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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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3 janvier 2016

Une nuit d’hiver…

Voilà 2 jours qu’il n’y a pas eu de vêlage ! Mes vaches respecteraient elles une trêve des confiseurs pour mon plus grand bien ? Je me réveille toujours une fois en milieu de nuit pour jeter un coup d’œil à la caméra puis je me rendors après un peu de lecture. Je peux ainsi récupérer de la nuit de la saint Sylvestre. J’étais tellement content de sortir des stabulations pour retrouver des amis chers, que je n’avais pas vu que nous débordions des horaires raisonnables. Se coucher à 4 h du matin alors que deux nuits avant, j’avais dû me lever plusieurs fois ! Le problème est qu’il faut assurer les soins aux animaux, jour de l’an ou dimanche compris, comme si de rien n’était. Et être prêt pour le cas où…

Et ce 2 janvier, après un samedi de travail, je décide de me coucher tôt. Pour ce faire, vers 21 h 30, j’allume la caméra : Bingo, 2 onglons ! Sur une vache. Il est trop tôt pour intervenir, je décide donc de patienter. Je me donne une demi-heure pendant laquelle je m’interdis de regarder. On a toujours tendance à intervenir trop vite, il faut laisser le temps aux contractions de faire leur œuvre. Au bout de 20 minutes, je refais un tour avec la caméra, rien de nouveau. Puis, ni tenant plus, je me change. Je déteste remettre la tenue de travail une fois ma douche du soir prise. Avec ce temps, elle est toujours humide et avec les animaux, elle est toujours odorante. J’ai l’impression de ne jamais pouvoir quitter cet univers de la stabulation.

Je passe par la stabulation du milieu. La case de vêlage est si performante que je n’ai plus envie de vêler à la volée ou de prendre des risques en attrapant les vaches au lasso. Inévitablement, elles se défendent alors qu’elles n’opposent aucune résistance dans le piège. Je prépare donc mes barrages pour ramener la vache. Et je descends dans l’autre bâtiment. Le vêlage s’est accéléré. Je remonte chercher la vêleuse. A mon retour, une minute plus tard, je peux toucher le veau sans que la mère, harissa, bouge. Je commence à passer les liens. La tête est déjà passée et les contractions sont violentes, le veau sort au ventre avant que j’ai fait quoique ce soit. Harissa se retourne et croyant le travail accompli, elle commence de se relever. J’ai juste le temps de tendre les cordes, le veau est dehors. Je vais chercher le désinfectant, à mon retour, harissa lèche secondée par bohême qui se croit mère également. J’ai toutes les peines du monde à séparer le veau et la bonne maman pour qu’ils soient dans une case à la litière propre et sèche. Bohême ne veut pas lâcher le morceau. Je  rentre, me change et vais me coucher non sans dire à Mme PH que lorsqu’une vache (bohême) se comporte ainsi, c’est qu’elle ne va pas tarder…

harissa-et-son-veau

1 h 30 du matin. J’ai dormi 3h et demi. D’habitude, je me réveille vers 2 h 30. Je trouve que c’est une heure trop tôt. Je somnole ! Vers 1 h 50, je me lève. La peur de ne plus me réveiller. Je descends voir avec la caméra. Harissa et son veau vont bien. Plus loin, à la limite de la visibilité offerte par mon engin, une vache est couchée de façon significative, tête vers la caméra, donc je ne vois rien. J’ai sommeil mais il faut y aller. Les vêtements de travail sont froids à cette heure-ci puisque la chaudière est en mode nuit. La salle de bain ne l’est pas plus. J’enfile le tout et je traverse la cour. Bohême est étendue de tout son long mais se relève en m’entendant. Cela fait quelques temps que je m’inquiète pour son vêlage. C’est la vache la plus lourde du troupeau et depuis le sevrage, elle n’a fait que prendre des kilos. Elle serait « bonne à tuer » selon l’expression, c’est-à-dire qu’elle est bien trop en état pour vêler. Vue la taille des veaux de l’année, cela peut préfigurer un vêlage très compliqué avec un monstre. La première poche n’est pas faite, nous en sommes au tout début. Je n’hésite pas un instant, je remonte la vache dans les cases de vêlage. J’avais laissé tous les barrages en place après le vêlage de Harissa.

