Gel de printemps et végétaux
Encore ce matin, les parties basses de la vallée sont gelées. Nous sommes début mai et cela aura des conséquences. Ici, beaucoup de personnes restent proches de la nature. La plupart des retraités ont un jardin et s'adonnent au plaisir de cultiver tant que leur condition physique le leur permet. Dés les premiers jours de beau temps, ils envahissent la coop pour acheter plants, semences et autres matériels. Ce lien à la terre est précieux. Je suis convaincu qu'il est psychologiquement structurant au sens où chaque jardinier, quelque soit la taille du jardin, retrouve ainsi un contact indispensable avec dame nature. C'est un enracinement profond à notre Terre à tous, porteur de sens, loin de la partie sombre de notre société où l'on consomme sans connaître l'histoire du bien alimentaire acheté. Je plains tous ceux qui, enfermés dans une vie artificielle, n'ont plus cette attache terrienne... Mais avec dame nature, rien n'est garanti, et un matin de gel, à cette saison, vient brûler un bout de jardin. Il faudra alors ressemer ou replanter. Dure exigence de la nature, vraie école de patience !
Autre conséquence pour une activité proche de la précédente, les fruits. Là encore, le gel de printemps rend la production aléatoire
ici. Le phénomène est aggravé par la banalisation des jardineries et autres ventes en catalogue. Elles ont marqué la fin des variétés locales, sélectionnées au fil du temps, donc adaptées aux conditions locales. Qui se soucie de s'informer sur une espèce ou une variété convenant au climat local avant de planter ? Au mieux, on regarde la grande région, la nature du sol, l'exposition et surtout la productivité annoncée. Prendre en compte le terroir complexifierait tellement les choses qu'il faudrait dire adieu aux centrales d'achat car il en serait fini du produit banalisé, vendu à une majorité, donc en grand nombre, justifiant des achats à prix cassés ! Et oui, notre mode de consommation ne s'adapte pas du tout à dame nature. Il est difficile de faire comprendre que si on veut un minimum de récolte, il faut respecter des règles minimum. Une variété de fruitiers inadaptée, même pas chère, conduira à l'échec. Une récolte, une année sur 5 ou 6, cela est il satisfaisant ?
Pour se justifier, notre société a trouvé un bouc émissaire idéal : le réchauffement climatique ! S'il est incontestable, son évocation est surtout utile pour justifier des pratiques commerciales inadaptées. L'échec ne vient alors pas de celui qui vend, mais de la nature. Il y a dix ans, quand on parlait de réchauffement climatique, on évoquait la culture possible de l'olivier jusqu'à Lyon, voir... En réalité, rien de tout cela. Il y a deux ans, la bise glaciale de février a gelé une multitude de plante. L'année dernière, la neige tombait en avril. Cette année, on pourrait croire que l'hiver exceptionnellement doux allait augurer d'une année naturelle prolixe. Il n'en sera probablement rien, au contraire. La douceur a fait démarrer la nature plus tôt, du coup elle est plus sensible au moindre aléas de température. Ainsi, une petite gelée, comme ce matin, début mai, peut avoir des conséquences sans commune mesure en comparaison à celle d'une année plus en retard. Loin de favoriser la possible culture de plantes plus méridionales, le réchauffement rend plus fragile les espèces implantées localement depuis des lustres. Il suffit d'évoquer la question avec des vignerons de Bourgogne pour comprendre. Depuis 3 ans, ils essuient des revers énormes en terme de volume de récolte, même sans grêle...
Une certaine prise de conscience émerge. On commence de voir apparaître des bourses d'échanges d'espèces ou de plants locaux. Cela reste confidentiel mais ces nouvelles démarches permettront peut être au commerce local de prendre en compte cette nouvelle donne. Encore faut il que les lois et règlements ne viennent pas aller à contre sens des enjeux. L'enjeu financier du commerce des semences est énorme avec des conséquences géostratégiques pour contrôler l'alimentation! Nos jardins et nos vergers sont mis dans le même panier que nos champs paysans pour ce qui concerne le contrôle du commerce. Empêcher de ressemer et même d'échanger permet d'imposer ses semences, donc de rendre dépendant à une firme qui s'arroge un droit de propriété dit intellectuel sur la diversité biologique naturelle. Pas facile d'en définir et d'en fixer les limites législatives...
Il existe encore des pépinièristes compétents. Luttant contre la banalisation des produits, ils élévent des plantes de nos terroirs. Encouragée par la région Bourgogne, notre commune a planté des arbres fruitiers d'espèces locales pour constituer deux vergers dits conservatoires. Il reste les panneaux à mettre pour décrire chaque arbre. Chacun, au cours d'une ballade pourra alors aller voir de visu le comportement de chaque essence et de chaque espèce. Je vais suivre cela de près et j'espère en tirer les conséquences pour mes choix à venir de plantation. Etablis en deux points de la commune, l'un sur le haut et l'autre au bord de l'Arroux, donc correspondant aux deux situations topographiques du village, ils vont constituer une bonne base de référence d'ici quelques années.
Et oui, pour ma retraite, je compte entretenir un verger et peut être même un jardin potager. Toujours ce besoin de toucher la terre. Les produits sont tellement incomparables. Bien sûr, cela impose par exemple de ne manger de fraises qu'en juin et juillet. Mais franchement, que valaient les barquettes de fraises Auchan, il y a un mois, vendue ici dans nos grandes surfaces ? Même à 1 € ? Cela faisait de l'eau sucrée et teintée bien chère !