Bureaucratie prise en flagrant délit d’incompétence !
« C’est la faute à Bruxelles ! » : Ça, c’était avant !
On a entendu cela pendant des décennies en France. Dès qu’il y avait un couac de notre haute administration, une mesure impopulaire actée pourtant par nos représentants, invariablement, la réponse était la même. J’ai entendu mille fois cette réponse en tant que responsable comme dans la vie privée. Une façon commode de ne pas assumer les choix politiques ou de se dédouaner de la perte de contrôle de notre bureaucratie ! Cela fait les choux gras des partis extrêmes, qui par réaction, entretiennent et surfent sur l’idée que tout irait mieux en dehors de l’Europe pour le RN. Ou comme pour Mr Mélenchon, pour lequel tout est de la faute des allemands, la rengaine de l’ennemi héréditaire qui a conduit à plusieurs guerres horriblement meurtrières…
Et puis, il y a eu ces derniers jours et ce n’est plus tout à fait comme avant…
Sous l’impulsion allemande et française, l’UE a décidé d’actions communes pour lutter contre la crise de la COVID ! Actions Financières avec une mutualisation de la dette, une première. Action budgétaire avec un plan de relance européen… Et une action sanitaire avec une commande de vaccins commune. Pour cette dernière, ils ont insisté sur une mise en œuvre symbolique avec une livraison le même jour dans tous les états.
Et là, catastrophe pour notre pouvoir et notre administration, on peut enfin mesurer l’inefficacité de notre bureaucratie, sans doute la plus complexe du monde.
Petit retour en arrière, il y a une vingtaine d’années. Je participe à une réunion agricole où interviennent des députés européens de différents pays. Les agriculteurs ne mâchent pas leurs mots et sont très critiques vis-à-vis de Bruxelles. Il faut se remettre dans le contexte. D’un côté, un monde professionnel qui bosse dur, pour lequel le travail c’est d’être dans les champs et les étables, pas de remplir des formulaires et des papiers. De l’autre, un océan de normes, de contrôles avec des pénalités remettant en cause les revenus des ménages vivant de la ferme, vécus comme une injustice absolue par rapport au travail fourni et une défiance des compétences. Le choc est brutal jusqu’à ce que les députés réagissent, surpris de découvrir les nouvelles contraintes imposées en France. « Mais nous ne comprenons pas pourquoi chez nous cela ne pose pas tant de problèmes. Surtout, à vous écouter, on a le sentiment que là où nous appliquons les règles demandées à minima et pas plus, en France, elles sont multipliées et compliquées… » Je venais de découvrir la surtransposition des règles européennes dans le droit ou les circulaires d’application française ! Une spécialité bien à nous, unique semble t’il en Europe… Et ces députés d’ajouter « Quand vous râlez, plutôt à juste titre d’après ce que vous nous expliquez, c’est trop facile de vous répondre que c’est de la faute de Bruxelles. Balayer d’abord devant votre porte ! »
Donc, cette première livraison symbolique de vaccins a engendré un effet boomerang que notre bureaucratie prend en pleine figure. Comme pour les respirateurs au printemps, les allemands ont anticipé sur le terrain tandis que les français grattaient du papier ! Il faut dire que la multitude de services, comités et autres structures pléthoriques ont besoin de justifier leur existence. Elles émettent des avis, corrigent ceux des autres, amendent les documents et au final pondent enfin des directives de plusieurs dizaines de pages… Qui ne sont devenues définitives qu’une heure avant le dernier jour avant la trêve des confiseurs. Et oui, on peut croire que c’est la date des vacances qui fixe le calendrier des travaux et non pas l’urgence sanitaire. J’ajoute à cela, qu’en lisant les 45 pages envoyées aux EHPAD le 24 décembre au soir, je me suis demandé si dans ces établissements on avait déjà pratiqué des piqûres ? Une page entière pour expliquer comment procéder. Une description qui prend médecins et infirmières pour des niais mais qui ferait hurler de rire vétérinaires ou éleveurs, bref tous ceux qui pratiquent régulièrement, tant le souci du détail... La peur d’être traduit en justice peut être ? D’ailleurs, à ce sujet, je suis partisan d’une loi, pour cette vaccination COVID non obligatoire, incluant la création d’un délit "d’entrave à la vaccination mettant en danger les vies d’autrui" pouvant aller jusqu’à condamner les avocats qui feraient du zèle pour gagner de l’argent ou se faire mousser. Si tu crains, tu ne te fais pas vacciner et tu respectes le choix des autres !
"Prendre la seringue pré remplie du vaccin" Je n'invente pas, c'est écrit !
Donc, l’esprit tranquille du devoir accompli, nos hauts fonctionnaires sont partis en vacances pour un repos qu’ils trouvaient bien mérité. Tout était en place pour un démarrage pépère à mi-janvier, le temps qu’ils reviennent, reprennent leurs activités et réfléchissent à la mise en œuvre puisqu’eux seuls comprennent tout. Mais, heureusement, dieu merci, l’Europe a une autre préoccupation : La santé des citoyens ! Devant la poussée du virus, pas un jour ne devait être perdu surtout avec les variants anglais et sud-africains… Résultat, l’agence du médicament européenne agrée à Noël le premier vaccin et non après ! Pris de vitesse, on imagine les réactions dans les ministères français. Le président se remet du COVID. Le premier ministre est au repos jusqu’au réveillon du jour de l’an. Le ministre de la santé, trop heureux d’être seul sur tous les médias, a sans doute monté l’opération com. en catastrophe ? On sort en vitesse 10 flacons des congélateurs, on vaccine quelques personnes dans deux EHPAD avec motards, caméras et journalistes : « On est prêt, on a commencé !!! »
"se déploie", le 28 décembre, le futur aurait été plus exact car il a fallu attendre le 4 janvier pour le commencement du début...
