Les précautions pour grands froids...
Si je fais le bilan de cette période de grands froids, en occultant le problème majeur des tracteurs gelés, je peux dire que je m'en sors pas mal !
Rien de comparable avec 1985. A l'époque, nous travaillions à quatre puisque ma mère était dans le GAEC et qu'un de mes frères était là ! La plupart des bovins étaient attachés dans des étables ! Nous avions seulement quelques vaches dehors que nous nourrissions à volonté ce qui n'était pas la pratique de cette époque. Pour curer, nous avions des chaînes de curage ( Il faudrait que j'aille faire des photos chez des voisins qui en ont encore ) ! En temps normal, nous curions matin et soir ! Là, la chaîne étant gelée le matin nous attendions midi pour la mettre en marche, non sans être monté sur la poutre pour décoller chaque palette, une à une, avec un marteau. Pour ne pas surcharger la chaîne, nous stockions le fumier sur le trottoir derrière et nous le faisions passer soit dans les trous soit lors d'un deuxième tour ! Les chaînes ont énormément souffert de cet hiver là !
Il y avait un abreuvoir pour deux animaux puisqu'ils étaient attachés ! La plupart du temps, tous les abreuvoirs en face des portes ou des descentes de fenil étaient gelés ! Il fallait donc chauffer le tuyau métallique avec une lampe à souder ce qui était dangereux en terme de risque d'incendie. Cela faisait peur aux animaux devant lesquels ont maniait la flamme bien près des naseaux. Au bout de quelques jours, on avait pris l'habitude de purger l'installation et quand cela n'était pas possible, nous laissions couler légèrement le robinet du bout des rampes! Il n'y avait donc que les abreuvoirs qui gelaient. Côté bergerie, on purgeait tout et on faisait boire deux fois par jour les 100 brebis qui n'agnelaient pas à cette période fort heureusement.
La leçon a été retenue ! Lors des modifications des bâtiments, j'ai installé systématiquement des abreuvoirs chauffants ! Et j'ai toujours veillé à enterrer le plus profond possible les canalisations, me souvenant des difficultés rencontrées pour creuser en catastrophe une tranchée de secours de 20 m dans un sol gelé, en 85 pour alimenter un bâtiment dont l'alimentation avait gelé...
Donc cette année, j'ai adopté les réflexes "grands froids" dès qu'ils ont été annoncés. Je connais les trois ou quatre points faibles de la ferme ! En début d'hiver, je couvre les regards avec les sacs dans lesquels je récupère les ficelles des bottes ! C'est le meilleur isolant que je connaisse ! En plus, avec un tracteur on dégage le regard en une minute si besoin...
La pompe est à un mètre de profond sous les deux sacs ! Je met également une vieille couverture sur ce regard au pied de cet abreuvoir pour ne pas gêner le passage des vaches...
Je vérifie tous les abreuvoirs avant de rentrer les animaux ! Cette année, mon accident ne m'a pas permis de le faire ! Un seul ne marchait pas ! Impossible de rattraper au bout de trois jours !
Sans importance puisque le lot concerné avait un autre abreuvoir qui marchait. Une fois tirée une rallonge pour brancher ceux du petit bâtiment et après avoir installé une prise, je n'ai plus eu de problèmes sauf deux fois sur un abreuvoir ! Son alimentation en bas de la buse porteuse gelait... Deux sceaux d' eau bouillante vers midi en venaient à bout ! Il faudra que je coule un béton de protection... Donc les animaux avaient tous à boire sans difficulté majeure ! Un énorme stress en moins par rapport à 85. Côté nourriture, tous sont en libre service pour les fourrages grossiers ! Donc dès que le tracteur démarrait, je complétais ! Non sans prévoir le soir de mettre en place les bottes de paille sur lesquelles j'épands de la mélasse ! Il faut plus de temps à celle-ci pour descendre par grand froid ( elle se fige) ! Je ne pouvais pas attendre midi pour la mettre ! Je la mettais le matin et ainsi dès que je récupérais le tracteur, je pouvais mettre les bottes en place !
