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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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1 mars 2022

La guerre concerne aussi les intrants !

Pour produire un bien agricole, il faut des intrants ! Si on se replace dans l’histoire récente, les progrès en rendement ou en productivité agricoles ont été marquants avec l’apparition des engrais azotés, de la mécanisation progressive puis la protection des plantes… Les prochains le seront avec les technologies « génomiques » (le terme n’est sans doute pasle plus approprié) !

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La mécanisaton nous rend dépendant des hydrocarbures étrangères, mais un autre secteur est tout aussi important. Avec l’inflation du prix du gaz, le prix des engrais azotés a triplé en 6 mois et pire la pénurie menace. Si l’approvisionnement est quasi assuré pour cette récolte 2022, c’est loin d’être acquis pour la récolte 2023. Je n’arrive pas à trouver de chiffres ni d’état des lieux de fabrication, ni des échanges mondiaux. J’ai juste en tête que l’Europe représenterait 8 % du marché mondial ? On parle de marché du blé et du maïs, pas du marché des engrais, fondamental pour produire les cultures ! On devine que, si un embargo sur le gaz russe arrive, la fabrication de ces engrais en France et en Europe devienne très onéreuse. Mais quelle est la part de dépendance à l’étranger de nos consommations ? Je crois savoir que les russes nous vendent des engrais mais sans notion de l’importance de ces échanges.

Lorsqu’on parle de « souveraineté », la notion de dépendance d’approvisionnement est fondamentale. Par manque de cartes électroniques, la production de voitures est freinée en Europe. D’autres biens sont concernés ! Pour nous, c’est pareil. Notre « puce » est la fumure, c’est-à-dire la nourriture apportée aux plantes pour pousser. Sans ces apports, notre production européenne régresserait au niveau de celle des années 1850 !!!

Pour compliquer le tout, certains évoquent l’abandon immédiat de l’élevage pour lutter contre le réchauffement climatique. J’ai longuement hésité à basculer en agriculture bio. La proximité de la retraite a été le premier critère d’abandon de ce choix, 3 ans de transition à l’époque, mais pas le seul. L’autre point majeur était l’obligation d’arrêter l’emploi annuel de 8 tonnes d’ammonitrate : 8 tonnes seulement (pour les pros, sur 125 ha, c'est 21,4 unités N/Ha, c'est à dire quasi rien)! En 10 ans, j’avais divisé par 3 l’emploi d’unités azote chimique en compensant la très faible diminution de production par l’économie sur les achats. Je l’ai fait par une optimisation des fumiers, le passage en compost, donc par un progrès technique sur la gestion des effluents d’élevage.  Mais le dernier tiers aurait trop déstabilisé ma production qui aurait baissé sans doute de plus de 50%. Il me fallait donc être assuré de vendre beaucoup plus cher mes produits.

Or, en ce moment, la consommation bio marque le pas. La hausse des dépenses d’énergie des ménages est compensée à nouveau par des économies sur le budget nourriture ! Le passage à une agriculture 100 % bio, « pour le bien des agriculteurs », prônée par certains, est une illusion politique, un miroir aux alouettes ! Pourquoi, parce que non seulement le pouvoir d’achat des ménages ne le permettrait pas sans renoncer à beaucoup de choses. Mais aussi parce que l’Europe redeviendrait déficitaire en produits alimentaires ! Ces 5 derniers jours, on mesure les conséquences d’une telle situation ! Combien d’entre-nous accepteraient de vivre comme les zadistes ? Combien sont prêts à retourner aux champs comme au XIXè siècle ? Pour en revenir à la fumure, j’ai questionné des proches qui sont en bio ! Même éleveurs, ils ont recours à des achats de fumiers ou déjections animales venant de l’agriculture conventionnelle ! Ou de quelques apports organiques issus d’algues par exemple mais qui ne permettraient pas de compenser une suppression des engrais chimiques. Donc pour résumer, se passer intégralement de chimie conduirait à une baisse considérable de la production. Ce serait catastrophique si en plus on supprime l’élevage donc les fumiers, puisqu’on perdrait le moyen de fumure ! La famine régulerait alors la population de façon bien pire que les épidémies de peste du moyen-âge sauf à tout acheter à l’étranger !

