Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
paysanheureux
paysanheureux
Publicité
paysanheureux
  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 434 948
29 août 2019

La boite de Pandore

Élections municipales obligent, les arrêtés de maire interdisant l'épandage de pesticides à moins de 150 m des maisons d'autruis fleurissent...

A titre personnel, je suis pas fan de pesticides. Cette année, je suis très fier d'avoir réduit leur utilisation à seulement un désherbage de deux parcelles de triticale ! Les deux autres , suivant le suivi de mon technicien coop, n'en ayant pas besoin... Fier, mais pas naïf, j'ai profité d'un peu d'expérience et des conditions météo sèches. De ce fait, contrairement à une année humide, peu d'adventis et pas de pression maladie. De plus, le triticale est une plante étouffante, peu sensible. Malheureusement, on ne peut le cultiver plus de deux ans d'affilé sur une même parcelle...

Donc pour résumer, sachant qu'on ne fait aucun traitement sur les surfaces en herbe, l'emploi de pesticides a été très réduit. Pour autant, en l'état actuel des techniques, la suppression de tout emploi serait remettre en cause la sécurité alimentaire de mon troupeau. Dans une région où l'herbe pousse facilement, sauf en cas de sécheresse, ne plus pouvoir désherber est un handicap majeur. J'ai essayé, j'ai abandonné, passant de 50 qx à 20 !!! Même si je n'ai appliqué du glyphosate qu'une fois sur 20 ha en 20 ans, perdre la seule possibilité de se débarrasser du chien-dent sans perdre une ou deux récoltes ne m'enchante pas. En fait, j'envisage la gestion des pesticides de la même façon que l'usage des antibiotiques dans mon élevage. Comme dit la pub ; "C'est  pas systématique..."Il faut dire qu'à la maison, je suis à bonne école pour connaître les problèmes d'antibio-résistance et autres soucis suite à l'usage déraisonnable de ces derniers, à une époque.

J'espère être quelqu'un de responsable, mais est ce reconnu dans le contexte d'agribashing actuel ?

Les clichés ont la vie dure. Nous avons réellement fait des efforts énormes, nous n'utilisons pas d'antibiotiques de dernière génération pour ne pas hypothéquer leur efficacité future sur les humains, mais nous continuons d'être critiqué, voir accusé, quelques soient nos pratiques. Il en va de même pour les pesticides. Que l'on ait un niveau d'étude supérieur ou pas, des formations spéciales ont été mises en place. Il faut un avis tiers pour pouvoir justifier achat et emploi, mais... Je suis resté pantois quand un collègue, perdu au fin fond des campagnes, se fait traiter d'empoisonneur de jardin par son unique voisin alors qu'il n'a que des prés autour de ce dernier !!! "C'est dit à la télé, les agriculteurs empoisonnent la campagne... "

Pour les non-initiés, un pulvérisateur, quand il est identifié, a plusieurs fonctions; Épandage de pesticides, d'engrais liquide, voir de sulfate de cuivre en culture bio... Les mélanges de produits chimiques sont strictement contrôlés; voir interdits. En cas de contrôle, on doit prouver ce qu'il y a dans le pulvé... L'usage de cet appareil ne veut donc pas dire qu'il ne sert qu'à l'épandage de pesticides. Ce peut être de l'urée, un engrais liquide, tout simplement ! Je dis cela car dorénavant, il va être compliqué de simplement sortir l'engin... Et comment va t'on faire si on l'utilise dans la bande des 150 m pour de l'azote liquide par exemple ? Les voisins vont ils faire confiance ou appeler systématiquement la gendarmerie ? Comme source de conflits à venir, on ne fera pas mieux. De plus, pour certains, la confusion des engins est totale. N'a t'on pas déjà eu des agressions d'agriculteurs en train de semer ? J'ai peur qu'avec des voisins irascibles, la bande des 150 m devienne une zone d'exclusion de toute intervention ou de conflit permanent !

Nous avons déjà une expérience en la matière. La précédente lubie concernait les nitrates et le fumier. On nous a imposé des distances minimales d'épandage, soit des maisons, soit des cours d'eau ou étang. Nous avons du faire des plans d'épandage, payants bien sûr, pour définir les périmètres. Depuis, avec en plus sur ma ferme, un périmètre de protection d'une zone de captage des eaux du village, c'est environ 10 % de mes surfaces qui sont exclues d'épandage de fumier. Paradoxe, si le fumier, engrais naturel est interdit; les engrais chimiques sont autorisés !!! Donc les nouveaux 150 m vont augmenter les zones d'exclusion autour des maisons. Par contre, ce ne sera pas le cas le long des cours d'eau où nous appliquons déjà, selon les directives de la PAC, des bordures de protection, c'est à dire une zone de protection excluant fumier, engrais et pesticides...

