Récupération des plastiques, l'envers du décor
Dès la première année, il y a une dizaine d'années, j'ai adhéré à l'idée. Avant, nous étions envahis de plastiques. Les ficelles, les bâches noires, les plastiques d'enrubannés ou les saches d'engrais s'accumulaient. Aucun moyen de s'en débarrasser si ce n'est en les brûlant. Des feux violents, que l'on repérait de loin avec leur épaisses fumées noires, toxiques...
Alors, lorsque les coopératives ont décidé d'organiser une collecte des plastiques agricoles, j'ai perçu cela comme une très bonne chose. Un avis partagé par la plupart de mes collègues puisque très rapidement les tonnages collectés ont explosé. Pour ma part, je trouvais cela vraiment positif.
La première année, la collecte portait prioritairement sur les bidons de produits phytosanitaires, c'est à dire des quantités minimes ici. Il me semble que les plastiques noirs des bâches d'ensilage étaient aussi ramassées. Les années suivantes, très vite, les enrubannés ont été collectées, puis les ficelles. Au début, on arrivait avec tout en vrac sur la remorque. On triait sur place. Cela voulait dire que je faisais des tas sur la ferme au long de l'hiver. Rapidement, j'ai trouvé une solution plus "propre". Je me suis servi des big-bags, les saches de 500 kg d'engrais. Plus de tas, plus de plastiques s'envollant au moindre coup de vent...
Quand on nous a demandé de séparer, donc de trier les plastiques, j'ai directement fait des big-bags de ficelles, d'enrubannées ou de saches. Ce n'était pas forcément esthétique, mais très pratique. Le jour de la collecte, je chargeais les big-bags sur la remorque. A la coopérative, il était facile de les récupérer pour les transférer dans les bennes appropriées.
Devant l'explosion des volumes collectés, les coopératives ont dû demander une participation financière. Elles collectaient et collectent encore aujourd'hui des volumes bien supérieurs à ceux qu'elles vendent. Pour l'écologie, c'est une très bonne chose mais économiquement, le coût pour elles est conséquent ! Il faut du personnel pour collecter, puis des camions pour évacuer et transporter aux usines de retraitement... Ce coût augmente d'année en année, car devant le succès de l'opération, la société qui récupère les plastiques a augmenté ses exigences. Plus de big-bags mais des bennes de chaque plastique trié. L'année dernière, nous avons du éventrer les big-bags dans les bennes. Cette année, nouvelles exigences : Il faut que les ficelles soient dans des sacs plastiques transparents qu'il faut acheter. Les bâches doivent être mises en paquets... Bien sûr, je ne l'ai su qu'en fin d'hiver. De toute façon, les nouveaux sacs sont trop fragiles pour résister au gel. J'ai donc passé 3 heures hier à tout reconditionner.
Je comprends qu'il vaille mieux que ce soit moi qui trie que des employés de l'usine de retraitement. Mais je m'interroge sur la permanence actuelle, dans notre économie, à transposer le maximum de tâches, surtout les plus pénibles, chez les autres, en amont. D'action volontaire à ces débuts, ce recyclage est devenu obligatoire aujourd'hui. Dans le cadre de le PAC, je dois me justifier de cet acte. En devenant contraint, le rapport de force a changé de camp et le recycleur impose de plus en plus ses conditions. Au prix actuel du pétrole, je pourrais légitiment penser que la récupération de tous nos plastiques agricoles est une ressource intéressante et pas chère ! C'est le contraire qui nous est présenté. Ces contraintes, sans cesse croissantes, peuvent devenir décourageantes. Je crains, par exemple, que la prochaine étape concerne la propreté des plastiques.
Et là, je en saurai pas faire. Si on prend d'autres exemples nous concernant, émanant de nos propres structures, on appliquera des pénalités. A trop en demander, on encouragera l'enfouissement sauvage ou le retour des feux. Bref on prend le risque de régresser...