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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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6 août 2013

Souvenir de marche...

Pour compléter le billet d'hier, je voulais revenir sur des souvenirs qui ont refait surface en lisant les commentaires...

Je ne pratique pas la marche au sens où je ne fais pas de périple ni même de longues promenades alors qu'ici, c'est le royaume des sentiers. La raison est simple : Je suis plongé dans la nature toute la semaine, bien souvent le week-end et je n'ai pas le temps. En vacances, lorsqu'il ne fait pas trop chaud, nous marchons un peu, surtout en bord de mer, sur les chemins de douaniers. Les rares fois où on va en montagne, on fait de vraies ballades. Je sais donc que je devrai me préparer avant de partir éventuellement sur le chemin de compostelle...

Je n'ai pas peur, même si je n'ai plus 20 ans. Je dois juste m'assurer que les séquelles de la blessure à ma hanche ne m'empêche pas de marcher sac au dos de longues heures. J'ai un très bon souvenir d'une marche forcée dans des conditions peu faciles.

Comme la plupart des gens de mon âge, j'ai fait mon service militaire. Je ne garde pas beaucoup de bons souvenirs de cette année que je juge plutôt perdue. Mais j'en garde une belle expérience, une des très rares...

On nous avait emmené en camion au mois de novembre en "manoeuvre" à 40 km de la caserne où on faisait nos classes. Pendant 3 jours, on avait couché dans la paille, jouant à la guerre la journée. On nous avait un peu bourré le jonc avec la promesse d'une marche de 40 km pour le retour, théoriquement beaucoup de jour, un peu de nuit. On nous en parlait tellement qu'on finissait un peu par appréhender. A la revue de paquetage deux heures avant le départ, comme par hasard, il manquait des morceaux d'arme !!!! On nous a donc fait trier brin de paille par brin de paille ( faut avoir fait l'armée pour savoir que c'est possible ) ce qu'aujourdhui je nommerai la litière où nous couchions pour retrouver un percuteur ( excusez du peu ) de Famas modèle 56 ! On a d'ailleurs trouvé bien d'autres choses. Je n'ai jamais cru à la version perte mais plutôt à la version provoc histoire de... On est donc passé directement de la recherche à quatre pattes à la marche avec paquetage et armes ! Cette dernière précision est d'importance car le poids porté change la donne !

Nous ne progressions pas en terrain ennemi, donc pas tout le bazar des éclaireurs, des mises à plat ventre pour se cacher dès qu'un engin parait... Les armes étaient sur le dos et non en position de prêtes à l'emploi... Notre but, rejoindre un point au sommet de la plus haute butte de la région pour bivouaquer sous tentes et y trouver un petit déjeuner ( pas continental mais de l'armée, c'est à dire du café et du pain ) au petit matin ! Plusieurs groupes de 20 ou 30, je ne sais plus, se suivaient sans être au contact. Au début, l'ambiance était tranquille chacun marchant sans problème. Ensuite, se sont révélés les caractères. Je ne me souviens pas de tous mais de deux ou trois plus flagrants. Il y a celui qui se dit que tout cela ne sert à rien et qui espère une voiture balai. Il se met à trainer au bout du groupe, provoquant de plus en plus d'arrêts pour l'attendre. Comme le chef n'a pas le droit à des pertes et qu'il n'y a pas de véhicule derrière, le trainard se fait menacer de tous les maux à commencer de la perte de sa perm du lendemain. Problème : C'est comme avec les enfants, pour ne pas perdre la face, le flemmard continue. Le cran d'après est de faire supporter son attitude par le groupe et cela se traduit par un transfert de son arme à l'épaule des autres. Apparaît alors une vraie solidarité des costauds, dont on a envie de faire partie pour se prouver qu'on est capable, qui partagent le fardeau à tour de rôle. Vient ensuite, beaucoup plus tard, la vraie défaillance ! Il faut aider le gars, on s'organise donc pour répartir les charges , sac à dos compris. La "nana" sert alors de support entre deux épaules,  d'autres font de même avec des morceaux de bois ! On sait que ce n'est pas "réglementaire" mais le chef à ce moment là n'a plus vraiment intérêt à la ramener. Car lui n'a pas de paquetage, juste un simple sac à dos et un seul pistolet au ceinturon !

