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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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9 juin 2011

Des animaux en trop ? Profitable pour certains...

Billet écrit au lever du jour, bien avant les annonces...

Le précédent billet était bien théorique, je le reconnais ! Mais j'essaye de comprendre ce qui se passe autour de moi et dans ma production pour tenter de trouver des solutions ! Celui-ci ne sera pas mieux. Les crises sont souvent l'occasion de mettre en évidence, de façon criante, les problèmes parce qu'elles accentuent les points faibles. Il y a 15 jours, au cours d'une réunion locale, j'ai pu mettre en avant, par l'exemple, la tendance des dernières années en ce qui concerne l'élevage allaitant .

La filière se restructure ! Dans le temps, un boucher avait des recettes pour valoriser au mieux tous les morceaux d' un bovin , du beefsteak au pot au feu. Cela passait de l'incitation de ses clientes à cuisiner, des conseils de cuisson, jusqu' aux plats cuisinés car il faisait traiteur ! L'industrialisation de l'abattage  a changé la donne en proposant des morceaux de bœuf  et non plus une bête entière aux supermarchés ! cela a été un énorme avantage pour une vente de masse en grande surface, qui peut ainsi choisir ce qu'elle veut vendre. Le consommateur cuisinant moins, ce sont les morceaux arrières, ceux qui sont à griller qui ont pris des parts de marché tandis que les avants ( morceaux à bouillir ) n'avaient plus de débouchés ! La seule alternative est donc de les hacher pour en faire du steak surgelé, produit uniforme dans lequel on passe tous les invendus mais qui n'a pas de valeur commerciale. Résultat; disparition des bouchers et presque la moitié de la viande des animaux qui se vend au tiers de la valeur des arrières ( cf. billet d'hier ).

La restructuration de la transformation s'est faite comme cela se pratique dans tous les secteurs économiques ! Incapable d'innovation pour garder une valeur à tous les morceaux, on a tout misé sur les économies d'échelle ! Des abattoirs de plus en plus grands, performants pour découper et conditionner la viande à condition de ne pas faire dans le détail mais de travailler par lots de bêtes, ce qui conduit à la recherche d'animaux d'un même modèle en amont. Amont veut dire éleveurs, qui ont essayé de produire plus, de façon plus uniforme pour répondre à cette demande. Uniforme veut dire ateliers et non pâturages dans lesquels l'herbe, irrégulière ne donne pas une viande ni des rendements identiques tout au long de l'année. Pour y parvenir, on a raccourci les cycles de production, donné des aliments formatés... Mais ce faisant, l'autonomie des exploitations en a pris un coup ! Pas grave, en 1992, on produisait trop de céréales en Europe, la PAC nouvelle a permis de les écouler, pour partie, dans les aliments du bétail...

La seconde étape de cette restructuration consiste à transférer discrètement sur les éleveurs des charges de transformateurs. C'est assez vicieux car peu lisible ! La stratégie ressemble à celle adoptée par les banques pour faire payer les services ! De petites sommes prélevées sans que cela puisse soulever un tollé général ! On optimise en même temps : Pour ne pas devoir payer le dimanche d' un bouvier et des chauffeurs pour recevoir les animaux devant être tués le lundi matin , on ramasse les animaux le lundi très tôt ! Par exemple, l'éleveur doit pouvoir charger à 3 heures du matin ! Les foies, les cuirs , tout le cinquième quartier en fait, n' est pas payé à l'éleveur. Mais on trouve tout de même des astuces pour infliger des pénalités à ces derniers. Par exemple, si le foie est saisi, c'est à dire impropre à la consommation, on fait payer 8 € à l'éleveur pour le détruire. Bizarrement le nombre de saisies augmente ! Idem à 100 € pour un cuir sale! Impossible de se défendre quand l'abattoir est à 200 ou 500 km de chez nous... Demain ce sera si la vache est pleine... L'imagination est au pouvoir et en la matière il n'y a pas de limites ! Mieux, on a effectué des transferts de charges, comme l' équarrissage par exemple, qui géré en monopole par une filiale d'une société du CAC40, cherche elle-même à mettre des pénalités aux éleveurs qui paient déjà le service, sans contraintes de résultat sur le délai de ramassage ( plus d'une semaine cet hiver avec la neige ). A chaque fois, on joue sur la culpabilité pour faire passer la pilule : " Vous travaillez mal ! Cela porte préjudice à ceux qui travaillent bien ! " Diviser pour mieux imposer ! Je pourrai multiplier les exemples...

Bref, on optimise, on rationalise et on rançonne !

