Ecotaxe vue par un paysan...
On en parle alors j'en parle (en attendant qu'il fasse jour pour aller travailler)...
8 % de plus sur les coûts de transport de tout ce que j'achète pour la ferme si les marchandises ne prennent pas les départementales ! Bref une taxe de plus, encore et toujours. A priori, des sommes assez restreintes, puisqu'on estime ici, le transport à moins de 10 % de mon prix d'achat depuis que le prix des matières premières ( aliments, engrais, carburant tracteurs...) a fortement augmenté. Le problème, c'est le cumul qui fait que loin de tout, le coût de production est toujours en hausse. Le coût de transport, si j' habitais près d'un port, serait divisé par 3 ou 4. Donc plus on est loin de la mer, d'un canal à grand gabarit ou d'une raffinerie, plus on est pénalisé. Je perçois l'écotaxe, en ce sens, comme une nouvelle pompe à fric venant grever ma marge.
Les 8 % s'appliquent également sur le transport des ventes de la ferme. Je ne vends pas un produit fini, prêt à mettre en rayon sur lequel je contrôlerai éventuellement le prix auquel il vous serait vendu. L'expérience prouve que dans ces cas là, les intermédiaires, sur pression des grandes surfaces, répercutent vers l'amont, donc sur nous, toutes les taxes indirectes. C'est pourquoi les bretons ont réagi vigoureusement la semaine dernière. Par les coopératives, ils contrôlent, plus que nous, le circuit des artichaux et autres produits agricoles et ont compris que cette taxe allait les pénaliser de part leur éloignement géographique. De plus, à part l'avion, les produits frais n'ont pas mille façons d'être transportés.
Je vous fait remarquer au passage, que tout le monde essaye de répercuter au travers des prix, ce genre de taxes sur les autres ! Il n'y a pas de transparence en la matière. Au final, c'est le maillon faible qui paie et surtout, le plus souvent le consommateur final, sans le savoir. C'est très pratique pour les politiques, bien moins voyant qu'une hausse de la TVA par exemple. C'est donc une taxe indirecte qui nous concerne tous...
Pour ou contre ? C'est à chacun de juger. Je pourrai comprendre le sens d'une telle taxe si nous avions des solutions de transport alternatives. Pas si simple dans nos campagnes profondes où le "camion" est le seul moyen d'approvisionnement et d'écoulement de nos produits. Une nouvelle fois, en partant d'une bonne intention, on pourrait arriver à un résultat inverse de celui recherché, du style de "plus tu es loin de tout, plus tu paies"... J'ai de plus en plus l'impression que la ruralité n'intéresse personne sauf à servir de base imposable. Et que l'on culpabilise, en utilisant différents arguments (justice sociale, environnement...), pour mieux taxer.
Taxe de trop ? Je ne sais pas, mais produire devient de plus en plus compliqué. Par exemple, les taxes locales (foncières) de ma ferme, qui n'a pas changé de taille depuis l'installation de mon père, ont augmenté de 62.5 % en 10 ans. Elles représentent plus de 10 % des subventions touchées par la ferme, subventions qui, elles, sont stables depuis 10 ans !!! On te donne, on te reprends au gré de politiques incompréhensibles. C'est le sentiment que nous ressentons. Au final, on a l'impression d'être dans un étau qu'on ne maîtrise pas ! Cela ne donne pas envie de se lancer, d'investir et de travailler. En écoutant autour de moi, j'ai le sentiment que beaucoup d'entrepreneurs (pas qu'agricoles) ont ce même sentiment ! Il faudrait que nos énarques comprennent qu'à un moment, trop de prélévements décourage...