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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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2 juin 2011

Ministre de l'agriculture en campagne...

Mme PH était étudiante parisienne ce début de semaine ! Mercredi matin, elle m'appelle juste avant le début du cours. Je suis très surpris lorsqu'elle aborde le sujet : " tu as vu télématin ce matin ? " " Oui, pourquoi ? " " Il faut que tu cries tes chiffres. Votre ministre se moque de vous ! Retarder le paiement de certaines de vos factures, avancer un peu le versement de ce qu'on vous doit ne sont pas des aides ! Il faut vous défendre, dire la vérité ... On prend des mesures de bric et de broc et on fait croire qu'on fait une tonne de choses pour vous, alors que c'est dérisoire par rapport au problème ..."

J'avoue en être resté un peu coi ! Je ne m'attendais pas à ce que ma femme, peu diserte sur les sujets politiques ou économiques habituellement, puisse se livrer à un réquisitoire plus percutant que je ne saurai le faire. Bien sûr, elle est aux premières loges pour comprendre les difficultés de la ferme puisque c'est elle qui risque d'assumer la solidarité... Mais les mots étaient justes, plus précis que les miens pour expliquer l'énorme décalage entre une communication de ministre et les réalités de terrain ! Jamais elle n'avait parlé avec autant de conviction de la situation réelle des campagnes, choquée que l'on puisse à ce point mépriser le travail des autres... Il y avait dans sa voix une colère froide ! C'est peut être les épouses de paysan qui devraient être interrogées par les journalistes en ce moment ? Et dans un débat télévisuel, pas mal de politiques ne feraient pas le poids...

J'avais bien écouté l'interview de Mr le ministre de l'agriculture à 7 h45. Rien de nouveau par rapport à ce que je vous décrypté la veille, si ce n'est un recul sur le broyage des pailles qui n'est pas obligatoire. Il accompagne les contrats de sa bénédiction, mais n'a, dans les fait, pris aucune mesure, se contentant de menacer ! Une posture que l'on connaît bien.

Par contre, il a évoqué le transport de la paille par la SNCF, " en concertation avec NKM!" ! Histoire de donner un petit coup écolo au truc ( Vous comprendrez l'astuce politique plus loin ) Donc à propos de la SNCF, il faut que je vous raconte ce que nous avons vécu dans notre département en 2003 ! Nous avions 43000 t de paille en Picardie à ramener ici soit à 600 km. Nous avions avec les services de l'état sollicité l'armé et la SNCF ! Pour la première, elle a transporté 90 t en un convoi hyper médiatisé.  Je n'en dis pas plus pour ne pas être désobligeant... 80 soldats mobilisés... Les paysans qui les ont reçu en parleraient mieux que moi ! On comprends mieux certaines difficultés rencontrées aujourd'hui... Pour la SNCF, nous avions acheté 10 voyages et retenu un train complet de 52 wagons pour ne pas avoir de reconstitutions de trains, toujours très longues, dans les gares de triage ! Nous pensions ainsi pouvoir faire plusieurs rotations par semaine et acheter des voyages en plus.

C'était sans compter sur l'archaïsme de ce  mode de transport qu'est le fret SNCF ( Nous avions été prévenus, mais il faut le voir pour le croire )! D'abord, les conditions : Pas question de stocker la paille sur les quais de la gare de départ. Donc, il fallait amener les tas des champs qui étaient à plusieurs dizaines de kilomètres de la gare pour avoir assez de paille pour charger le train complet dès son arrivée. Il fallait donc stocker cette paille en tas chez un agriculteur picard voisin de la gare. La reprendre le jour où les wagons étaient là pour charger. En deux fois, puisque 52 wagons représentaient 800 m de long et ne tenaient pas sur les quais qui en faisaient 400 m ! Il y avait donc une manoeuvre de locomotive à faire au milieu du chantier et rien que cela est compliqué ! Le train partait ensuite et changeait 7 ou 8 fois de locomotives ! Ainsi était organisé le fret. Pendant les 60 heures du trajet, personne ne savait où en était le convoi ! A l'arrivée, il fallait que les paysans viennent chacun avec leur remorques pour récupérer la paille avec le même problème de longueur de quai et d'attente de la locomotive de manoeuvre !