Le changement de bâtiment perturbe toujours les animaux. Je compte en moyenne une demi-heure au moins de stress qui retarde d’autant le vêlage. C’est pour cela que je veux agrandir le fond de la stabulation pour pouvoir avoir un équipement qui me permette de piéger les vaches sans changer de bâtiment. Je décide de rentrer à la maison et de laisser faire. Je m’impose trois quarts d’heure sans regarder ! Pas question de retourner au lit. J’ai peur de me rendormir trop profondément ou de tourner en rond par stress, donc de déranger Mme PH. Je reste en tenue de travail. Je trafique sur l’ordinateur. Vers 3 h, je jette un coup d’œil ; bohême ne pousse pas beaucoup. De quart d’heure en quart d’heure, je surveille. Entre temps, je lis, je surfe sur le Net, je lutte surtout contre le sommeil. Vers 4 h, je traverse la cour. La poche des pattes n’est pas percée, je ne vois pas les onglons, il faut attendre. Mais à la caméra, je note que le travail est plus intense et que les contractions sont plus violentes. Si le veau est très gros, il faudra du temps et je ne passerai une main qu’après que la poche soit percée. Cette fois je regarde toutes 5 ou 10 minutes. Le problème est qu’à chaque fois, bohême se lève pour que je ne la vois pas travailler.

A 4 h 20, cette fois, je vois distinctement le bout des pattes du veau et je crois distinguer le bout du nez. Bohême est couchée face à la caméra et la vulve contre le mur. Quelle idée ! Comment le veau peut-il sortir s’il butte contre le mur ? Quelle idée ont les vaches de se mettre souvent au raz des murs ou barrières ? Je fonce, enfile bottes et veste, et traverse la cour d’un pas vif. Je me demande comment je vais faire  si elle ne veut pas se relever. Impossible de tirer contre le mur. Il se passe moins de deux minutes entre le coup d’œil à la caméra et le moment où j’arrive dans le bâtiment. J’ai envisagé tous les scénarios, les pires bien sûr. Si le veau est énorme, comment vais-je m’y prendre et à qui vais-je demander de l’aide ? En même temps, pour que les pattes s’allongent comme cela, j’ai des chances de pouvoir la vêler sans césarienne…

Je reste coi sur le pas de la porte ! Bohême est debout et lèche quelque chose vers le mur. Au début, je pense que c’est le liquide amniotique suite à la rupture des poches. Cela leur arrive souvent. Mais, il n’y a rien qui dépasse de son train arrière. La seconde d’après, je découvre un magnifique veau ! La tête bouge, il vit ! En un instant toute la pression retombe. Voilà 2 h 30 que je veille en luttant contre le sommeil, tout ça pour rien !!!! Tant mieux. Comment a t'elle fait pour aller aussi vite et surtout ne pas coincer le veau contre le mur ? Mais je me ressaisi de suite. Il faut que j’intervienne sur le veau et je ne souviens pas des réactions de bohême. Euphorie et fatigue ne doivent pas m’empêcher d’être très prudent. Muni de ma canne, je m’approche du veau. J’emploie la méthode « partage ». Je laisse la tête à bohême qui lèche avec vigueur  et prend l’arrière train pour désinfecter le cordon. Toujours donner l’impression à la mère qu’on ne lui retire pas son bébé !

boheme-et-son-veau

Je rentre, étonnamment détendu. Tellement que je n’arrive pas à dormir ensuite même si je me recouche. A 8 h, je me lève. Tout le monde va bien. Le travail s’enfile le reste de la matinée jusqu’à 13 h 30… Je repense à cette nuit agitée ; une nuit d’hiver, en élevage. Le veau de bohême est superbe une fois sec et blanc, comme celui de harissa. De gros mâles.

veau-de-harissa

Ce soir je me coucherai très tôt, mais c’est dame nature qui décidera de la qualité de mon sommeil.

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Commentaires
)
Que ces vaches et veaux sont beaux! Les petits ont-ils aussi des noms? Pourquoi les écrivez-vous sans majuscule? Mais comment gère-t-on le départ des veaux quand on les a vus naître? <br /> <br /> Il me semble que si c'était mon métier, je serais parfois terrifiée par la peur de ne plus y arriver physiquement. La fatigue jour après jour, les soucis... Il faut une nature résolument optimiste pour parvenir à rester, malgré tout, sensible au soleil, aux chants des oiseaux... Non?
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A
J'aime quand tu parles de tes vaches en les appelant par leurs prénoms.C'est une nuit de "Sage-vache Heureux "!<br /> <br /> Le sommeil vous manque en cette période à vous les paysans-éleveurs .Mais la nuit t'a inspiré un bien bel article .Bravo et Courage PH !
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B
Tes vaches ont de bien jolis prénoms , on voit qu'elles sont aimées .
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F
J'aime toujours autant l'écriture de ces nuits sans sommeil, de l'angoisse, de la surveillance incessante, des risques, des espoirs suivis de journées de travail parce qu'il faut y aller! .<br /> <br /> Merci de le faire pour nous, bien mieux que nous le ferions...<br /> <br /> Ici, ça commence...
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A
Très beaux veaux mais que d'heures de sommeil perdues ..... Il faut vraiment être courageux ET passionné
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