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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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31 août 2012

Sécheresse US, l'impact sur l'élevage

Dans les fermes des années 70 de ma région, on produisait encore tous les types de viande, ou plutôt, on pratiquait tous les types d’élevages. Certaines productions étaient destinées à la vente, la plupart à l’autoconsommation. En y repensant, en 40 ans, tout a changé. Mon père faisait une bande de cochons charcutiers, une fois par an. Il achetait des porcelets au début du printemps et on les tuait sur la ferme en novembre, à 160 kg environ de mémoire. Ils avaient donc 8 ou 9 mois. Ce sont des omnivores, ils mangeaient donc différents produits de la ferme ou des sous-produits… L’orge était l’aliment de base. A cette époque, on faisait des pommes de terre de plein champ pour  la consommation de la famille et des ouvriers. Les porcs mangeaient les petites, celles qui commençaient de s’abîmer… Sur la ferme, on avait 3 vaches laitières qui produisaient le lait, le beurre la crème et les fromages blancs ou secs des mêmes personnes. Le surplus était vendu aux voisins. Les porcs mangeaient donc tous les jours le petit lait  issu de l’écrémage pour faire le beurre… On ne jetait pas de déchets organiques, on recyclait !

De la même façon, on avait des poules pondeuses pour les œufs, une ou deux bandes de poulets dans l’année. Eux aussi mangeaient le grain de la ferme, les épluchures des légumes des jardins qui étaient tenus à la perfection. Les volailles étaient parquées dans des enclos assez grand où elles mangeaient de l’herbe, des vers de terre et trouvaient les grains de sable pour faire fonctionner les gésiers. Il fallait les rentrer tous les soirs pour les protéger des renards et « vermines ». Ce sont ces dernières qui ont eu raison du dernier lot dans les années 90 et qui ont découragé ma mère. Il y avait deux chèvres pour faire des fromages. Il y avait des lapins de clapiers qui avaient droit, chaque jour, à de l’herbe fraîche, voir un peu de luzerne en sus de céréales… Bref, il y avait là, à côté de la production dominante, à savoir les charolaises, toute la panoplie des vraies productions fermières, assurant la quasi autonomie alimentaire en viande des trois familles qui vivaient de la ferme !

Les années 70, c’est l’apparition chez nous des premiers élevages hors sol, nous disions « industriels » à l’époque. Je refuse de jeter la pierre au choix fait par ceux de mes confrères qui se sont lancés. Les fermes étaient assez petites, des métairies de 40 ha en général ! Il restait beaucoup de monde dans les campagnes et la mécanisation poussait les paysans à chercher des Ha pour s’agrandir. L’alternative quand on n’en trouvait pas était de monter un atelier hors sol pour rester à la terre et permettre l’installation d’un fils ou d’un frère. Cela était facilité par le système d’intégration qui commençait… A savoir, que le paysan fournissait le bâtiment et sa main d’œuvre tandis que la firme fournissait les lots d’animaux et l’aliment. L’éleveur était payé au poulet ou porc produit, puis au kilo de gain et assumait toutes les pertes au motif qu’elles étaient dues à un manque de compétence… Dans tous les cas, les lots étaient mis en place pour une durée limitée et de plus en plus courte. Ce système perdure aujourd’hui. Il y avait des producteurs spécialisés  indépendants, surtout en porcs, qui gardaient le contrôle complet de l’élevage et de la commercialisation, ils sont de moins en moins nombreux.

Pourquoi rappeler tout ceci en évoquant la flambée du cours du blé ?

Tout simplement pour expliquer que l’immense majorité des viandes blanches ( sauf le veau sous la mère ) sont aujourd’hui produites en atelier industriel. « Hors sol » veut dire qu’ils sont déconnectés de la production du sol de la ferme à quelques exceptions près. Les animaux de ces élevages ne mangent plus des céréales ou autres produits de la ferme mais des granulés  dont les éleveurs ne connaissent pas la composition qui est secrète. En effet, il existe des tables de rationnement excessivement précises qui permettent de connaitre la valeur d’une multitude d’aliments ou de sous-produits, de les conjuguer. Les opportunités commerciales permettent d’optimiser les achats et de fabriquer un aliment aux caractéristiques alimentaires recherchées en optimisant le coût ! Inutile de dire que le goût, la qualité des fibres de viande et autres caractéristiques gustatives passent à l’as ! Ici, on est dans la production de masse à très grande échelle, au prix de revient le plus bas possible… Dans d’autres pays, hormones, antibiotiques et autres additifs viennent améliorer les performances. Ce schéma se retrouve pour la production de viande bovine en Amérique ( nord et sud ) . Ce sera ce schéma qui sera développé en Chine, c’est ce que j’ai compris en recevant deux fois déjà des délégations… Déjà, ils récupèrent les tables de valeur des aliments ! Pour l’anecdote, c’est comme cela que les farines viande sont entrées dans l’alimentation de toutes les productions industrielles, poissons d’élevage compris ! Et pour nourrir les vaches laitières, puisque l’on propose des aliments optimisés de la même façon pour produire du lait en complément des fourrages de la ferme…Même certains de mes collègues usent de ces aliments. En effet, la délocalisation  croissante des ateliers industriels, de plus en plus rejetés par la société et la diminution du nombre de vaches laitières obligent les fabricants d'aliments à rechercher de nouveau débouchers... 