Côté coût, le rail nous coûtait au moins 50 % plus cher que les camions à la tonne car la paille est très légère. Cela sans compter les ruptures de charge évoquées plus haut ! Donc, alors que les camions chargeaient directement en bout de champ et déchargeaient directement chez les éleveurs, mettant entre 8 et 10 heures pour faire le trajet, c'est à dire qu' au moment où ils partaient de Picardie, on savait à quelle heure ils arriveraient, le train était une incertitude totale ! Il suffisait d'une grève, il y en eu plusieurs, et on devait être prêt plusieurs jours de suite... Les gars ici rechignaient à aller en gare, c'était plus simple avec les camions ! D'autant que les chauffeurs adoraient être reçus avec un bon casse croûte, sachant que nous déchargions à n'importe quelle heure, en moins d'une heure ! Ainsi, en 9 semaines, les nombres de camions en contre voyage augmentait sans cesse tandis que nous cherchions notre train ! Il y eu entre 3 et 4000 camions, 60 à 70 par jour à la fin, uniquement des transporteurs français. La paille fut toute acheminée avant que nous réussissions à faire nos 10 trains ! Il n'y eu plus de paille après le 9 ème ! Alors, quand je me souviens de tous nos ennuis, des tracas pour ne pas payer le 10 ème train non réalisé. Quand je pense que lorsque nous avions proposé de mettre la moitié des wagons à Montchanin et l'autre à Paray pour gagner du temps au déchargement et qu'on demandait 2500 € de plus pour faire les 40 km alors que le trajet pour l'une ou l'autre gare était au même prix pour le train complet... Quand j'additionne le coût des ruptures de charge, j'ai envie de dire aux deux ministres et au président de la SNCF que leur choix ne sera judicieux qu'en changeant la façon de faire ! Et qu'il serait prudent de dire la vérité plutôt que de faire croire. Cela n'engage que moi.

Reste que j'ai retenu autre chose de l'interview de Mr Lemaire ! J'ai été bluffé par l'assurance avec laquelle il a affirmé à 3 reprises qu'avec le président de la république et le premier ministre, ils avaient pris la mesure de l'ampleur de la sécheresse dès le mois d'avril ! Tous les services météo patinent même à prévoir la pluie à 12 h depuis 2 mois mais eux savaient !!!! Je n'en dis pas plus. Je constate quand même que la mesure de fauchage des jachères est intervenue le 11 mai, que les mesures de trésorerie permettant d'acheter des fourrages ne seront effectives qu'au 15 septembre sauf à emprunter avant. Bref, je trouve que pour une situation "anticipée" par nos décideurs, le concret est bien long à se faire sentir sur les fermes... Mais ces allusions prennent une autre importance quand on réfléchit : Le ministre de l'agriculture est candidat à la succession à Mme Lagarde ! Mieux vaut dans ce cas donner l'impression de s'activer sur les dossiers en cours, il est donc en campagne à la campagne ! Et surtout, il doit  flatter ceux qui décideront ! Bref, faire de la politique ! Si cela se réalisait, un nouveau ministre mettrait 2 mois à prendre les dossiers autant de temps perdu pour prendre de vraies mesures ... !

La politique sert elle les citoyens ? A chacun sa réponse ! Je pense que celle-ci est d'abord devenue de la communication. Je crois qu'à la place de "tu seras paysan mon fils "( je ne le juge pas son choix ) , j'aurai refusé de recevoir sur ma ferme sauf si cela se faisait sans caméras et sans CRS, en tout petit comité discret, pour parler des vrais problèmes et suggérer de vraies solutions... Tiens en parlant de communication, savez vous ce qu'est devenu le nouveau président de la FNSEA ? Voilà 3 semaines que l'on parle d'une calamité majeure pour l'agriculture de notre pays : Pas une seule déclaration !  Il faudrait qu'il pense à ceux qui cotisent à son organisation!!!! Je reconnais que trouver des solutions concrètes pour sauver les paysans français à court terme est moins palpitant que de passer pour le sauveur de la PAC ! Certains de ses prédécesseurs étaient quand même plus près des paysans de France que des réunions internationales ... A moins que le nouveau truc à la mode soit de répéter à l'envie que "les meilleurs s'en sortiront !"

Les meilleurs ? Sans pluie...?????????????