L'étape suivante s'est mise en place cet hiver, au moins de façon construite, même si cela a toujours existé ! Pour préserver les marges, les opérateurs limitent ou plafonnent les abattages, je ne sais quel mot convient ! La restructuration de la filière a permis l'apparition de positions dominantes ! Avant, il y avait toujours un opérateur qui aurait profité de l'abondance d'animaux pour tenter de prendre de nouveaux marchés auprès d'une grande distribution toujours alerte à profiter de la situation ! Là, l'émergence de groupes dominants semblent changer les rapports de force entre transformation et distribution ! Même si rien n'a filtré, on a bien senti qu'au cours des négociations sur les prix des denrées alimentaires, il y avait eu des deals pour que les prix ne bougent pas trop à la hausse ! Et cela se fait sur le dos des producteurs qui ne peuvent répercuter le coût des hausses de charges  ! Pour tenir les engagements, sachant que le prix de la viande mondiale est à un haut et qu'importer n'est plus aussi  intéressant ( semble t' il, on cache les infos...), on limite les abattages aux besoins. En fait, on gère en flux tendus l'approvisionnement des distributeurs pour qu'il n'y ait pas de stocks. Impossible donc pour les éleveurs de dégager aux moments de surproduction. Ils doivent faire le tampon. Admettez que c'est adroit ! Il faut des mois pour résorber quelques pourcent d'animaux en trop, autant de temps où les marges sont plus qu'intéressantes ! J'avais compris cela cet hiver, mais je n'avais rien pour le prouver. Le même schéma se remet en place en ce moment. Et pour la première fois, les courbes de prix le démontrent, de façon flagrante.

Je sais que l'on va me dire que je n'ai rien compris. Le lobbying va fonctionner à fond ! J'ai été surpris plusieurs fois par les prises de position des industriels de la viande ou des négociants s'exprimant sur la future PAC ! " Nous sommes contre le découplage..." Il y a pleins de bonnes raisons à cela, mais je ne voyais pas trop le rapport entre un abattoir industriel et le maintien d'une agriculture sur tout le territoire ? Je pense même que ce concept industriel pousse à terme, à  la concentration de la production sur de petits territoires proches de l'outil... Décryptage donc: Le découplage  de la PMTVA voudrait dire ; fin de l'obligation de garder un nombre de vaches minimum ! En clair, les primes incitent à produire ! Découplée , veut dire que le nombre n'est plus une obligation... On comprend mieux les prises de position... Car la PAC actuelle présente un avantage considérable ! Je confirme mon calcul effectué l'année dernière ! En 2010, le kilo vif produit sur le ferme me coûte 3.48 € si je me versais un smic et demi sur lequel je paierai mes cotisations sociales ! Je vends à 1.90 € et je touche 1.44 € de subventions qui sontainsi captées par la filière.  Pour équilibrer, il faut donc que je renonce à une partie de la rémunération de mon travail... Tout en faisant remarquer que ce travail, en moyenne annuelle n'est pas de 35 h par semaine.... On comprend qu'il ne faille rien changer aux yeux de ceux qui "travaillent pour nous" !!!!

Quel rapport avec la sécheresse ? Simple ! J'ai déjà perdu au moins la moitié de la production d'herbe de l'année ! ( Ce sera plus s'il n'y a pas de repousses !) Cet hiver,  j'ai consommé plus de nourriture que d'habitude, soit pour les vaches qui ne partaient pas, soit pour alourdir les broutards afin de tenter de compenser une partie de la baisse des cours ... Sans accident climatique, c'était au regard des coûts de production, un choix qui se défendait quoique l'on puisse se demander s'il ne vaudrait pas mieux vendre du grain que de le transformer en kilo de broutards ?  Je reste éleveur!!! J'ai donc un stock de report faible puisqu'il m'a fallu assumer l'accordéon ! Je suis donc obligé de racheter 90 % du manque de production d'herbe, cela fera au minimum 20000 € ! Cela représente donc un sur-coût au kilo produit de 60 cts ! Il va passer à 4 € alors que les prix de vente baissent !!!!