Je ne suis pas à plaindre car j'ai peu de voisins ayant construit récemment. Seul problème, ils ont construit près de mes trois meilleures parcelles cultivables. Je n'ai pas été consulté au moment de leur construction puisque c'est un voisin qui a vendu les parcelles et ma ferme n'a aucune parcelle en zone à bâtir! Je subie donc totalement les soucis. Idem avec les anciennes habitations des corps de ferme et ma maison ! Nous avons, au niveau de la famille, tout remis en état et entretenu. Cela procure donc des subsides à la commune sous forme d'impôts locaux. Etait ce le bon choix ? Cela va maintenant créer des problèmes. Par chance, j'ai peu de parcelles labourables proches de ces maisons mais il y en a tout de même...Je n'ose pas imaginer les conséquences pour toutes les zones rurales à fort habitat dispersé. Je prends le cas des vignobles comme exemple, où construire au milieu des vignes était à la mode il y a encore peu et faisait "nature". Pour exploiter une ferme en France, petite ou grande, il faudra bientôt être dans un désert rural !

Autre paradoxe, il est intéressant de constater que nombre d'habitants ruraux utilisent des désherbants dans leurs jardins ou cours. Quand on pose la question de l'origine de l'approvisionnement, on entends parler de stocks constitués avant les interdictions de vente. Et je me suis plusieurs fois entendu dire avec un sourire "On compte bien sur les paysans pour nous approvisionner ensuite"! Il n'est pas à exclure que les mêmes n'hésitent pas à demander des dommages et intérêts si le paysan voisin ne respecte pas la zone d'interdiction...

Je ne nie pas que quelques agriculteurs aient pu déraper avec des épandages... L'utilisaton d'aenomètre se généralise. Personne n'a intérêt à mépriser ses voisins. Mais de là à en faire une généralité, il y a un pas que je refuse de franchir. Cette histoire de zone protection est le résultat d'une surenchère permanente, d'un discours ambiant contre l'agriculture et les agriculteurs. Certains en ont fait un fond de commerce électoral. Au lieu d'être responsable et de calmer le jeu, c'est à celui qui paraîtra plus restrictif que restrictif ! Nous sommes devenus des punching-ball qui prennent des coups de toute part. On pourrait avoir la dignité de respecter nos compétences, reconnues ailleurs dans le monde ! Mais au lieu de cela, on va rajouter une contrainte aux nombreuses autres et accentuer une nouvelle fois les différences de compétitivité d'avec les autres pays. Tout en laissant entrer des produits n'ayant pas les mêmes exigences.

Bizarrement, on n'interdit pas les pesticides dans les maisons (colllier chien ou chat par exemple...). on n'est pas à un paradoxe près. Dernier paradoxe abordé dans ce billet, il serait intéressant de savoir si les maires qui ont pris des arrêtés ont eu le courage de renoncer aux impôts fonciers des surfaces qu'ils veulent exclure. Je suis presque prêt à parier que non. En période électorale, certains sont prêts à beaucoup d'incohérences. Quand une ferme passe en bio, elle touche des aides le temps de la transition puiqu'elle ne peut pas vendre les produits sous signe bio, donc plus cher... Dans le cas des zones d'exclusion pressenties, il sera impossible de faire une reconversion bio partielle. Ce sera donc une impasse agricole, sans contreparties. Les conséquences économiques seront d'autant plus lourdes qu'on aura la chance, ou pas, de ne pas avoir de voisins. Les plus reclus d'entre nous seront les moins pénalisés !

A terme, on ne peut exclure qu'aux endroits de déprise agricole, ces terrains ne soient plus exploités. Ce sera une spoliation des propriétaires et une source de problèmes nouveaux puisqu'il n'y aurait plus d'entretien. Car la constitution de périmètre ne s'arrêtera pas aux pesticides. Il y aura des revendications futures contre les animaux domestiques à cause du bruit ou de l'odeur. Une autre fois, ce sera la poussière des machines ou je ne sais quoi... Une vraie boite de Pandore !

En milieu citadin, on ne peut interdire d'un coup la voiture, donc la pollution qu'elle génère. Pour le moment, j'ai cru comprendre que les restrictions de circulation ont déplacé les problèmes. A terme, il y aura des solutions ! Il en sera de même en agriculture. Simplement, on ne peut tout changer d'un coup. Il est légitime de savoir ce que fait son voisin paysan si on craint une pollution. Je crois plus à un dialogue qu'à la phobie entretenue. Lorsque les conditions météo sont, même légèrement, défavorables, on reporte ou renonce à un passage. Encore faut il que le voisin le sache et mesure l'importance de l'effort consentit pour ne pas lui nuire ! Comme il faudra qu'il accepte que le paysan puisse travailler au mieux de la situation. C'est cela qu'il faut instaurer et non pas la guerre médiatique permanente !

Tant pis si cela ne permet pas d'être le héros d'un jour à la télé, comme le maire de Langouët !!!!

