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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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28 novembre 2019

Les chinois et notre viande…

Je sors un peu du contexte actuel en me demandant si notre salut d'éleveur, ne pourrait pas venir de...

Je suis admiratif du travail accompli par un de nos représentants professionnel pour ouvrir le marché chinois à notre viande. Je me demande comment il s’en sort avec un des paradoxes de notre filière, qui bannit violement les accords internationaux quand ils nous menacent d’importations mais les encensent quand ils nous permettent d’exporter…

J’ai reçu trois fois des délégations chinoises à Charolles à l’initiative d’un chercheur de L’INRA que j’apprécie beaucoup. Son discours dérange car il propose des solutions que d’autres pays ont expérimentés. Or, on se croit toujours les meilleurs ce que nous ne sommes plus, mais n’aurions aucun mal à le redevenir…

Les délégations chinoises ont, les trois fois, fonctionnées de la même façon. Sur 40 à 50 personnes, il y a tout au plus, une dizaine de professionnels et le reste doit être là pour faire soit de la surveillance des premiers, soit de l’espionnage industriel ! Quand ils entrent, les « photographes » s’en donnent à cœur joie pendant les palabres avec les responsables. N’allez pas croire qu’ils fassent des portraits et des photos souvenir des poignées de main. Ils prennent tout en photo. Je me suis à chaque fois fait la même réflexion, ce qui doit être le cas pour tous les magasins qu’ils visitent ; « Voilà une façon originale de savoir le devenir des objets qu’ils fabriquent et sans doute, un bon moyen de connaître les prix de revente, donc les marges commerciales…?» Peut-être en profitent-ils pour repérer les objets locaux à copier à l’avenir ? Pour le reste, on repère vite les pros de l’élevage…

Pour en revenir au travail de notre représentant, lors d’une de ses présentations, je me suis demandé pourquoi nous n’étions pas capables d’imposer notre standard? En effet, les chinois imposent un agrément individuel de nos abattoirs. Imagine t’on Mr Bernard Arnaud laisser ses clients mondiaux décider de la qualification ou non des ateliers LVMH ou des parfumeries DIOR ? Je vois dans cette décision une subordination à l’empire du milieu proche du référencement en grande surface. Or, on connait ensuite les conséquences sur le prix des produits et les chantages commerciaux. On peut même imaginer que cela influe à l’avenir sur les qualifications des viandes…

Lors de la dernière visite chinoise à Charolles, j’ai été très surpris du temps que j’ai dû passer à expliquer deux points particuliers sur lesquels mes interlocuteurs ont cherché un approfondissement certain. Dans le désordre, le premier concerne nos pratiques d’élevage à l’herbe. J’avais l’impression qu’ils voulaient vérifier que la base de la nourriture de nos animaux reste bien l’herbe. Les quelques photos qu’ils nous ont présenté des élevages chinois concernaient des ateliers d’élevage en bâtiment. Quand je leur ai demandé s’il y avait d’autres pratiques, ils ont évoqué les animaux de trait dans les campagnes profondes… Je me suis donc dit que notre système, faute de surfaces disponibles chez eux, d’animaux paissant dans des prairies 8 ou 9 mois par an, n’était pas transposable ! Ils voulaient savoir s’il y avait une réelle différence entre la viande issue de cette pratique et celle produite en atelier avec des animaux plus jeunes…

Le deuxième point, qui a suscité le plus de questions, concernait la traçabilité ! J’ai vanté les mérites des DAUB, de la banque de données nationale avec la capacité de retirer un animal ou un lot de viande de la vente dès qu’une analyse était suspecte. J’avoue qu’ils étaient plus qu’intéressés, il faut dire que cela venait quelques années après les scandales de lait infantile frelaté en Chine. La question de la sécurité alimentaire est majeure chez eux. Les choses se sont compliquées en évoquant la traçabilité dans l’assiette. Visiblement, ils connaissaient très bien nos pratiques et ne semblaient pas comprendre qu’on n’utilise pas l’identification des animaux pour identifier les viandes jusqu’à la consommation.