Pour le reste, je fonctionne avec des gants même si je déteste cela ! Il suffit que la peau soit légèrement humide pour que les mains restent collées sur la ferraille, l'arrachant. Or je touche toujours du fer ! Rien qu'en passant dans les cornadis pour aller voir les animaux ! Mais je ne les ai pas mis assez tôt et j'ai eu des crevasses, ce qui est très douloureux. Même avec des tonnes de pommade style "neutrogéna" ! En travaillant, elle part vite ! Il faudrait avoir le tube dans une poche...
J'ai une question pour Olivier, s'il passe ici ! Le mot exact est "crevasse" mais ici , on dit "crevas" ! Nom usuel local ????
Il faut penser à mettre tous les produits liquides, vétérinaires par exemple, dans l'ancien congélateur qui me sert d'armoire ! Cela le fait fonctionner à l'envers en quelque sorte... Il faut penser à ramener à la maison, les seringues, pistolet de drogage et le mélange désinfectant pour les cordons ! Sinon, c'est hors d'usage ... Et il faut penser à sortir du sceau, après usage, les liasses de vêlage qu' on laisse dans l'eau d'habitude pour qu'elles soient souples ! Humides, elles gèlent mais c'est moins compliqué de leur rendre leur souplesse dans un sceau d'eau chaude que de devoir casser la glace avec un marteau pour les récupérer... Il faut aussi garer les tracteurs, sur le trottoir de l'étable, de façon à ce que l'on puisse en mettre un autre à côté ( et du bon côté ) pour pouvoir mettre les câbles quand les batteries sont faibles. Ainsi, en dehors du problème carburant évoqué par ailleurs, dès qu' on en a démarré un, on a les autres...
Il reste les imprévus, parfois marrants, comme cette bouse de vache sur le cornadis qui l'a bloqué pendant une semaine ! Sans conséquences puisse qu'il y avait bien d'autres places ! Mais j'avoue avoir été surpris de la chose :
Comme l'huile de coude était sollicitée chaque matin, j'ai remis à neuf les fourches pour ne pas devoir courir encore plus !
Il faut de bons outils pour travailler !
La vraie contrainte , c'est la surveillance du troupeau ! Pas question de rester au lit au moindre doute si un veau n'était pas couché au bon endroit dans la stabul par exemple. Et dès le matin tôt, il fallait aller les faire lever ! Mais je dois dire qu'avec le froid , ils tètent toutes les deux heures ( En 85, ils étaient attachés derrière les mères et certains matins, il ne fallait pas tarder...) C'est pour cela que j'ai laissé la lumière ! Mais les nuits ont été courtes ces quinze jours. Le soir, je mettais dans les cases du fond les derniers nés pour que les mères s'en occupent mieux, même s'ils avaient deux ou trois jours. J'ai laissé les jumeaux dans une case spéciale.
La vraie crainte , c'était les vêlages ! Vérifier que le veau se relève dans l'heure et tête ! J'en ai eu une dizaine !Inutile de dire que pendant 15 jours, je suis resté scotché dans la ferme. Impossible de partir plus d'une heure...
L'angoisse, c'était la césarienne ou un renversement de matrice ! Je n'avais pas de point chaud ! Il gelait partout et je ne sais pas si on aurait pu "ouvrir" par moins quinze, même à l'abri de la bise ! La chance a été de mon côté... Mais je vous conseille de lire le remarquable récit de Boule de fourrure sur ce sujet... Tout le monde de la campagne affronte sans que le bling-bling médiatique parisien s'y intéresse, ni même respecte les combattants. Il faudra que j'essaye de prévoir une solution !!! Je sais : pour quinze jours tous les dix ans,, cela en vaut il la peine ? Oui, mais quand on est pris... Au passage, aux éventuels chefs lisant ce message, inutile d'inventer une norme nouvelle, imposant de chauffer les stabulations ! Il faudrait un chauffage électrique imposant et coûteux. On serait alors obligé de demander aux allemands de nous fournir l'appoint d'électricité aux périodes de crise.
Gérer, c'est prévoir ! Dans la nature, c'est prévoir de s'adapter en permanence à l'inattendu !!!