Mais pas de chance, les autres pays européens n’ont pas suivi la méthode française. Deux pays, Belgique et Pays-Bas ont l’honnêteté de reconnaître devant leurs citoyens qu’ils ne sont pas prêts. Les autres démarrent à fond. Et d’un coup, étant tous livrés le même jour, on a enfin un curseur de comparaison très simple : Le nombre de vaccinés, en temps réel. Et d’un coup, n’importe quel citoyen normal comprend que la stratégie de la France est complétement à côté de la plaque ! Non pas sur les priorités des personnes à vacciner mais sur la mise en œuvre !
La colère gronde sur les réseaux sociaux dès fin décembre. Elle n’est pas portée par les opposants politiques qui sont en mode « pause Noël » mais par des médecins, des scientifiques, des économistes et beaucoup de citoyens de bon sens. « On est 25 millions de volontaires pour être vacciner le plus vite possible et on en est à 500 au bout d’une semaine !? » Mr vaccin se prend les pieds dans le tapis en admettant qu’il est incompétent en logistique. On comprend qu’il y a erreur de casting, qu’il a été nommé pour tenter de convaincre les récalcitrants et non pour gérer la vaccination. Contre toute logique, le ministre de la santé couvre l’inaction en disant qu’il assume les choix de la stratégie de la prudence donc de l'extrême lenteur. Déconnectés, ils ne se rendent pas compte qu’ils donnent des arguments aux anti-vaccins que je rencontre au même moment « Ils ne sont pas sûrs des vaccins, donc ils retardent pour que nos anciens servent de cobayes ! A moins que ce soit pour attendre le vaccin de Sanofi…»(C’est vécu) La presse commence de relayer cette colère et fort heureusement le président comprend le problème et réagit ! Cela ne lui ôte aucun tort, on ne peut croire qu’il n’était pas au courant, mais au moins grâce aux réseaux sociaux qui ont dû lui être remonté sans les filtres habituels, il comprend l’exaspération des français normaux : « 300 morts par jour et on pinaille pour des virgules. Sans vaccination rapide, on restera à la merci du virus et on ne parle pas des conséquences économiques donc sociales… » Pendant ce temps-là, l’Allemagne fonce, même l’Italie qu’on prend de haut d’habitude est 170 fois plus efficace…
Barre à 180° depuis lundi. Il reste bien quelques soubresauts de l’appareil administratif. On prête aux détracteurs des propos inventés, que je n’ai pas lu, comme de vouloir abandonner les EHPAD à leur sort. On accuse l’Allemagne d’avoir accéléré la procédure d’accréditation du vaccin qui aurait dû attendre le 4 janvier (c’est incroyable mais c’est vrai). Le premier ministre parle de « polémique stérile », il faut dire que c’est une tâche majeure sur son CV. Mais le plan initial est bouleversé et va maintenant dans le bon sens. Les vaccins sont plus utiles injectés que dans les frigos, simple bon sens. Le ministre de la santé fait la énième pirouette médiatique pour tenter de garder son cap personnel au service de son ambition personnelle. Quant à l’opposition politique, comme les militants LREM, le mieux pour eux serait de se taire, tellement ils sont décalés en tentant de récupérer ou de défendre… Malheureusement la politique politicienne a repris ses droits depuis hier et n’arrange pas les choses !
Je retiens deux choses de ces derniers jours. On critique les réseaux sociaux parce qu’ils donnent la parole à des anonymes pour créer des « fakes ». Quand ce sont des gens connus et responsables qui l’utilisent c’est un super outil, bien plus efficace que les tirages au sort de citoyens. Mais moins malléables, ils supposent d’avoir une administration au service des citoyens et non au service de son propre pouvoir ! Le second point que je voudrais souligner, c’est que l’Europe peut être notre salut. Notre bureaucratie tente de trouver de fausses excuses mais on voit bien qu’on pourrait s’inspirer de la gestion des autres pays sur beaucoup de points, nous ne sommes pas les meilleurs. Elle nous a permis de nous en rendre compte, sachons en tirer parti. Simple petit exemple ; a-t-on besoin d’une agence nationale du médicament, qui met plusieurs jours pour donner son avis même en période de crise, quand on a une agence européenne efficace qui s’est déjà prononcée ? On la voit mal donner un avis contraire. L’occasion et l’urgence de réformer le mille-feuille administratif français sont devenues évidentes aux yeux de beaucoup de citoyens !
Non, tout n’est pas la faute de Bruxelles ! L’Europe est même une opportunité pour nous…
PS : Je parle ici des hauts fonctionnaires, énarques pour la plupart. Je connais une multitude de petits fonctionnaires très dévoués qui sont victimes de ce système. Je pense par exemple aux soignants de notre EHPAD. J’imagine leur réaction en découvrant le document de 45 pages le 25 décembre, quel cadeau!!!!