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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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26 janvier 2014

Elevage fiction et domaine du possible..

J'ai été contraint de faire deux fois  600 km en 15 heures cette semaine.. Heureusement, PH fils m'a accompagné sur les deux tiers du trajet. Nous avons eu ainsi le temps de beaucoup parler, abordant une multitude de sujets dont l'avenir de la ferme, du métier et des pratiques... J'ai eu un énorme plaisir en constatant que nos jeunes sont pleins d'imagination, qu'ils voient l'avenir d'une autre façon. Alors que nous conduisions à tour de rôle, l'idée de ce billet a germé et s'est affinée au fur et à mesure de la discussion. Ce soir, je ne peux en relater qu'une toute petite  partie...

Tout est parti de la difficulté pour me libérer ces 15 h. Pour répondre à cette exigence, deux grandes tendances se confrontent lorsque l'on essaye de raisonner l'avenir du travail en élevage allaitant en période de naissance... Pourrait on évoluer vers une vie à un rythme normal ? Les solutions actuelles :

  1. Faire le choix du vêlage très facile, en gérant un système très extensif, c'est à dire peu d'animaux à l'hectare, sans faire de frais. Cela veut dire pas trop de bâtiments, voir du plein air intégral... Un élevage de cueillette en quelque sorte où on prend ce que la nature donne. Dans ce cas, pas ou très peu d'interventions humaines ou vétérinaires. Il faut accepter les pertes par accident de vêlage lorsque les problèmes se produisent la nuit par exemple. En fait, celles-ci sont à intégrer dans la productivité globale de l'élevage. La faible concentration d'animaux, leur dissémination éventuelle permet de limiter les problèmes sanitaires. Par contre, l'inconvénient majeur réside dans la suite. Les animaux issus de ce modèle seront forcément moins gros et ont surtout des rendements "viande" ( viande réelle/ carcasse totale) plus mauvais. Sur la base des prix des animaux actuellement, plus une vache est lourde et bien conformée, plus le prix du kilo est cher ! 
  2. Faire le choix du tout technique : Le top en bâtiment, le top en mécanisation et une gestion à plusieurs pour retrouver un peu de liberté en partageant la surveillance. Pour être efficace, il faut regrouper un maximum d'animaux au même endroit, donc construire de très grands bâtiments. La présence humaine quasi constante permet alors de prendre plus de risques en faisant vêler "un peu plus gros"... Mais l'investissement, en partant de rien, est considérable et représente alors, presque le double du prix d'une vache. Sur 25 ans, le coût de l'amortissement est énorme, au moins10 % du produit d'une vache auquel il faut ajouter la même somme en frais (paille surtout) de fonctionnement hors mécanisation... Pour rationnaliser, cette mécanisation vient s'ajouter et on arrive facilement entre 20 et 25 % du produit d'une vache, juste pour passer l'hiver, sans compter la nourriture qu'il faut dans les 2 systèmes d'élevage. Là, il faut de la performance pour sortir des kilos, il ne faut pas d'accidents sanitaires malgré la concentration d'animaux donc des soins permanents et une discipine vétérinaire énorme ! 

Bien entendu, toutes les variantes existent entre les deux, la vérité aussi. Je faisais part à PH fils de mes réflexions. Je pourrai laisser aller à quelques années de ma retraite en envisageant de ne louer que les terres après celle-ci. Séduisante à priori, je m'interroge à terme. En déconnectant bâtiments d'élevage des prairies, ne va t'on pas dans une impasse financière ? Et même technique ? Rassembler veut dire transporter les fourrages, les animaux en permanence. Y aura t'il un juste retour en fumier ou compost ? On voit vite qu'on va générer des frais de transports énormes, donc du temps perdu, de la pollution... 