La nuit tombe et avec elle les repères ! Notre chef se targue d'être un champion de course d'orientation ! Sauf qu'à peine à mi-chemin, nous voici jouant "on a perdu la 7 è compagnie !" Je vous jure que je n'invente rien ! Moi et d'autres, on ne peut rien dire, mais entre nous on commence de s'interroger sur ce chemin qui descend alors qu'on devrait monter !!! On se risque à une remarque, mais le chef nous montre sa carte et sa boussole : "On est là !" Il n'y a donc rien à dire, il porte les galons, nous pas. Plus tard, on arrive le long d'un canal ! Là, c'est clair, on est perdu !!! On le longe et au premier pont que l'on rencontre, voilà que notre chef veut nous faire remonter la butte ( au bas mot 5 km de montée et 300 m de dénivelé ) Il est minuit, on n'a mangé que des biscuits de guerre rendus mous en les trempant dans l'eau ( les connaisseurs verront à quoi je fais allusion )... Là, le groupe se soude ! Il n'y a plus ni tire au flanc, ni mal de pieds dans les rangers ! Unanimement, sachant que pour rejoindre la caserne il faut traverser le canal plus loin en redescendant de la montagne, on lui dit vertement que nous suivrons le canal et qu'il n'avait qu'à pas se tromper. Il essaye bien un "mais ils ne nous retrouverons jamais pour le petit déjeuner ". La réponse est sans appel " on s'en fous" . Il tente une dernière fois de s'engager dans le chemin, mais nous embrayons tous le long du canal lui souhaitant bonne chance pour expliquer qu'il a perdu sa compagnie !  Il nous rejoint et on ne l'entend plus. Un peu plus loin, on se retrouve entre le canal et une autoroute. Marcher de nuit,sans lampe le long d'une autoroute est un peu déprimant. On voit les phares au loin tourner pour se mettre en face. On essaye d'estimer la distance de ce virage, 1 km, 2 ? On est fourbu et on se raccroche ainsi à ce qui peut nous donner des indications de distance. On marche comme des automates. Bizarrement, discrètement les deux ou trois tires au flancs ont repris leurs armes, par contre, certains flanchent momentanément à tour de rôle. Mais plus personne n'ose en abuser et dès que cela va mieux, chacun reprend sa charge.

On m'aurait dit que je dormirai comme un loir à la belle étoile, à même le sol, le long d'une autoroute, je ne l'aurai jamais cru. C'est pourtant ce que nous avons fait ! Au lever du jour, on a repris la marche, cette fois le groupe était soudé. On a suivi les poteaux indicateurs, reconnaissant les routes et vers midi on est arrivé au but. Je n'avais pas mal, j'avais sans doute développé des endorphines. Je me souviens avoir fait la remarque avec d'autres " Je me sentirai capable de faire encore 10 ou 20 kms ! ( J'avais à peine 20 ans !). Je crois que ce jour-là, j'ai compris que les ressources du corps se gèrent d'abord au niveau du cerveau. Nous avons salué les sentinelles en rigolant " La 7 è compagnie perdue" ! Nous sommes allés rendre les armes ! Il n'y a eu aucun problème, aucune réflexion sur notre itinéraire ! On a touché nos perms plus tôt que d'habitude et les camions nous ont emmené à la gare. C'est au cours de ce trajet, nous retrouvant enfin seuls , sans oreilles indiscrètes, que nous nous sommes fait des confidences : " c'est une super expérience, la seule intéressante jusqu'à ce jour !"

Depuis, je me dis souvent que j'aimerai vraiment refaire un vrai périple, à priori un peu fou ! Depuis quelques années, le chemin de Saint Jacques m'interpelle.

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Commentaires
Y
C'est vrai que ces "marches militaires" sont riches d'anecdotes sur les comportements individuels ou de groupes.<br /> <br /> La rando, celle qui demande du physique et du mental, c'est très riche et, généralement, on attrape un virus qui est celui du plaisir d'y être arrivé et de l'envie de recommencer. ;o)
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C
J'ai aussi fait mon service militaire. Je n'ai pas fait de marches sur plusieurs jours, mais un 40 km avalé dans la journée en passant par le sommet du Ballon d'Alsace. Et pendant la préparation au stage commando, une autre marche de nuit. Je n'avais pas spécialement de mal à marcher, contrairement à la course à pied qui était pour moi une vraie torture, même si j'ai toujours mis un point d'honneur à terminer ces courses, au bord de l'écroulement (j'avais, j'ai toujours un problème de respiration qui me coupe les jambes) et on m'a toujours respecté pour ma ténacité et parce qu'on voyait bien que je ne faisais pas semblant. Pour d'obscures raisons, on n'a pas voulu que je fasse le stage commando proprement dit. Il y avait en effet une certaine solidarité qui s'exprimait entre nous, mais cela n'a jamais concerné qu'une partie du groupe. J'étais un peu plus âgé quand j'ai fait mon service (24-25 ans) et on peut dire qu'on m'a volé 10 mois de ma vie et je n'ai rigoureusement rien appris, à part voir de près différentes expressions de la médiocrité humaine (toutefois, il y avait heureusement quelques rares personnes tout à fait valables).<br /> <br /> Je comprends que l'on puisse vouloir faire le chemin de Saint-Jacques de Compostelle (ou un autre moins connoté), mais personnellement, cela ne m'attire pas, du moins pour l'instant.
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T
Ah la "nana"... je lui dois un gros bleu sur l'épaule !<br /> <br /> <br /> <br /> Vos remarques sur les traînards et le solidarité qui survient quand le groupe commence vraiment à en baver sont très pertinentes.
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