Si j’ai été clair, vous comprenez donc que toutes les productions animales, à des degrés divers,  soient impactées par les cours des céréales et des tourteaux. Qu’il y ait une perspective de pénurie pour l’une d’entre elles, comme le soja et le maïs cette année et toutes les autres productions suivent le mouvement, car si l’une d’elle est en retard sur le marché, elle devient immédiatement une opportunité que les traders saisissent et elle ne le reste pas. Les groupes qui contrôlent les élevages industriels ont au minimum une taille nationale voir de plus en plus continentale si ce n’est mondiale. Aucun paysan ne peut rivaliser seul. Tout au plus, peut il le faire en confiant la production des aliments nécessaires à sa coopérative qui elle-même de plus en plus souvent s’associe à d’autres pour atteindre la taille qui lui permettra d’avoir accès dans de bonnes conditions au « marché » !

Et moi, comment est ce que je me situe dans tout cela ? Cela nécessitera un autre billet…

Mais au regard de la description faite ci-dessus, je veux faire une remarque sur l’évolution de l’alimentation depuis 50 ans, soit la révolution verte. Il est trop facile de dénoncer l’agriculture industrielle alors que chaque consommateur en tire profit, en privilégiant bien souvent le bas  prix. La part de l’alimentation n’a cessé de diminuer depuis 50 ans dans la consommation globale des ménages. La capacité de pouvoir d’achat pour d’autres postes de consommation comme les loisirs, la téléphonie, la voiture ont été rendu possible parce que la nourriture coûtait moins. Je n’ai toujours pas digéré les propos de Mr Michel Edouard Leclerc qui au cours d’un débat s’est approprié ces gains de pouvoir d’achat alors qu’il n’a fait que récupérer, très adroitement, les gains de productivité  de ceux qui sont en amont de la chaîne !

Ce changement ne s’est pas toujours fait de façon raisonnable. Je me demande quelle est la différence réelle entre la viande d’un poulet industriel et celle d’un porc industriel ? Côté sanitaire, la crise de la vache folle a été le révélateur des limites. Le problème, c’est qu’elle a touché la viande bovine surtout par le lait alors que tous les produits viande blanche et le poisson d’élevage utilisent beaucoup plus, en proportion  ce schéma dès qu’on sort de la production dite « fermière » c’est-à-dire pour moi, celle directement issue des productions végétales de la ferme complétées de produits connus et identifiés qui ne peuvent être produits sur place comme les tourteaux, sous produits de la production d’huile, pour apporter les protéines végétales…

L’immense majorité des produits carnés à la consommation vont donc prendre la suite du blé côté prix… Il n’y aura pas que le pain, la farine et les nouilles qui vont augmenter. La viande va suivre, surtout l’industrielle, sans que les éleveurs gagnent plus mais puissent juste couvrir les nouvelles charges alimentaires. Si j’étais  en situation de réfléchir, comme l’ont fait les paysans des années 50 au sein de la JAC, à une nouvelle politique agricole et alimentaire au niveau européen, je prendrai ce point particulièrement en compte…  

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Commentaires
F
Excellent parallèle entre l'agriculture familiale d'hier, véritable machine à nostalgie qui nourrit l'imaginaire des citadins ou des néo-ruraux (mais qui nécessitait bcp de main d'oeuvre et occupait ainsi le territoire) et l'agriculture industrielle d'aujourd'hui, voulue, organisée, planifiée dans les centres décisionnaires européens (avec la bénédiction de presque tous les syndicats agricoles).<br /> <br /> Je note que rien n'a changé par rapport aux années 70, à voir le nombre de poulaillers industriels qui se montent dans le coin...au prétexte d'installer le fils...Brrr!<br /> <br /> Tout a changé, comme tu le dis si bien...et rien n'a changé...<br /> <br /> <br /> <br /> Juste une remarque: il ne me semble pas qu'on puisse parler de révolution verte en France (même et surtout dans les années 70: la France n'est surtout pas l'Inde). Mais, je ne sais pas pourquoi, il me semble que c'est à ce moment que les agriculteurs français ont abandonné...et se sont ainsi laissé engloutir par la mondialisation...<br /> <br /> Il y a encore des poules et des oeufs frais, ici....
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Y
Merci pour cet excellent dossier !<br /> <br /> <br /> <br /> "Marrant" mais ya une pub Décathlon juste au-dessus du commentaire d'Olivier ! Peut-être que ses mots "vêtements fabriqués à l'autre bout du monde" ont titillé le robot qui met les pubs en fonction des textes ?
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O
Les années 70, c'est dans cette période qu'est sorti (en 1976 précisément) le célèbre film "L'aile ou la cuisse" qui critique sévèrement la nourriture industrielle. 36 années plus tard, presque tout le monde est conscient de manger des aliments dénaturés, mais la plupart des gens l'acceptent, finalement, de leur plein gré. La part alimentaire a diminué dans les budgets familiaux, mais aussi dans les préoccupations du plus grand nombre d'entre nous. Dans une certaine mesure, manger du jambon reconstitué bourré de polyphosphates est un choix sociétal, tout comme d'ailleurs s'habiller de pieds en cape avec des vêtements fabriqués à l'autre bout du monde.
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