Donc pour en revenir au sujet de départ, la souveraineté alimentaire, au regard de notre population actuelle, on ne peut pas se passer des intrants. En contrôler leur approvisionnement est donc fondamental ! Après la catastrophe de Toulouse, il parait impossible de construire une nouvelle usine d’engrais en France. Alors, on exporte le risque chez les autres. On peut imaginer le choix d’un dirigeant de Total. Non seulement il choisira un pays où on ne le rendra pas responsable d’accident mais de plus, il cherchera à se rapprocher des sources d’énergie nécessaire à la fabrication, rationalité économique oblige. Suivez mon regard ! Ce faisant, il met aussi, notre approvisionnement sous le joug de pays dont les objectifs et les valeurs ne sont pas les nôtres ! Imaginez que Mr Poutine contrôle une partie de cette fabrication. En complément de ce que j’ai écrit hier, sa tentative de prise de pouvoir, même de façon indirecte en Europe, prend une autre dimension. Non seulement, il prendrait le contrôle de 40 % du commerce du blé et maïs mais il pourrait nous contraindre à réduire notre production végétale. Nous pourrions perdre non seulement notre capacité de vente export, mais même au niveau européen devenir totalement dépendant de son marché du blé et maïs ! On serait ainsi asservi politiquement comme les allemands le sont avec le gaz. On perdrait notre liberté parce que le même schéma s’appliquerait à d’autres secteurs dépendants de matières premières !!!

D’où l’importance de redéfinir rapidement une nouvelle politique agricole commune. La dernière est obsolète avant même sa mise en application. Est-ce le moment de geler des terres ? Est-ce le moment d’agrandir les ZNT ? Est-ce le moment de rajouter des contraintes dans tous les sens comme des référents élevage ? Est-ce le moment de changer la règlementation du stockage des engrais azotés ?...  N’est-on pas dans le gadget électoral avec des mesures ciblant uniquement des électeurs potentiels ? J’ai fait une vidéo pour des amis non agriculteurs afin de montrer les progrès en bien-être animal sur ma ferme en 40 ans de carrière ! Ils ont été stupéfaits !!! Nous ne sommes pas si mauvais que certains le prétendent.

Peut-on poser le débat de façon sereine et objective, sans à-priori et sans concessions ? Hier, en une journée, l’Europe a fait plus de progrès qu’en 15 ans. Sous la pression de Mr Poutine, l’Europe de la défense est devenue réalité ! Comment garder nos valeurs quand un dictateur veut imposer les siennes par la force, si ce n’est en se défendant, Nous devons le faire pour l’économie et en commençant par l’agriculture. Quand on voit l’évolution des marchés de produits agricoles depuis une semaine, c’est vraiment un secteur stratégique. Il faut sortir du dogme de la gestion en flux tendu. A l’exemple de ce qui s’est passé avec les masques au début de la crise covid, les stocks sont stratégiques ! L’école de Chicago qui considère qu’on doit confier tous les secteurs y compris l’éducation, à la finance internationale n’a aucun sens. Comme un stock protège un producteur des spéculations, je l’ai tellement vécu en cas de sécheresse, un stock au niveau d’un pays protège des coups de force. Quand on entend les spécialistes dire qu’on a, « heureusement », 3 mois de stock de gaz naturel, on a envie de sourire si ce n’était pas aussi grave. Que se passera t’il l’hiver prochain si la guerre s’installe pour plusieurs années ? Le pouvoir financier s’opposera aux stocks car c’est la ressource majeure des spéculateurs financiers. Pourtant, les salles de marché ne devraient pas avoir accès aux marchés de denrées stratégiques, réservés aux seuls acteurs physiques. Ce sera compliqué à obtenir car le système de retraite américain, en dépend par les fonds de pension et pas que…