C’est à ce moment-là que j’ai été conforté une nouvelle fois par l’enjeu de l’étiquetage ! En écoutant la présentation du responsable, puis en croisant avec l’étiquette proposée dont j’ai mis la photo sur un billet précédent, j’ai repensé à tout cela. Et si les chinois connaissaient mieux que nous nos atouts et nos faiblesses ? Nos atouts, c’est de savoir produire une viande à base d’herbe, sans doute une des meilleures du monde quand on respecte l’âge des animaux, la maturation…  Notre faiblesse est, mise à part pour quelques signes de qualité restant marginaux malheureusement à ce jour, de la confondre à la vente, en dehors des bouchers sérieux, avec le tout-venant. L’exigence chinoise d’agrément prend alors une toute autre dimension, puisqu’elle pourrait être une garantie exigée de leur part, pour se protéger de nos propres défauts… Certaines réticences dans la filière française s’expliqueraient alors !!! Car je vois mal à terme comment on pourrait avoir un système à deux vitesses, un pour les consommateurs français et un pour les chinois…

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Reste que c’est bien notre retard d’étiquetage et d’informations au consommateur qui nous pénalise et nous rendra tributaire du bon vouloir chinois comme il nous fragilise vis-à-vis du consommateur français. Il nous rend extrêmement vulnérable aux importations puisque seul le prix compte. Je repense à ce que m’avait longuement expliqué un fabricant de pâtisseries françaises haut de gamme qui exportait en Chine avec succès. Pour lui, la seule façon de le faire de façon durable, sans être copié, était de rester sur des produits de qualité supérieure garantie, authentiques…

étiquette viande en France

Au hasard, une étiquette GMS ; Deux abattoirs, deux points de découpe d'un lot dont on ne connait aucune origine des animaux, ni type, âge, mode d'élevage.. Quand au Mr sur la photo, j'ai un doute...

Pourquoi n’est-on pas capable d’imposer notre standard et continue-t-on de pousser la production vers la quantité en corrélant le prix du meilleur sur le moins bon sous prétexte d’un changement d’habitudes de consommation provoquées justement par la défiance des consommateurs sur l’origine des viandes ? N’est-ce pas là la conséquence de la prédominance de la viande hachée à la consommation pour lesquelles les exigences sont très faibles, on parle de "minerai" ? N’est-ce pas alors la crainte qu’en valorisant la meilleure, le « minerai » cesse d’être l’indicateur de prix ? Comment sortir autrement de cette spirale à la baisse ?

En attendant, si le marché chinois s'ouvre à nos produits avec une exigence la qualité, le fonctionnement de notre filière pourrait être bouleversé !

