Ce n'est pas juste...
Depuis fin novembre, je n'ai pas pu prendre une seule nuit en dehors de la ferme, donc pas de week-end non plus. Pire, pour une association, j'ai du aller deux fois à Troyes des samedis... Lever à 4 heures du matin, tour rapide des vaches, avec un vêlage la seconde fois, douche puis 3 h 30 de route. Retour vers 20 h, pour retourner dans les stabulations... Voilà donc les seules escapades de l'hiver !
Nous devions descendre au bord de la belle bleue. Mme PH avait initialement programmé le week-end dernier. Je lui ai demandé de changer pour être certain de ne plus avoir de vêlages et de ne plus avoir d'animaux en stabul pour éviter le paillage. Le dernier vêlage a eu lieu juste avant de partir à Troyes la semaine dernière. Je me sentais soulagé. J'ai organisé les lâchers en pensant à ce week-end. Je pouvais ainsi alléger le travail à la simple surveillance... En effet, hormis le lot des 9 dernières vaches décrit hier, les troupeaux sont maintenant autonomes en nourriture. En donnant la mêlée au cours du PH tour, il est donc simple de surveiller. Je pouvais donc partir tranquille. Mon voisin n'avait pas besoin de beaucoup de temps les deux matins de mon absence...
Mais c'était sans compter sur un coup de sort...
Hier matin, je découvre le taureau d'un voisin dans un des troupeaux. Jeune très excité, s'acharnant sur une vache en chaleur, je le laisse tranquille tout en prévenant le propriétaire. Pas facile de contenir ce genre de bestiaux, il a démoli une haie... Je retourne tenter de le sortir l'après midi. Impossible de manoeuvrer le troupeau de 24 génisses et vaches. L'autre taureau, le mien, d'un an, pousse aussi. Je me dis qu'il est préférable d'attendre ce matin et la distribution habituelle de la mêlée pour tenter de rentrer le lot...
Ce matin, je fais tout le tour et je termine par le lot à problème. Mon calcul est simple. Le TGV part à 15 h, j'ai donc toute la matinée pour remettre en ordre le troupeau. Premier problème, une autre vache est en chaleur et les taureaux sont chauds... Deuxième problème, le taureau du voisin donne de la corne pour empêcher les vaches de venir manger la mêlée. Une vraie teigne ! Je l'use en le poussant en voiture puis en courant après lui... Au bout d'une heure, je prend le dessus et je manoeuvre tout le troupeau à la voix. Il sort et je me sert des parcs pour le piéger. Là, je commets l'erreur d'appeller les voisins. Mes vaches ont l'habitude d'un éleveur seul et dès qu'on est deux, elles paniquent. Nous réussissons à trier les taureaux et quelques vaches. Au parc suivant, trois vaches et un veau fonce dans une haie et finissent dans le lot voisin... Il est 10 h 45, je sais alors que je ne prendrai pas le TGV. Je suis dépité ! Une nouvelle fois, le métier d'éleveur pèse par son côté imprévisible, son exigence...
J'isole le taureau fautif dans le parc de contention. Nous repoussons le reste du troupeau vers la parcelle initiale. Je presse les voisins, le jeune taureau tente tout pour s'échapper du parc. Il arrive même à desceller des moellons du mur. Cela devient dangereux. J'entre dans la case, on le pousse dans la remorque et on ferme. Il est fou ! J'espère que le voyage s'est bien passé ensuite, je conseille de le garder en stabul le temps qu'il se calme. J'espère aussi que cela ne le rendra pas méchant...
Mme PH rentre et je lui annonce mon désarroi. Je ne peux pas l'accompagner. Je repars réparer la clôture. Le troupeau dans lesquels les vaches ont sauté et très excité. J'attends l'après midi pour tenter de le rentrer. J'ai mis en place de vrais barrages. J'ai libéré la stabulation pour prendre les vaches au cornadis. C'est plus facile et pratique pour trier. J'use du stratagème habituel de la mêlée pour amadouer le troupeau. Avec patience, je pousse les vaches, leur parlant calmement. J'arrive à le sortir et le pousse tranquillement vers la stabulation. Je ne mets pas longtemps à trier et je relâche. Je rencontre une petite difficulté car les mères qui ont laissé leur veau le matin se souviennent du lieu de séparation, à savoir le bois et cherchent à y retourner. Je suis obligé de les pousser à pied jusqu'au bout. Je dois même faire lever les veaux qui dorment au soleil et n'ont pas compris ce qui se passait. Un appel de part et d'autre, les retrouvailles sont scellées par une bonne tétée. Il me reste à rejoindre le C15, à remettre en ordre la stabulation pour les 9 couples restant, à lâcher les trois vaches ce qui avait été prévu pour le matin mais a du être retardé car la parcelle est voisine des parcs...
Je finis vers 19 h, harassé par tous ces efforts, ces courses et ses milliers de pas. Voilà comment, un week-end de repos et de répit s'est transformé en une journée marathon, limite enfer ! Adieu l'espoir de dormir enfin grâce à une vraie rupture géographique. Je suis prisonnier une nouvelle fois de mon métier. J'espère que le PH tour de demain matin sera un vrai moment de paix. J'en ai besoin...