulent que je passe vite pour acheter des animaux. Cela me rappelle 1976 ! " Vous l'avez compris, cette fuite en avant prend tous les éleveurs. Le pire arrive. Depuis 4 ans, l'élevage allaitant est en crise. Aucune mesure spécifique n'a été prise pour les éleveurs. Je l'ai souvent évoqué ici. Nous avons l'impression de nous enfoncer lentement, incapables de répercuter dans nos prix de vente les hausses incroyables des charges. Ensembles, nous évoquions la fragilité incroyable des trésoreries de nos exploitations. Pour conjurer le sort ou nous rassurer, nous admettions que nous avions de la chance de ne pas avoir un accident climatique majeur, car alors, c'est l'avenir de chacun qui serait remis en cause ! " PH, cette fois, cela arrive, c'est la crise de trop. Vous qui savez parler, dite que ce n'est plus 60 cts par kilo qu'il faut mais plus d' 1 € ! " "Je sais ! " Comme je sais que cette crise profite depuis plusieurs années à d'autres maillons de la filière. Comme je sais que ceux-ci voient dans la situation qui se dessine une opportunité de faire des affaires incroyables... Je me tais, impuissant . Je ne suis plus aux affaires. J'ai bien tenté la semaine dernière de souffler une idée de revendication immédiate, sans être compris...

Oui, les opportunistes sont en action ! "C'est normal, c'est leur boulot..." me souffle un autre éleveur un peu plus tard. " Je commande de la paille cet après midi ! Il reste des tas de la récolte 2010 invendus. Je me place avant qu'il n'y en ait plus !" Radio sape est en marche. Aucune moisson n'a débuté, nous ne savons pas ce que nous allons récolter mais déjà les cancans annoncent des pénuries majeures, entretenant la panique. Celle-ci s'amplifie, semble devenir exponentielle. On sort de toute raison, de toute logique. Tous les marchands de paille en profitent pour en remettre une couche ! " A combien tu l'achètes ? " " 110 €, je veux être sûr de pouvoir nourrir les vaches..." En année normale, elle vaut 60 ...

C'est un vrai coup de massue ! Déjà, je calcule ! Les 100 tonnes qu'il me faudrait au minimum si la pluie n'arrive pas cet été ne me coûteraient plus 10000 € mais 11000 ... Et ce ne serait qu'un début. L'étau se resserre ! D'un côté les cours des bovins vont d'effondrer car il faudra décapitaliser faute de pouvoir acheter ! De l'autre, le coût des achat de survie du troupeau de souche va être hyper-inflationniste ! Si rien n'est fait collectivement et au niveau des pouvoirs publics, c'est la faillite pure et simple qui se profile pour beaucoup !

Et les rumeurs enflent sur le terrain ! Tous les opportunistes n'ont pas envie d'être privé de leur part du gâteau, même s'ils scient la branche sur laquelle ils travaillent. Donc on en rajoute: " J'espère qu'il n'y aura pas d'opération paille comme en 2003. Car cela avait fait monter les prix... " me dit un autre. " Qui t'a dit cela ?" " Mon marchand de paille !" Et là, ce fut l' étincelle : Moment de révolte intérieur de l'ancien responsable qui fut au coeur du problème en 2003 comme en 1996 ou en 2000 ( pour l'ESB), qui en a vécu tous les problèmes et tous les coups bas... " Es tu assez fou pour le croire ? Vous ne savez rien de ce qui s'est passé sur le fond... Rien que pour notre département, 47000 tonnes ramenées de Picardie à prix coûtant, réparties à tous ceux qui ont commandé, au même prix . Une solidarité sans faille des céréaliers ! Tous les engagements pris tenus de part et d'autre... Alors réfléchit : A qui profite les bobards ? " " C'est vrai... Mais ils font leur boulot !" " Tu veux crever pour eux ? " ...

Évanouie la peur panique ! C'est la colère qui me gagne ! Je hais ces profiteurs, prêts à raconter n'importe quoi pour se faire du blé sur le dos des autres. Une rapide discussion avec ma mère me permet de remettre définitivement les idées en place ! Je pars avec Mme PH, 5 jours ne changeront rien sur la ferme ! " Et puis, le gouvernement prendra des mesures comme en 1976 ! " me dit elle... " Permet moi d'en douter sérieusement. Depuis 4 ans, nous n'avons eu que de beaux discours, aucune mesure réelle ! " Je ne suis plus en poste de responsabilité pour agir. Mais je sais que si nous restons en mode individuel, nous sommes en danger. Il faut donc passer en mode collectif ! Passer par dessus nos divisions et nos désaccords internes. Il faudra arracher des mesures exceptionnelles auprès de gens qui nous méprisent, convaincre du danger réel, faire preuve de solidarité et être efficace...

               cheval

               (PHOTO prise par Mme PH )

Tracer une ligne de survie, ne pas s'en écarter, avancer sans écouter les critiques...

Quelle peut être ma contribution à cela ? Ou est ma place ?

...

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Commentaires
L
Bonjour, je découvre votre blog par le biais de blogs "d'amies virtuelles"...et je nous retrouve tellement dans vos écrits....j'en ai le coeur serré et la boule au ventre... où va t-on aller ?
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F
S'il est bien un domaine que beaucoup, hors agriculture, ne peuvent appréhender, c'est bien celui de devoir prendre des décisions dans l'urgence..<br /> Ne pas oublier que le métier d'agriculteur est le plus aléatoire de toutes les professions..une faiblesse quelque part, mais surtout une grande force.<br /> En attendant..semaine sèche à venir ..
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C
Il pleut en ce moment sur le far ouest saône et loirien et la température a chuté. Sûrement insuffisant pour arroser en profondeur mais peut être au moins suffisant pour faire baisser le stress de la sècheresse ?
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A
Bonjour je suis une maie de longue date de Fusette et je découvre votre site en regardant ces favoris?je connais bien Toulon sur Arroux,ayant une petite exploitation prés de Decize.Je suis à peu prés tous les deux mois?je suis maintenant en savoie?un ami a repris mon exploitation.votre article est fort interessant.je connais bien ce monde agricole et j'ai de nombreux amis éleveurs de charolais.A bientôt
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A
Cher Mr PH, j'ai découvert votre blog l y a quelques semaines et je lis avec beaucoup d'intérêt vos articles qui refletent bien la vie de notre métier avec ces aléas positifs et négatifs. Je ne peux que vous soutenir dans votre désarroi et comprendre votre colère, agricultrice en haute-saône, producteur de lait et céréale avec mon mari, notre angoisse est la même. Les précipitations sur notre région ont été très diverses, nous avons eu 10 mm alors qu'à 20 kms ils ont eu 50 mm. Certains champs de blé sont en très mauvaise posture et des maïs semés il y a plu de 3 semaines ne sont toujours pas levés...Oui nous sommes tous très inquiet et partageons votre inquiétude. Partez quelques jours, cela ne peux que vous faire du bien et surtout cela ne nuira pas à votre exploitation. Reposez vous et essayez de vous détendre. Et surtout restons optimiste, croyons en notre avenir d'agriculteurs.<br /> (http://aureldedenaises.canalblog.com/)
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