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Commentaires
P
Yannick : avant d'organiser notre transport, nous avons rencontré des cadres chargés de la logistique de grandes entreprises installée localement ! Quand nous sommes arrivés à un des rendez-vous pour savoir comment s'y prendre avec les routiers, sur le bureau d'en face il y avait " bureau des réclamations SNCF ". On a trouvé qu'ils exagéraient ! Deux mois plus tard, on avait compris... C'est triste car ce serait un formidable moyen si... Moins bien que le fluvial mais mieux que la route...<br /> Nathalie : Chaque matin , je voudrais écrire le billet que je dois à la libraire en remerciement du cadeau. Mais je repousse par crainte de mal écrire...
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N
Chaque matin en passant à travers nos "jaunes" prairies normandes (il n'a pas plu depuis 2 mois) je pense à vous et à vos bêtes et j'admire votre courage. Merci pour toutes ces explications très claires, trop claires !!!<br /> J'invite tous mes amis à aler sur votre blog pour comprendre mieux votre métier, ses joies bien sûr et ses difficultés.<br /> A bientôt
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Y
Oui c'est dans la difficulté que l'on mesure le rôle exact de chacun ...<br /> <br /> Le fret par la SNCF : parfaitement illustré avec ton récit kafkaien sur ce transport de paille. Cet état de fait a bien sur des raisons dont le choix politique, à une époque, du tout routier. En tant que travailleur de l'industrie, j'ai été récemment contacté par la CCI locale afin de participer au développement du ferroutage pour le transport de nos produits -> démarche sympa mais nous n'avons pas confiance .... alors que ça marche très bien dans d'autres pays.
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P
François : <br /> Je respecte tous les avis de paysan même si je ne les partage pas tous, ce qui est normal comme il est normal que je réponde sur celui-ci !<br /> <br /> Chaque département a son histoire, liée toujours aux hommes... Je connais un peu celle de votre département qui est très différente de celle du mien ! En l’occurrence, je fais donc une énorme distinction entre ce qui est vécu syndicalement sur chaque territoire et la représentation nationale ! <br /> Ici, il y a un réseau local très fort qui sait se solidariser quand il le faut. Un exemple en 2003 : Tout le succès de l'opération paille a reposé sur ce maillage. A chaque départ des 3500 camions de Picardie, il y avait deux coups de fil : Un au paysan destinataire, un autre au président de syndicat de la commune ! Résultat, deux ou trois camions seulement, n'ont pas pu être déchargés rapidement. Car les responsables locaux trouvaient des solutions quand le paysan avait un problème, en recasant le camion ailleurs ou en déchargeant parfois le camion eux-même, ou en le faisant faire par des voisins... Cela n'a pas échappé aux chauffeurs et c'est là que nous avons gagné notre crédibilité. Il y a plein d'autres exemples de cette solidarité même si elle perd de sa vitalité avec l'agrandissement des exploitations, les querelles sur les commissions structure... <br /> Et surtout depuis qu'elle ne sert plus à faire remonter les projets agricoles des paysans de base. Et c'est là que je fais une différence avec une représentation nationale qui est tombée dans les mêmes travers que les politiques ! D'ailleurs... ( je n'en dis pas plus...) Simplement, "les meilleurs..." est un slogan qui est venu de la banque verte, est passé dans un parti politique et à la présidence de la FNSEA ! Sauf qu'il n'est pas du tout partagé sur le terrain, hormis peut être par quelques ambitieux qui veulent se servir de leur position pour s'agrandir mais c'est très très minoritaire. Sauf qu'on ne voit que ceux-là, comme on voit toujours les 5 % d'extrêmes dans un groupe.<br /> <br /> Reste à savoir si les choses peuvent changer ? Je le pense à condition que des femmes et des hommes sincères accèdent aux postes clés ! Car dans les départements où les réseaux ont disparu, les reconstituer est impossible, même par d'autres structures syndicales. La nature humaine est ainsi faite que l'on préfère des hectares à des voisins même si cela conduit dans le mur ! <br /> <br /> Mais les convictions ne doivent pas rendre aveugle. Il faut que des voix s'élèvent à l'intérieur de la structure pour dénoncer les dérives ! D'où mon coup de gueule contre Mr Beulin ! Apparaitre aujourd'hui avec un petit communiqué de presse sur la sécheresse alors qu'il devrait être dans tous les médias prouve le manque de perception des problèmes de terrain ! Pire, ce n'est pas au ministre de gesticuler pour arbitrer le problème du broyage de la paille mais bien au président professionnel de taper du poing sur la table ! Il est céréalier , non ? Bref , son silence ne trouve pas d'explication logique sauf à être perçu comme du mépris pour la base !( ou à répondre à d'autres intérêts que je ne peux écrire ?) En l'écrivant ici, cela n'aura pas d'effets ! Mais ce serait rendre service à la structure même, que cela soit repris, pour la sortir de sa léthargie...<br /> <br /> Par ces propos, je ne cherche pas à recruter mais à donner ma perception, modeste, des choses...
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F
Ici, jamais de cotisations syndicales...et s'il devait y en avoir, ce ne serait sûrement pas pour ce syndicat majoritaire qui fonce aveuglément dans la mondialisation la plus abjecte("les meilleurs s'en sortiront") et qui méprise la diversité et les territoires...<br /> A mon sens, le plus grand tort des agriculteurs est de s'être laissés embrigader par ce syndicat devenu un lobby auprès des instances politiques...<br /> Bravo à Mme PH pour sa clairvoyance!!
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