Organiser une "transhumance sécheresse" ?
Même en 1976, la goulliarde n'avait pas arrêté de couler... Chaque jour, la situation devient plus critique, l'eau se perd dans le terrain. C'est plus de la moitié de ma ferme qui se retrouverait sans eau pour abreuver les animaux si le petit étang créé en 1977 capitule et si la dernière partie de la goulliarde cesse de couler. Chez moi, ce sont déjà les deux tiers inférieurs du ruisseau qui sont à sec..
C'est l'endroit où elles boivent d'habitude. Heureusement, nous avons grâce à des clôtures électriques ouvert un accès sur la partie du ruisseau qui coule encore. Plus bas, j'ai mis un baquet de 350 l pour les animaux que je remplie tous les deux jours car il n'y a que 4 animaux... Le gros troupeau vit sur l'étang de 1977 ! L'autre moitié de la ferme tient sur un autre petit étang et un filet d'eau. Mon angoisse maintenant tient donc à la capacité de ces deux étangs... Car je ne suis pas raccordé au réseau public !
Et même si je l'étais... Le réseau public; il est vraiment fragile. Nombre de mes collègues ont été obligés de se rabattre sur lui. Mais avant-hier, un premier article du JSL alertait sur la situation en amont de mon village. La rivière ne coule plus. Hier, Gueugnon, en aval, lance un appel à la raison. La situation est inédite. Lundi soir, en bureau municipal, j'ai parlé du problème mais comment avertir, sensibiliser la population et que faire ? Tant de gens ne se posent pas de question tant que l'eau coule au robinet... Beaucoup font très attention et ne peuvent rien faire de plus. En clair, il n'y a pas de solutions si ce n'est d'éviter les gaspillages. Pour sourire et en blaguant, j'ai suggéré que les 50000 habitants (je ne connais pas le chiffre exact) de la vallée aillent faire la petite commission dans la nature. Ce serait 6 fois les 5 litres de la chasse d'eau qui seraient économisés chaque jour, soit environ 1 500 000 de litres ! Plus sérieusement, peut on faire comprendre qu'il y a un vrai risque que d'ici quelques semaines, il n'y ait plus d'eau ? Que se passera t'il alors ?
Ma boutade n'est pas anodine. Actuellement, le débit de l'Arroux est de O,3 m3 par seconde à Etang , c'est à dire 18 m3 par minute soit 1080 m3/ heure. Mon petit calcul précédent, si imprécis soit il, conduit à une consommation de 1500 m3 soit presque une heure et demie du débit de l'Arroux, juste pour un petit besoin.Ces 6% retarderaient d'autant la phase critique ! On peut me rétorquer, à juste titre, qu'en utilisant les WC, une bonne partie de cette eau est traitée en station puis rejetée dans la rivière. C'est vrai et enthousiasmant d'y penser... Mon calcul consiste juste à faire prendre conscience des enjeux actuels. Car d'habitude, à Etang, au coeur de l'été, la hauteur d'eau est plutôt supérieur à 50 cm, la normale à 1,50 m... Là, nous sommes à 0 ! Cela veut dire que nous, à Toulon, nous vivons sur l'eau qui circule en dessous du lit visible. Qu'est ce que cela représente vraiment ?
Et nous éleveurs, que pourrions nous faire ? En montagne, les troupeaux montent en alpage en été en suivant la pousse de l'herbe en altitude... A cette époque, les stabulations ne sont pas utilisées dans les zones d'élevage, y compris dans celles qui ont reçu de la pluie. Je vais faire une suggestion originale. Pourrait on envisager une "transhumance sécheresse" ? Serait il aberrant d'emmener une partie du troupeau dans les stabulations de zones qui ont de l'eau ? Je sais, cela soulève une tonne de problèmes, en particulier pour la nourriture, indemniser le travail journalier... Mais est ce qu'on pourrait jouer la solidarité autrement ? Car toute économie faite sur la consommation des réseaux de notre vallée ne profiterait pas qu'aux éleveurs mais à l'ensemble de la population ! Pourrait on être innovant et sortir du chacun pour soi ? Je sais une seule chose, nous ne pouvons compter que sur nous même car les pouvoirs publics et nos techniciens sont dépassés et n'ont aucune solution mis à part interdire !!! Quand à notre ministre, à part nous dire d'attendre octobre...
Les bulletins n'annoncent rien de bon. Je n'ose imaginer le pire. Pourtant, si d'ici un mois, la rivière est à sec, comme les sources le sont dans les campagnes, allons nous être les premiers migrants climatiques, même pour quelques semaines ?
Dire qu'une bonne pluie réglerait les problèmes.