Continuant le fil de la discussion avec PH fils, nous avons transposé les choix possibles pour ma ferme. La problématique, pour une installation hors famille, est simple ! Il n'y aura pas le logement sur la ferme pour un repreneur. Donc si je loue une partie des bâtiments d'élevage actuels, quel usage pourrait en faire un repreneur ? Plusieurs hypothèses se posent alors:

  • Dans l'hypothèse 2, il n'y en a pas besoin. Mais le repreneur devra investir dans des bâtiments au siège de son exploitation, donc se fragilisera financièrement car c'est au moins 70 vaches et leur suite qu'il devra loger soit un investissement supérieur à 300 000 € !
  • Dans l' hypothèse 2 où un jeune s'installe avec son père, il est possible que mes bâtiments soient utiles. Ils peuvent servir à loger des jeunes, des vaches avant vêlage puis des vaches avec leurs veaux. Une certaine autonomie de la ferme est préservée puisque les fourrages récoltés sur la ferme sont stockés sur place, le nombre d'animaux reste constant, seules voyagent les vaches au moment des vêlages... En échangeant les animaux, c'est à dire en logeant des vaches sur le siège de leur ferme mais en ramenant les élèves, les investissements bâtiments seront limités. Il faut venir les soigner une ou deux fois par jour et avoir un tracteur sur place...
  • Dans l'hyothèse 1, les bâtiments ont leur utilité. Dans ce cas, un jeune peut s'installer à ma place en habitant ailleurs. Si mon troupeau a assez évolué d'ici là, il rachète le troupeau et le matériel et loue terre et bâtiments ce qui lui coûtera bien moins cher que de construire... Si mon troupeau ne convient pas, il change de race et n'a toujours que le troupeau et le matériel à acheter...
  • Reste une hypothèse qui mélange le 1 et le 2 ! Le repreneur, seul ou avec son père maintient un troupeau sur place, y compris les vêlages. Mais pour assumer la surveillance, il fait appel aux nouvelles techniques...

C'est à ce moment que la discussion est devenue passionnante, l'ouverture d'esprit d'un jeune confronté à d'autres mondes est éclairante. Bien sûr, déjà aujourd'hui, si mes caméras étaient connectées sur Internet, je trouverai une grande liberté. Bien sûr, il y a les thermomètres embarqués qui avertissent d'une naissance sous 24 h puis à deux heures maxi en cas d'expulsion par les poches... Bien sûr, il y a la possibilité de commander à distance des fonctions simples comme d'allumer des lampes ou mettre en route les résistances des abreuvoirs chauffants. 

"Mais papa, on pourrait utiliser l'intelligence artificielle !" La suite pourrait relever du délire, pourtant techniquement... Je me suis dit qu'il faudrait trouver le moyen de mettre un ingénieur sur le coup ! Imaginez une caméra thermique qui balaye en permanence la stabulation des vaches et veaux, c'est à dire le troupeau qui demande de la surveillance. Non seulement, j'aurai connaissance des risques de vêlage mais de plus, j'aurai une surveillance des veaux. Que la température corporelle de l'un d'eux diminue et une alerte m'avertirait d'un problème plus tôt que je peux le remarquer à l'oeil nu. Mieux, imaginez une caméra qui filme et analyse les mouvements de tous les animaux d'une stabulation. Lorsque j'observe, c'est bien un comportement anormal de l'animal qui m'alerte sur son état. Quand on voit les progrès des logiciels d'observation, il est facile d'imaginer les possibilités. La seule question réside dans le coût... Les composants électroniques sont toujours en baisse, le plus onéreux sera de transposer l'expérience de quelques éleveurs comme moi, en programme informatique... Mais une fois cela fait, la duplication sera d'un coût insignifiant. Pour PH fils, à juste titre, tout dépend donc du choix commercial  et stratégique des développeurs ! Accessible au plus grand nombre ou réservé à une élite fortunée ?

Mais au delà de tout cela, le fond de la discussion révéle que le champ des possibles ne fait que s'agrandir. Pour en revenir à mes questions sur le devenir de la ferme à 6 à 8 ans, suivant les prochaines réformes de la retraite, il serait dangereux de s'enfermer dans une seule hypothèse basée sur le modèle actuel. Sur la ferme, les bâtiments bâtis en pierres datent des années 1910. Ils n'ont été obsolètes que dans les années 1970 avec la mécanisation. Mon père a investit dans une étable entravée, tête à tête, avec curage en 1975, le round baler arrivant pour les foins de 1976 ! Il pensait que ce serait un bâtiment qui servirait un demi siècle au moins. 20 ans après, las des problèmes de la chaîne de curage, peu convaincu du bien-être de vaches attachées 4 mois de suite, je passais en tout stabulation. Depuis, je dois agrandir sans cesse pour répondre aux nouvelles normes de bien-être animal ou parce que la hauteur pose problème pour curer. Demain, il faudra éloigner les bâtiments de mon habitation pour que les tracteurs ne passent plus au raz des fenêtres ou de la porte de ma maison. On vit donc une accélération permanente des exigences. Là où un modèle tenait au moins 3 générations, il change à chacune aujourd'hui. Cela a une incidence énorme sur les coûts de revient, est très désorientant...