Si on suit le schéma actuel, tout le monde met l'accent légitiment sur le sauvetage du troupeau ! Il faut trouver la nourriture ! Et tout le monde demande à l'état de donner des subventions pour compenser les 60 cts ! Cela représente des milliards au niveau du pays ! Il aura des effets d'annonces, mais concrètement, il ne pourra pas abonder à plus de 30 ou 40 % dans le meilleur des cas ! Pire, on va mettre des critères sélectifs pour exclure certains pour que cela coûte moins cher ! Dans tous les cas, il va manquer de l' argent dans les fermes et on devra emprunter, donc hypothéquer l'avenir... Si on revient à la filière, voilà une situation confortable ! On n'augmente pas les abattages, donc on ne génère pas de frais supplémentaires et on achète moins cher. Aux seuls éleveurs de supporter les aléas climatiques ou autres ! On va donc avoir un marché très très bas tout au long de l'année, empêchant même un minimum de  décapitalisation  décente qui sera subie dans bien des cas ! L'accident climatique sera donc supporté uniquement par les éleveurs, en culpabilisant les céréaliers au passage qui sont montrés du doigt… Je vous rappelle que l'état récupère 45 % au moins ( TVA , taxes carburants, cotisation sociales...) sur tout ce qui se dépense en plus ! Les conséquences sont incalculables aujourd'hui ... Et je trouve le jeu de la filière bien opportuniste...

Nous sommes dans une impasse totale dont nous aurons beaucoup de mal à nous en remettre ! Il y a d' autres solutions à étudier avant de reposer assez vite tout à plat pour adapter les exploitations à l'avenir ! Mais en attendant, intervenir sur le marché me parait être aussi important que d' approvisionner en fourrages ! Certains tabous sont tombés à Bruxelles lors de la crise du lait... On n'en a pas trop parlé en France , mais il est possible d'agir : Tout dépend de la volonté politique ! Si effectivement il n'y a pas de consommation immédiate possible de toute la viande mise en marché, stockons la ! Ces animaux qui sortent maintenant manqueront un jour...

Je sais que j'aurai des retours de bâton si ce billet est diffusé en dehors de ce blog. Mais les choses sont simples ; Seul je crèverai ! En couple, je n'ai pas envie que ma femme paie ce mépris de notre travail ! Je vais paraître fier , mais je ne supporte plus d'être pris pour un imbécile ! J'aime mon métier et je m'accrocherai mais je n'accepte pas l'idée de devoir l'abandonner non pas parce que je suis incompétent mais parce que trop de monde vit sur mon dos ! Pourquoi est ce que la viande est payée , si mes informations  sont bonnes, 6 € aux producteurs algériens ? Parce que des normes aux avantages sociaux de certains, de contraintes stupides aux parasites inutiles, trop de monde prend sa part du gâteau entre le producteur et le consommateur... Et même avec un circuit court, les règlements empêchent de dégonfler cette bulle destructrice !

Ne soyez donc pas surpris si certains éleveurs commettent l'irréparable ! Il est trop facile de montrer toujours les mêmes du doigts, de leur mettre la tête sous l'eau et de s'asseoir sur leur fierté de bien travailler ! Il serait temps, au contraire, de les respecter !!!!

PS : "il faut « arrêter cette panique et cette mise en marché des bovins qui n'est pas nécessaire »." Voilà la déclaration du président de l'interprofession bovine que j'ai découvert ce soir. Me voilà conforté dans ma réflexion !!! ( J'espère récupérer le droit de vous en mettre copie !)

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Commentaires
I
on est amer aussi..triste France, crises diverses et variées qui mettent les paysans toujours en porte à faux avec le reste de la population..<br /> se posera-t-on un jour les vraies questions et arrêtera -t-on de gérer les crises par des rustines ou en écopant avec une passoire...<br /> encore une chose : tous les paysans ne sont pas client du Crédit patate ou assurés chez cerise
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E
Je dis peut-être une bêtise, mais pourquoi ne pas passer par de la vente directe producteur-consommateur (à l'instar des amap)? La viande qu'on ne veut pas vous acheter 4 euros, je la paye au minimum 10 euros en supermarché.
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C
Ca me fait mal de lire certains de vos billets depuis cet hiver, car je sens votre détresse, et je suis impuissante à pouvoir vous aider. Cela me fait d'autant plus mal quand je lis le titre de votre blog car "paysanheureux" n'a plus l'air heureux du tout. Courage et amitié.<br /> claudine
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C
Je n'ai pu m’empêcher de mettre en lien sur un blog très lu un commentaire bref avec deux questions : <br /> Les agriculteurs ? Lesquels ?<br /> Ces questions sont posées dans le commentaire n° 19 que vous pourrez lire en suivant le lien ci après, vous avez tellement à dire, et le dites si justement.<br /> http://www.pauljorion.com/blog/?p=25142
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L
Que vous dire ... c'est catastrophique, on pense à vous et courage !<br /> Très amicalement
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