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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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29 août 2014

Elevage et avenir de la PAC

Octobre 2013 : Le grand rendez-vous de l’élevage a lieu à Cournon, près de Clermont. Le président de la république participe à l’événement. Depuis des mois, la grande bataille entre les productions agricoles pour se partager les subventions agricoles est engagée. Tout le monde s’oppose, s’agrippe à ces acquis sans qu’une ligne claire, constructive émerge ! De loin, cela donne l’impression d’un marché à la criée des subventions. On attend les arbitrages. Le discours du président rassure, semble pencher en faveur des éleveurs, dans une opposition stérile aux céréaliers. « Diviser pour mieux régner »

Mai 2014 : Je participe à une réunion professionnelle qui doit théoriquement nous donner des explications sur la nouvelle PAC. En fait pour nous vendre une formation pour calculer nos nouvelles primes, sans que les arbitrages soient rendus. Il faut prendre rang… Une seule certitude: Après avoir baissées de façon sournoise de 20 % en trois ans (merci au président précédent), mes subventions vont baisser d’au moins 9 % en 2014 et rien n’est sûr pour que cela ne continue pas les années suivantes… Les promesses présidentielles de Cournon étaient du vent dans les faits ! En plein marasme du prix des animaux, cette annonce fait l’effet d’une douche froide. La colère monte, l’inquiétude climatique ne se fait pas encore trop forte. Je ressors de la réunion avec la certitude que nous n’aurons aucun soutien du pouvoir politique et que notre seule chance de survie est de nous prendre en main pour changer les choses dans la filière !

Juin 2014 : Les arbitrages français tombent enfin ! Les premières propositions auraient été concevables en 1992 quand la PAC s’est mise en place. Elles sont complétement obsolètes en 2014 car le paysage agricole a complétement changé. Mon exploitation représente l’exacte moyenne de l’exploitation d’élevage charolaise, ni plus ni moins d’animaux et de vêlages. Mais à Paris, par idéologie,  on presse le ministre de faire comme si ces critères réels n’existaient pas, comme si les statistiques étaient bloquées sur un modèle à moitié de ma ferme. Une perte de 15 à 20 % minimum alors que j’ai du mal à survivre !  La priorité aujourd’hui n’est pas de savoir si on peut revenir en arrière mais de stopper cette hémorragie qui en projection conduirait à des exploitations moyennes au double de la mienne dans les 10 ans à venir. Il suffit de regarder la pyramide des âges des éleveurs pour comprendre. Le ministre tranche vers une solution  plus réaliste mais très ambigüe, 10 % minimum de "sub" en moins … L’objectif politique réel reste de faire des économies budgétaires, bien avant d’avoir une politique cohérente. Le député local se fend d’un communiqué de presse pour se prévaloir d’une influence décisive sur la décision alors qu’il a défendu le contraire les mois précédents : On est dans la politique spectacle stérile ! La rancœur envers les politiques ne va pas s’arranger !

pyramide des âges éleveurs en Bourgogne

Début août 2014 : Je reçois une invitation à une formation payante de deux jours pour réfléchir à l’orientation à donner à ma ferme suite aux nouvelles règles de la PAC. Je ne donne pas suite. Le problème n’est pas là. 70% de mon chiffre d’affaire se fait par la vente des animaux, 30 % par les subventions. Quand les deux baissent, que les charges augmentent, quelle serait la solution miracle ?