Les marchés à terme ne présentent aucune garantie, encore plus en cas de blocus militaire ! Pour conforter mon propos, je voudrais relater un problème rencontré, il y a quelques années, avec un achat d’engrais par une structure où j’étais impliqué. On avait « pris une position définitive » sur cet achat 6 ou 8 mois avant la date de livraison prévue par le contrat. Il y a eu une très forte variation de prix jusqu’au moment du départ du bateau dont nous avons été avisés. Mais une fois en mer, le chantage a commencé. Il y avait d’autres propositions d’achat et on proposait soit d’actualiser le prix en acceptant la forte hausse, soit d’attendre plusieurs semaines ou mois que la production permette de nous fournir au motif de problèmes d’usine pour ne pas payer les pénalités. Pénalités qui de toute façon étaient bien inférieures aux gains permis par la hausse.  LSouvenez vous de la concurrence commerciale entre états qui a prévalu au début de la livraison des vaccins covid !!! Moralité et spéculation ne font pas bon ménage !

J’espère que tout le monde politique, hormis nos extrêmes politiques toujours prêts à se coucher devant un ennemi, en prend conscience. Pour cela il faut que le débat agricole soit posé avec tous les enjeux et les contraintes. Il faut laisser de côté les postures politiques de ces dernières semaines qui sont caduques en 5 jours. Par exemple, les verts peuvent camper sur leurs positions. Ils peuvent aussi entrer dans le débat de façon constructive en devenant des veilleurs responsables ! En sont-ils capables ? De même est on capable de limiter le discours de certaines ONG à la solde de lobbys et surtout d’arrêter les recours qui font blocage systématique sur tout projet ? Où s’arrête le droit des « lanceurs d’alerte » ?  Et où commence le droit au respect du travail et de la compétence de chacun ?

Au sein même de la profession agricole, le débat sera complexe. Les intérêts sont parfois divergents et la guerre céréaliers/éleveurs pointe à nouveau, les seconds étant clients des premiers. Il y a les opportunistes qui se réjouissent ouvertement des gains financiers immédiats de la guerre en Ukraine !

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Ceux qui se justifient avec un « mais » en guise d’excuses…

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Il y a ceux qui au contraire regrettent que cela se fasse sur le dos de morts …

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Mais je voudrais dépasser ces divergences et poser le débat dans son ensemble ! Entre-nous, il y a une partie relation client/fournisseur mais un intérêt commun : Nous avons très peu, voire pas, de prise sur le prix de nos produits ! Peut-on défendre un prix rémunérateur pour soi au détriment de celui de mon collègue, donc en se retrouvant systématiquement en concurrence entre nous ? Un client qui n’a pas les moyens de payer est un client à éviter ! Peut-on ne raisonner qu’à court terme quand on nourrit, les cycles de production étant très longs ? Que se passera t’il si on manque d’azote dans toutes nos productions ? N’a-t-on pas un intérêt commun à défendre un système qui rénumère tout le monde, surtout en cas de retournements de situation ? Qui peut prétendre dans un moment de guerre si proche qu’une situation de production, soit définitivement acquise ? Sincèrement, ce n’est pas le moment de nous diviser ! « Le malheur des uns fait le bonheur des autres ! » mais pour combien de temps si on perd ses débouchés. Si Mr Poutine nous fait une guerre économique avec les produits agricoles nous serons tous concernés et victimes. Les cours prohibitifs d’un marché en pénurie ne compenseraient en rien une impossibilité de produire due au même phénomène sur les intrants. Comme pour un accident climatique quand on est du mauvais côté. Je sais que les paysans vivent mieux en période de disette car les consommateurs ou le client acceptent alors un prix plus élevé ! C’est anormal et aberrant ! Mais n’est-ce pas aux politiques d’inverser cette règle et n’est-ce pas un objectif qui devrait nous unir pour l’obtenir ?

