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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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11 novembre 2012

En attendant mon hiver d'éleveur..

Les portes de la ferme vont bientôt se refermer... C'est en pensant à la chanson de Johnny que je goutte aux derniers jours de liberté. Oui, dans quelques jours, la contrainte journalière de soins pour les animaux ( le pansage selon l'expression locale) va tellement s'intensifier que je ne pourrai plus m'échapper plus de quelques heures... Plus question de passer une seule nuit en dehors d'ici. Les tours de surveillance vont reprendre, s'espaçant de 3 ou 4 heures seulement.

                     desert-brouillé

Déjà, Mme PH doit tenir compte de cette contrainte hivernale et monacale. Elle doit envisager de faire les choses sans moi pendant cette période. Il en va ainsi de l'exploitation individuelle en élevage, mode d'exploitation qui ne tiendra plus longtemps à l'avenir. L'évolution normale sera de trouver une solution pour alléger la surveillance, en la partageant sans aucun doute. Se tournera t'on vers un élevage très extensif, dans lequel la perte d'animaux sera intégrée dans le calcul de rentabilité globale, poussant vers les races les plus rustiques où le nombre de problèmes est très faible ? Au contraire, ira t'on vers une intensification encore plus grande, en regroupant les vaches dans des bâtiment toujours plus vastes, facilitant ainsi la surveillance à plusieurs avec comme corollaire l' industrialisation de la distribution de la nourriture ? Trouvera t'on une étape intermédiaire, dans laquelle on reviendra à plus de rusticité, dans des systèmes plus simples, encore éclatés certes, mais où on pourra partager la surveillance à plusieurs grâce à différentes techniques et à Internet, et où les animaux seront plus autonomes pour se nourrir ?

J'opte, dans ma tête, pour cette troisième hypothèse ! Et je la prépare... Sauf qu'il me manque le déclic pour la mettre en oeuvre. Le déclic, c'est d'avoir un signal clair de la PAC et de la filière bovine, sur la façon de s'organiser de la dernière ! Pour le moment, c'est le flou le plus total ! Tout est fait pour faire baisser le prix des animaux alors que tous les intrants sont en hausse. Les prix de l'aliment du bétail, des engrais et du GNR sont de bons indicateurs. Alors qu'il faudrait rassurer les éleveurs en leur garantissant un prix qui leur permette de ne pas perdre en gardant les animaux pour l'hiver et en les finissant mieux, donc en leur permettant d'acheter l'aliment qui manque, le message passé est inverse : " Vos broutards sont trop chers !" " Vous ne voulez plus rien faire ?" Comme si, les paysans étaient incapables de calculer à partir de quel seuil on ne gagne plus rien. Et ce seuil est à nouveau approché, si ce n'est franchi, dans bien des cas, ces temps-ci. Cela élimine d'avance la seconde hypothèse, trop coûteuse en terme de nourriture, même si c'est celle qui répondrait le mieux aux attentes des industriels de la viande qui voudraient plus de marchandises, mieux répartie au cours de l'année et plus "standardisée"...On ne se refait pas dès lors qu'on ne pense qu'à profiter des autres.

Sur la base actuelle, il faut éviter les ventes d'animaux finis de milieu à fin d'hiver, coûteuses en paille, en nourriture et en place dans les stabulations. Que choisir donc entre la première et la troisième solution ? La première se développe très vite ici ! Mais on commence à en voir les écueils. En choisissant des races plus rustiques dans un pays très blanc, apparaissent des difficultés de vente. Il n'est pas toujours facile de savoir exactement, mais je remarque que certains collègues commencent de faire marche arrière. Ils évoquent des prix pas toujours intéressants pour certaines catégories d'animaux.