Mi-août 2014 : Il n’y a pas que la politique agricole qui influe sur nos fermes. La politique étrangère de notre pays apporte sa part de désagréments. Dernier avatar en date : L’embargo russe sur la viande. Difficile de faire la part des choses. Peu de chiffres fiables circulent sur les volumes échangés entre l’UE et la Russie. En effet, ce ne sont pas seulement les exportations françaises qu’il faut prendre en compte mais celles de l’Europe. Il faudra bien que ce qui était vendu par les allemands ou les polonais trouve un déboucher. Depuis 15 jours, cette situation incertaine crée le bazar dans nos ventes. La crainte est que les transformateurs et commerçants utilisent le repli pour faire pression sur les prix. Des rumeurs circulent en ce moment, fondées ou non, et bouleversent le marché interne. Tout se passe comme si on nous préparait à une chute des cours, donc à revenir à ceux de 2011. Dans une conjoncture difficile, comme je l’ai décrit sur le billet précédent, la perte du moindre déboucher va servir à faire fluctuer les cours à la baisse dans des proportions bien supérieures à la part du marché concernée. On se sent pris dans un piège, sans que l’on puisse mesurer individuellement l’ampleur du problème qui peut nous conduire à des comportements de soumission à la pression, nous faisant accepter de livrer des animaux à vil prix à un moment où les vrais volumes en jeu ne sont pas aussi conséquents qu’on pourrait le croire. L’absence d’informations est pire qu’une mauvaise nouvelle car elle ouvre la porte à toutes les manipulations donc spéculations possibles, que l’on soit agriculteur français, polonais ou autre… J’accepte de faire partir des génisses. De toute façon, il me faut de l’argent pour éviter de creuser encore le découvert en banque…

On entre donc dans un contexte de crise pour l’élevage, par la conjugaison de différents phénomènes qui se cumulent. Les fermes d’élevage n’ont pas de réserves de trésorerie, il suffit de se renseigner sur les retards de paiement auprès des fournisseurs. Sur les 10 dernières années, seule 2007 a permis d’avoir une marge moins mauvaise. J’écoute les économistes parler de « déflation ». Je ne sais pas si le mot convient à ce qui risque d’arriver dans les prochaines semaines ou prochains mois. J’entends de plus en plus de monde parler de décapitalisation partielle du cheptel. Vendre des vaches pour boucher les trous, plutôt qu’emprunter faute de savoir si demain sera meilleur, semble être un phénomène qui va se produire à une échelle non négligeable. Cela revient donc à réduire les outils de production. C’est une opportunité dans un premier temps pour la filière qui confortera ses volumes traités. C’est le danger ensuite de se retrouver avec des outils surdimensionnés qu’il faudra réduire et un approvisionnement qui viendra d’ailleurs donc sera moins sûr. Il y a une certaine légèreté dans la gestion de tout cela.  

Dans quelques semaines, vous entendrez parler de versement de primes en millions d’€ à l’agriculture sous forme d’avances. C’est devenu récurent ces dernières années à la rentrée. Avance ne veut pas dire plus d’argent versé, ce sera même moins cette année. C’est un écran de fumée qui permettra de différer de quelques semaines les problèmes tout en nous opposant au grand public. Ne vous y trompez pas ! Si vous avez eu le courage de lire ce billet et les deux qui précédent, vous comprendrez que cela ne règle rien. Pour ma part, si rien  n’avance, pour la première fois depuis 10 ans, je me joindrai à tout mouvement revendicatif d’éleveurs, qu’il soit tourné contre d’autres maillons de la filière ou les pouvoirs publics…

Pourtant nous avons de l’or entre les mains, mais  encore faudrait il qu’on sache s’en servir….

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Commentaires
A
PH , si tu te présentes comme Président , je vote pour toi .Et des charolaises ,dans les jardins de l'Elysée feraient reconnaître votre boulot .Tu te déplacerais en C15....<br /> <br /> .Et non, vous n'êtes pas les seuls subventionnés et vous n'abandonnez pas vos fermes .!
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I
nous ne sommes pas les seuls à percevoir "des primes" , <br /> <br /> que dire de ces entreprises à qui on donne des millions, ou des exonérations pour s'installer ici où là, et qui quelques années après vont voir ailleurs(laissant souvent des ouvriers sur le carreaux et aussi parfois des friches industrielles)..c'est aussi ce qu'il faut dire, non il n"y a pas que l'agriculture qui est subventionnée!!!
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Y
Merci pour la présentation de tous ces paramètres très importants.<br /> <br /> Quand tu écris : "Mais à Paris, par idéologie, on presse le ministre de faire ... ", tu mets en avant, à travers le "on", des groupes politiques, des lobbies, ... ?
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O
Quel gâchis. Dans ces conditions, comment se projeter dans le futur ? Parler du problème, c'est déjà agir, mais il vous faudrait une audience plus large...
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A
Je suis tt a fait d'accord.......
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