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Commentaires
P
Merci de ce témoignage pour deux raisons;<br /> <br /> La première est l'échange avec votre ami. On pourrait penser que, certain de son choix, il n'échangerait pas de données en affirmant que tout va bien. Ici, c'est souvent la posture et on n'a pas d'éléments de comparaison. Or, c'est fondamental pour avancer. Le rôle des techniciens et conseillers de gestion est de faire circuler chiffres et remarques. Mais se pose pour eux deux soucis, le temps et l'accès. Le temps, car ils sont affectés à des tâches de suivis de certaines fermes, installations et en difficulté, et ont peu ou pas de temps pour aller dans des fermes qui marchent bien... Et se pose ensuite le problème de l'accès aux chiffres et surtout aux techniques de la ferme de ces dernières... Je regrette le temps des CETA et autres GVA, des temps d'échanges et non de copier/coller systématiques !<br /> <br /> La seconde, concerne la notion de coût de revient. J'ai eu la chance de participer à un groupe expérimental dans mon département, il y a quelques années. Cela rejoint la première raison au sens où si mon voisin arrive à produire à un coût inférieur, j'ai plutôt intérêt à comprendre pourquoi pour m'ajuster pour ce qui est possible de transposer. Le problème est que cela remet en cause beaucoup de choix et va parfois à l'encontre de l'idée reçue que le nombre est la solution à tout et qu'il faut globalement garder un nombre de vaches par exemple, pour garder un potentiel. Ce sont les restes de l'époque de la révolution verte où on confonds maximum et optimum. En céréales, c'est encore la règle générale. A la surprise de nous tous, dans mon groupe, en élevage allaitant, les meilleurs chiffres ont été produits par des exploitations aux charges très maîtrisées, même si les résultats techniques habituels étaient moins bons. <br /> <br /> L'exemple des effets sécheresse est intéressant, quid du coût d'un animal s'il faut racheter aliment très cher et de la paille à 1 € le kilo ? Pour illustrer le propos, l'année dernière, le coût sécheresse d'une exploitation de 70 vaches, sans tout engraissement, a été de 20000 € environ. Si on admet environ 30000 kilos vifs produits, le coût au kilo vif est de 66 cts d'euros. Si on retire les aides sécheresse, environ 5000 €, on garde 50 cts de coût en plus. A comparer à des ventes de broutards à 2,60 €. Si on rapporte au kg viande, c'est un coût de 75 cts à comparer à des kilos vendus de 3,60 € ! Les chiffres parlent d'eux-même et changent la perception des problèmes. Sans calcul, on emprunte pour financer les 15000 € manquants, en espérant des jours meilleurs. Avec calcul et du temps, on va jouer sur deux tableaux : Ajuster le troupeau quitte à décapitaliser un peu les années difficiles et on va stocker de la nourriture pour ne pas devoir dépenser en année de sécheresse ! Le contraire de ce à quoi on a été encouragé ces dernières décennies... <br /> <br /> Cela explique le problème actuel et le comportement irresponsable de la filière qui elle, profite de la sécheresse comme d'une opportunité pour s'approvisionner à vil prix. Simplement, elle tue l'élevage , puisque cette année, une nouvelle sécheresse va contraindre à générer des dettes nouvelles, des surcoûts et achève de démotiver les éleveurs. l'aval espère jouer sur l'absence de sérieux dans l'étiquetage pour s'approvisionner à l'étranger si d'ici peu , le marché se retourne... Bref, le schéma global de la filière est une hérésie économique à terme car elle détruit la production et les outils d'abattage et de découpe à terme souffriront.Tout le monde aurait intérêt à sortir d'une approche court terme et de réfléchir long terme. L'exemple des hypermarchés devrait faire réfléchir certains...
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A
Il y a quelques années(15 ans approximativement),un très bon copains de la bonne époque du lycée agricole éleveur allaitant dans le bocage vendéen m'avait tenu ces propos:<br /> <br /> Je change la race de mon cheptel(sélectionné pourtant depuis son grand père et son père)charolais pour la race parthenayse car la charolaise va devenir en allaitant ce que la holstein est au niveau viande pour les laitières. Je vous laisse imaginer la réaction plutôt hostile de son père a l'époque mais depuis, il m'a dit que c'était finalement une bonne décision que son fils avait pris.<br /> <br /> N'ayant pas de secret professionnel entre nous ,je constate qu'en même que ses prix de vente sont supérieurs au miens mais avec un coût de production plus important a cause d'une ration plus concentrée a cause de la plus faible capacité d'ingestion des parthenayses. <br /> <br /> Je pense que chaque région a une ou deux races de prédilection. Mon négociant en bestiaux m'a bien proposé des conditions de vente plus intéressante pour certaines bêtes mais je n'arrive pas a "rentrer dans les clous"en élevant majoritairement a l'herbe car mes animaux sont trop léger pour l'age maximum admis car pour élever un bovin au pré il faut du temps surtout avec les sécheresses à répétition.<br /> <br /> Sur ma ferme, les bovins sont présent principalement pour valoriser les prairies naturelles humides et peu productives.Peut être que la blonde d'aquitaine se vendrait mieux mais je n'ai envie de changer de race maintenant car les charolaises sont quand même plus rustique pour ce genre de milieu difficile comme me le disait mon anciens(dans tout les sens du terme)vétérinaire.<br /> <br /> Comment faire pour vendre mieux ou rémunérer un peu mieux mon travail?Mon comptable a bien des solutions du genre"y a qu'a, faut qu'on"mais il n'est pas prêt a prendre ma place comme je lui ai proposé en plaisantant pour mettre en pratique ses idées...