Reste donc la troisième solution ! Un compromis entre les deux premières. Première mesure prise sur l'exploitation depuis 3 ou 4 ans, être draconien avec les vaches qui ont un problème de fertilité et de vêlage. Je n'ose pas donner le vrai chiffre des vêlages sans aucune aide. J'ai peur qu'on me reproche de ne plus rien faire. En réalité, je n'ai pas encore relâché la surveillance très stricte des animaux mais j'interviens de moins en moins et j'apprends à laisser faire. Il aurait été inconcevable qu'on n'intervienne pas dès lors qu'on avait un signe de vêlage il y a quelques années ! Maintenant, il m'arrive de plus en plus, dès que je détecte quelque chose de me forcer à ne pas regarder avec la caméra et à ne pas y retourner avant un temps raisonnable qui peut varier d'une demie heure à deux heures ! Résultat, il y a deux ans, deux "ventres" et un seul problème de veau qui a bu dans la poche. Pas de problèmes l'année dernière, même si deux fois, je suis arrivé à temps pour percer la poche sur le nez du veau dehors... Si au bout de ce temps impartit, il n'y a rien de fait, j'interviens. Si c'est une mauvaise présentation, je redonne une chance à la vache mais si c'est un problème de passage ou autre, je la réforme. En quelques années, le changement dans le troupeau est marquant. Côté taureau, j'ai changé aussi de fusil d'épaule et je recherche des fils de pères et mères testés pour les qualités maternelles. Mais cela reste à chaque fois un pari: "comment va t'il donner ?". En tout cas, pour moi, l'achat sur le coup d'oeil, c'est terminé depuis quelques années ! J'ai vu ce que cela donnait côté portefeuille...

En parallèle, les techniques vont changer. J'ai déjà des caméras depuis 17 ans. Le thermomètre embarqué envoyant un SMS existe depuis 3 ou 4 ans ! La combinaison des deux, avec passage sur Internet des premières achévera de changer la surveillance des animaux à risque que resteront les génisses surtout. Mes bâtiments en sont pas adaptés aujourd'hui et le plus gros problème reste le débit montant des accès Internet. Une fois trouvées des solutions à cela, on pourra travailler à plusieurs pour surveiller sans se déplacer depuis le lit de chacun. Quand je calcule le nombre de fois ou soit je me déplace ou soit j'allume  la caméra pour rien, je me dis que je dois pouvoir, si je m'entends avec d'autres, pouvoir avoir une vie quasi normale en hiver, à quelques jours d'astreinte près.  C'est donc là que tout va se jouer. En reprenant le nombre de vêlages maximal dans un mois, je me dis qu'on doit pouvoir travailler en ayant seulement un quart à un tiers du troupeau sous surveillance de vêlage. Cela veut donc dire que pour le reste, on peut trouver d'autres solutions d'hivernage beaucoup moins contraignantes et faire tourner le troupeau... Libre service, espace semi ouvert et sans doute d'autres possibilités seront imaginables. Elles diminuront le travail journalier et le réduiront peut être à une simple surveillance comme en été avec deux fois par semaine des interventions lourdes pour recharger les râteliers. Peut être même que la technologie permettra d'avoir des automates pour le faire ? Rien n'est à exclure... 

Voilà, au terme d'un des derniers week-end libre, comment je me remonte un peu le moral. Encore au moins 7 hivers à passer avant la retraite et toujours cette même tristesse, à pareille époque, à l'image de ce temps gris de fin d'automne ! Tristesse mêlée d'espoir de changer encore les techniques pour s'adapter. Mais mêlée aussi de désillusion en constatant que ceux qui nous suivent dans la chaîne bovine sont très loin des préoccupations des éleveurs, se moquent de leur travail, et ne réfléchissent qu'à très très court terme ! Un exercice à contre courant quand on sait ce qui se passe dans le reste du monde en matière bovine.

           automne-pâle

Qu'il est parfois pesant de parler dans ce qui semble n'être qu'un désert !!!!

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Commentaires
F
J'ai lu, et je n'ai rien d'intelligent à dire, mais à voir l'évolution du boulot des éleveurs ici, je me dis que nombreux sont ceux qui suivent tes "logiques" n°1 et, dans une moindre mesure, 3.
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A
Par ailleurs, les "thermomètres embarqués" peuvent poser des problèmes également...irritation chronique de la paroi = majoration des déchirures, voire hémorragies au vêlage.<br /> <br /> Juste pour info.<br /> <br /> ...alors, la solution ? Ben, j'en ai pas ^ ^ (si, les "ceintures" qui détectent les contractions...chères à l'achat, à mettre au dernier moment donc suppose de connaître précisément le moment du vêlage à qq jours près...puis va sangler une bestiole un peu volage...oui donc, j'ai pas de solution. A part la solution n° 1, races à vêlage facile et intégration des inévitables pertes dans le prévisionnel)
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F
Tout est dit et, hélas, bien dit! Tu parles bien de la fin d'un monde... mais je ne me résous pas -encore- à considérer la ferme comme un pénitencier...<br /> <br /> Cela dit, les fabricants de caméras nouvelle formule ont encore des progrès à faire...
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