Nous avons du mal à trouver un modèle durable. J'ai quelques idées sur le sujet. Cela a fait l'objet de notre discussion suivante, où PH fils m'a surpris. Je n'avais envisagé qu'une petite partie des possibilités... Que le C15 puisse être remplacé par un drône n'est plus une idée folle ! De quoi renforcer une organisation de la ferme comme je l'imagine depuis 3 ou 4 ans... Ne pas céder aux modes techniques immédiates sans imaginer leur incidences réelles. Par exemple, le prix de la paille a plus que doublé en 10 ans, faisant exploser le coût de fonctionnement des bâtiments promus à cette époque et les remettant en cause. 

De quoi faire réfléchir ! Et s'interresser à ce qui se passe dans les autres secteurs de l'économie...

 

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Commentaires
C
Tout cela est effectivement très intéressant. Merci de le faire partager.
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L
Et pourquoi pas un elevage avec 3 petites vaches/ha qui font 3 veaux moyens mais où tout ce beau monde ne serait nourri qu'à l'herbe et enrubannés un peu en hiver pour les veaux?....<br /> <br /> plus besoin de paille, çà vêle dehors...bye bye colibacilles et pb resp.<br /> <br /> çà vêle tout seul mais on est loin du syst extensif traditionnel, <br /> <br /> <br /> <br /> et les prairies quant à elles fonctionneraient sans engrais de synthèse.<br /> <br /> Et puis même qu'on trouverait des "fourragères" qui déparasitent les animaux<br /> <br /> Le systeme de cloture serait efficace et ne necessiterait pas d'entretien (ni au glypho ni à la debrouss.)<br /> <br /> Des parcs de contentions accueillant des 100aines de bovins ou des milliers des brebis où les betes avancent, avancent...<br /> <br /> Juste 2 chiens et le bonhomme (ou la bonnefemme) réussirait à mener des lots de 800 brebis....<br /> <br /> <br /> <br /> Cela ressemble beaucoup au systeme néo-zélandais. Je suis convaincue que nous avons beaucoup beaucoup de chose à apprendre là bas concernant la conduite de nos ruminants.<br /> <br /> D'ailleurs j'y part ce jeudi avec un groupe de 20 éleveurs limousins !!<br /> <br /> C'est vrai, la preuve : https://www.facebook.com/limouzinnz?ref=hl
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E
J'aime beaucoup quand tu parviens à raconter simplement les affres de ta vie de paysan pour que tout le monde comprenne! Merci et courage!
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O
Je suis heureux de voir qu'il y a des gens qui ne considèrent pas la technologie, la robotique, l'intelligence artificielle comme juste quelque chose qui "prend le travail des gens". Car ce n'est pas si simple. Si on faisait tout à la main, comme en Corée du Nord, notre niveau de vie serait très très bas, et notre qualité de vie catastrophique. <br /> <br /> Je vois dans un grand magasin de sport des personnes furieuses parce que des caisses automatiques viennent d'être installées. Ces personnes sont vêtues de pieds en cape avec des habits fabriqués à l'autre bout du monde, et ont a la main des sacs remplis d'article de la même provenance. Tous ces produits sont fabriqués à la main par des ouvriers transformés en robots humains. Et on voudrait que des caissières humaines transformées en robots fassent toute la journée un travail répétitif, je dirais presque abrutissant, qu'on oserait peut être pas faire réaliser à des animaux. Mais n'y a t-il pas un autre choix, une autre vue ? Un moyen d'utiliser la technologie à bon escient pour permettre aux hommes et aux femmes de faire des travaux créatifs, gratifiants, diversifiés, c'est à dire humains au sens noble du terme ?
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Y
Encore une excellente réflexion prospective : et à 2 voix en pluss !<br /> <br /> <br /> <br /> Peut-être un sujet à venir, en complément des nombreux abordés, la gestion de l'énergie sur la ferme : être dépendant d'un prestataire, être autonome, devenir fournisseur d'énergie ou de matières premières pour l'énergie.
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