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P
"façon formelle" ! Pardon
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P
Vous posez tout le problème de la "route de la soie" ! On assiste à une prise en main des transports dans un premier temps mais des standards de consommation à terme car, si j'ai compris certaines lectures, c'est l'ensemble de l'économie qui sera concernée à terme, y compris l'innovation ! Or, la Chine n'est pas une démocratie, ce qui pose une question existentielle pour nous...<br /> <br /> <br /> <br /> C'est peut être une chance pour nous si... J'ai employé le mot "authentique" car il est la clef ; Le champagne ne peut être produit qu'en Champagne" même si certains pétillants en Californie sont très bons. En industrie, cela pose la question de la sous traitance délocalisée, et du "made in France" intégral. Il y a une opportunité de relocaliser pour garantir l'authenticité" intégrale. Je crois que cela a une vraie valeur, y compris pour le consommateur chinois. Mais cela suppose une révolution chez nous. Ne pouvant augmenter les salaires, on a joué sur des baisses de prix pour redistribuer du pouvoir d'achat supplémentaire, en sacrifiant la qualité dans bien des cas. Il semble que les attentes sociétales changent et que le tout, tout de suite, à durée de vie limitée touche à ses limites... Anticiper le mouvement, en profitant du numérique pour informer le consommateur, serait mieux que d'hurler avec les loups. Acquérir des biens qui finissent en quelques années à la poubelle ou à la déchetterie est un gouffre de pouvoir d'achat et créé une insatisfaction permanente...<br /> <br /> <br /> <br /> La seule taille pour anticiper ces changements et contrer la puissance chinoise est l'Europe ! Mais, la seule politique partagée, la PAC, a été renationalisée ces dernières années. Quand j'appelle de mes voeux des règles d'étiquetage nouvelles, voir plus avec une redéfinition des critères de qualité des viandes, je ne peux l'envisager qu'au niveau européen. Cela dépasse le problème agricole. Perso, je serai pour une refonte totale des prélèvements sociaux à ce niveau, avec introduction d'une part de TVA sociale européenne pour limiter le dumping sociale, non seulement entre états européens mais surtout entre UE et reste du monde... <br /> <br /> <br /> <br /> Oui, il y a des conflits internes entre familles agricoles. Pire, il y aura des hiérarchies au sein d'une même exploitation. On aura bientôt la possibilité de savoir si nos animaux sont porteurs de génes "tendreté de la viande" ou non. Cela voudra dire, que tous nos animaux ne seront pas de qualité supérieure. C'est déjà la cas pour le moment! Age, conduite, nourriture créent de réelles différences. Pire, pour une même conduite, les animaux sont différents. C'est compliqué à admettre pour un éleveur quand tout est tiré vers le bas. Cela ne poserait pas de problèmes si des critères de qualité étaient redéfinis de façon formels, sans discussion ensuite, sans triche et s'il en découlait une rémunération honnête. Rien de tout cela pour le moment pour l'immense majorité des animaux, d'où la situation de rejet de hiérarchisation, pour tenter de survivre, il faut défendre le moins bon..
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Y
"Pour en revenir au travail de notre représentant, lors d’une de ses présentations, je me suis demandé pourquoi nous n’étions pas capables d’imposer notre standard? En effet, les chinois imposent un agrément individuel de nos abattoirs."<br /> <br /> Plusieurs hypothèses.<br /> <br /> La Chine est une dictature sans trop de scrupule, ce qui facilite la gestion des "divergences" de la population. Si le gouvernement décide que les agriculteurs feront du volume, les agriculteurs feront du volume et si le gouvernement veut de la qualité, ils feront de la qualité. Et ceux qui ne veulent pas finissent au laogai.<br /> <br /> La Chine dispose aussi d'une force économique phénoménale face auquel la France ne fait pas le poids. Quand à l'Europe, les pays européens sont en fait tous en concurrence et passe leur temps à se tirer la bourre. Marché commun mon luc!<br /> <br /> A propos de se tirer la bourre, je me demande si ce n'est pas le cas en France entre agriculteurs: entre ceux qui font du volume et ceux qui font de la qualité. Mais je ne connais pas assez le milieu pour émettre une opinion là dessus.<br /> <br /> Il est évident que face à la production agricole chinoise, la production en volume est fichue.<br /> <br /> A ce sujet, la Chine loue ou achète des terres à l'étranger (Afrique, Russie) pour assurer ses apports alimentaires. Donc sur le long terme ils risquent aussi de pouvoir faire de la qualité. Et la classe moyenne se développe et a faim de bonne bidoche.
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