 

Publicité
Publicité
Commentaires
A
Ce long billet ainsi que les commentaires sont très explicite de l'ambiance du moment mais cela ne présage rien de bon pour l'avenir de l'agriculture.Pour la première fois je commence a être inquiet pour l'avenir de nos fermes en général, moi qui espérait arriver "tranquillement"a la retraite avec une ferme transmissible en entier...Des parcelles acquises péniblement en"se serrant la ceinture"seront délaissées et les autres partiront a l'agrandissement des voisins qui commencent a venir de plus en plus loin.Adieu le complément de retraite évoqué par mon comptable quand je m'inquiétais de devoir acheter toutes les parcelles des"anciens"a leurs héritiers qui sont déconnectés du monde rural.Comment faire dans l'immédiat,sachant que ce sont généralement les meilleurs parcelles cultivable qui sont près des habitats.Pour le travail ,un voisin maraîcher bio m'a dit un jour qu'il ne trouvait pas de jeunes pour le travail physique mais que au départ ils étaient tous motivés "intellectuellement"en disant que le bio c'était "super".Il n'e restaient au travail qu'un jour ou deux puis abandonnaient.Vu sous cet angle l'avenir du bio a aussi du souci a se faire,alors on fait comment?Je pense qu'on va avoir du reboisement naturel bien plus vite qu'on ne le pense et que les importations alimentaires vont augmenter.J'espere me tromper mais je suis vraiment inquiet pour l'avenir et finalement soulagé qu'aucun de mes enfants ne s'intéresse plus a la ferme car ils ont compris la tournure que cela prend.
Répondre
P
Je me souviens du désherbage de la cour à la main chez mon grand père ! On devait participer pour le bien commun. Ils n'abusaient pas en terme de temps mais l'opération rognait notre temps de jeux. Aujourd'hui, les loisirs sont sacrés, plus que le travail même ! Beaucoup veulent un jardin mais à contraintes très limitées. Et surtout veulent que les autres appliquent ce à quoi ils ont renoncé par confort et flemmardise...
Répondre
M
Lorsque j'étais petite, mes grands-parents avaient des jardins superbes sans utiliser de désherbant. Evidemment, il y avait quelques pommes ou carrottes verreuses et n'était pas calibré. On a inventé toutes sortes de produits chimiques, qui comme pour les antibiotiques ont rendu les insectes bactéries et champignons résistants. Le consommateur est en grande partie responsable, voulant toujours plus, plus beau, moins cher (mais aussi moins bon). On ne peut plus revenir en arrière. Il faut produire plus mais aussi moins cher à cause de la concurrence étrangère.<br /> <br /> J'essaye de ne pas utiliser de produits chimiques. Je traite tout de même mes rosiers et je détruis les souches de ronces en les badigeonnant. Mon voisin par contre ne se gêne pas. Sous prétexte de ne pas avoir d'herbe sous son grillage il désherbe 50cm chez moi...et une fois même 1m. J'ai dû mettre des panneaux à mes frais, sur 150m de long pour me protéger.<br /> <br /> Il va finir par y avoir la guerre entre les citadins et les campagnards. Mais que viennent donc faire les citadins à la campagne s'ils ne veulent pas s'intégrer? D'autant plus qu'en plus ils ont des gares, des bureaux de poste, des écoles, des hôpitaux, des spécialistes, des transports en commun...et j'en passe.<br /> <br /> Et si c'étaient tous les éleveurs et agriculteurs qui s'établissent en ville.....
Répondre
O
Ah, c'est très compliqué, et il y a une vraie crise de confiance. Il y a des médecins (j'en connais un) qui pensent que les pesticides sont réellement dangereux pour la santé aux conditions habituelles d'exposition, et donc encore plus en bordure d'un champ, quand on sent à plein nez cette odeur de chimie qui persiste jusqu'au lendemain du traitement. Et je ne parle pas d'engrais ni de fumier ou lisier, qui sentent mauvais mais sans inspirer de peur. Je parle de ces produits pulvérisés en mars sur les cultures et qui ont une odeur vraiment particulière, qui m'inquiète toujours lorsque, sur mon vélo, je parcoure les routes de campagne.<br /> <br /> Le minimum, ce serait d'être informé de la composition chimique exacte de ces produits qui passent par notre nez en quantité suffisante pour qu'on soit incommodé par leurs odeurs, et qui terminent dans nos poumons. Si on avait le nom de la molécule qu'on respire, ou pourrait au moins en discuter avec le médecin de famille. Mais sans information, on a peur, et je connais des gens qui se calfeutrent chez eux les jours de traitement.<br /> <br /> Et quand on lit les notices des produits (par exemple : https://www.agro.basf.fr/Documents/documents_fr/fiches_produits/mageos_md/mageos-md-2018-06-06.pdf) on est pas spécialement rassuré. "Ne pas respirer le brouillard de pulvérisation", délai de rentrée de 24h ou 48h...<br /> <br /> Un jeune enfant qui joue dans le jardin à moins d'un mètre des pulvérisateurs, c'est une situation parfaitement possible lorsque le champ traité est au raz des propriétés, ce que je vois très souvent à la campagne. Et je suis pas sûr que ce soit bien.<br /> <br /> En même temps je comprend la détresse de certains exploitants qui sont dans une situation intenable, avec de plus en plus de contraintes. Mais je connais aussi des exploitant heureux qui font du bio, sans traitement, et qui ont des voisins rassurés.
Répondre
Publicité