Paysan jusqu'à la mort...
" Mais tu sais bien que ton travail n'est pas reconnu à sa vraie valeur, il n'y a pas de raison pour que cela change ! " La remarque de Mme PH est pertinente, cinglante même ! Il y a une sorte de fatalisme dans le propos, un brin de regret.
J'oscille entre colère et abattement. Y a t'il un endroit dans le monde où les paysans sont reconnus pour leur travail ? J'en doute. Je me souviens lors du voyage d'étude aux USA auquel j'ai eu la chance de participer, qu'à l'époque, un quart des farmers en activité avaient plus de 65 ans ! En France, la retraite agricole se prend à 62 ans maintenant. Dans les années 92, il y a eu la possibilité de prendre une préretraite pour libérer des exploitations. Il y a belle lurette que cela n'est plus possible. Pourtant, côté pénibilité, en hiver...
Il y a peu, j'ai fait le tour avec un copain de la situation de nos conscrits. L'immense majorité est soit en retraite de la fonction publique, soit malheureusement au chômage. Je m'estime donc privilégié par rapport à ces derniers, défavorisé par rapport aux premiers. Avec l'arrivée de l'hiver, le poids de la contrainte des 5 mois de présence et de la disponibilité permanente au troupeau me pèse de plus en plus. Dans 15 jours, j'entre dans ma vie monacale et j'avoue que je n'en ai aucune envie. A nouveau, le souci des vêlages, des diarrhées, du froid, de la pluie ou de la neige. Chaque nuit sera entrecoupée par un ou deux réveils pour surveiller les vaches. Le matin, pas question de flemmarder après 6 heures du matin, un premier tour s'imposant. Bref, la galère arrive...
Pourquoi autant de déception, cette baisse de moral ?
J'ai reçu lundi "le droit à l'information sur votre retraite" ! Cruelle désillusion !
J'espérais avoir aux alentours de 1000 € par mois ! A 62 ans, ce sera moins de 800. Il faudrait que j'aille jusqu'à 67 ans pour parvenir à moins d'un smic ! J'ai demandé à des copains paysan ce qu'ils touchent. Tous sont en dessous des 1000 €. La raison est simple. Le calcul est fait en fonction des cotisations qui sont calculées sur le bénéfice de la ferme. Comme les revenus des éleveurs sont galère depuis des décennies, les retraites sont en conséquence ! J'ai déjà avancé sur ce blog que mon heure de travail, sans majoration pour les dimanches ou les nuits est rémunérée entre 7 et 8 €. La retraite sera en conséquence, sans tenir compte du nombre d'heures totales qui ramenées en durée hebdomadaire dépasse de beaucoup les 35 h !
Je resterai donc paysan jusqu'à ma mort. Vous ne pouvez pas m'empêcher de penser qu'on nous a volé une partie de notre travail. En fait, pour résister la mondialisation des prix agricoles voulue par la PAC, nous avons renoncé à une rémunération décente pour passer les caps. Mais il n'y a pas de reconnaissance de la société et on continue de devoir se serrer la ceinture à la retraite. D'aucun nous dirons que "les subventions", sauf que celles-ci sont déduites des prix de vente et profitent à l'agroailmentaire.
Reste pour être honnête le capital. Si j'arrive à louer ma terre après ma prise de retraite, je devrai toujours m'acquiter des 4000 € de taxes locales liées directement au foncier non bâti, soit 25 à 30 % de la location espérée... Ajoutez y la CSG, qui va probablement augmenter bientôt et vous rognez plus d'un bon tiers la ressource. Quand au capital du troupeau, il faudra que je retire ce qui est du aux banques et à ma mère, ce qui l'amputera d'un gros tiers également. Le revenu que je pourrais alors en tirer restera modeste puisque "la rente" sera de plus en plus taxée. Encore faut il qu'il n'y ait pas un effondrement des cours au moment de la cessation !
Il y a tout de même des côtés positifs. J'ai une maison, je pourrai faire un jardin et si je peux garder un tracteur, je pourrai faire du bois... Mais tout de même, je trouve un peu rude les 772 € ! Je resterai donc tributaire de mon épouse jusqu'au bout de ma vie, alors que j'aurai travaillé plus qu'elle en heures et que beaucoup dans notre société.
Voilà, c'est dit. Être paysan est une vocation, une passion ! Effectivement pour le côté rémunération, mieux vaut faire autre chose ! Mme PH a raison.