Enfin, pour revenir au point de départ, il faut relancer la recherche ! Pas au service d’une entité économique mais de l’état pour que tous en profitent, pour les secteurs stratégiques. Et ne rien s’interdire. Prenons un exemple. Il semble qu’il y ait déjà en labo, une nouvelle méthode de production d’ammonitrate très économe en énergie, doit-on s’en passer sur notre territoire ? A plus long terme, imaginez un instant les conséquences d’une possibilité de permettre aux racines du blé de fixer les nodosités des légumineuses ! Plus besoin d’utiliser les engrais azotés pour les cultures de céréales, elles couvriraient leurs besoins sans intervention humaine ! Que d’économies de gaz pour fabriquer les engrais, de carburant pour l’acheminer et l’épandre… Ce serait un progrès conséquent pour la lutte contre le réchauffement climatique et cela aurait un vrai impact sur notre souveraineté alimentaire ! Peut-on se priver d’un tel moyen même s’il faut passer par une utilisation d’OGM ou autres techniques nouvelles ? On peut élargir le débat à d’autres exemples… Le progrès technique peut être dirigé pour nous rendre plus indépendant, tout en luttant pour le climat !

Un peu de bon sens de gestion s’impose, cette guerre horrible nous met face à nos responsabilités !

PS : J'ai rédigé ce billet lundi, ce vendredi, voici ce que je trouve sur twetter :

Sans titre

Je ne sais pas si c'est une fake, mais cela confirmerait mes propos

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Commentaires
Y
"Peut-on se priver d’un tel moyen même s’il faut passer par une utilisation d’OGM ou autres techniques nouvelles ?"<br /> <br /> L'OGM de mon point de vue est une technique à la fois potentiellement dangereuse et intéressante. Un OGM permet de produire très rapidement un organisme nouveau, une nouvelle variété ou une nouvelle espèce. Mais évidemment, quand on introduit une nouvelle espèce il faut être très prudent pour éviter les catastrophes.<br /> <br /> Il faut donc que la création, la production, la vente et l'usage d'OGM soit très fortement encadrée par des organismes indépendants. Il ne faut pas que la création d'OGM soit le fait d'individus guidés par des intérêts financiers ou n'ayant pas évolués les problèmes à long terme. Et cela vaut aussi pour les variétés non-OGM créés par des moyens plus classiques. Cela aura un coût: il faut donc tenir compte de ce coût en amont et non en aval.<br /> <br /> <br /> <br /> Si cela évoque un autre problème, c'est voulu: je pensais à l'exemple de la production d'électricité. Certains moyens de production d'électricité (ex: nucléaire) ne tiennent pas compte dans le prix de l'électricité de tous les coûts (ex: recyclage des déchets, entretien des centrales). On oublie parfois ce coût lorsque la facture n'apparait qu'au bout d'une longue période (ex: 70ans... l’espérance de vie d'un français dans les années 50).<br /> <br /> Il faut aussi prévoir une provision (au sens économique) pour les problèmes que nos technologies actuelles ne permettent pas de détecter et qui apparaîtront plus tard (ex: dans les années 50, on imaginait pas que le plastique serait une cause de pollution catastrophique).<br /> <br /> <br /> <br /> Peut être le plus sage serait de commencer à prévoir de diminuer la consommation. Nous avons vécu à crédit sans nous en rendre compte, et la facture se présentera un jour ou un autre. Espérons qu'elle ne soit pas trop salée...
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C
chez moi aucun engrais chimique . il n'y a aucun intérêt contrairement à l'organique qui nourrit la terre et les microbes du sol
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Y
Merci beaucoup PH pour cette analyse multifactorielle.<br /> <br /> C'est toujours aussi riche et indispensable.
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Y
"Après la catastrophe de Toulouse, il parait impossible de construire une nouvelle usine d’engrais en France."<br /> <br /> Le problème de l'usine A...F (si c'est à cela que vous faites allusion), c'est qu'elle était en périurbain. Même si ce n'était pas sa faute: c'est la ville qui a grandi et s'est rapprochée de l'usine. Donc si elle explosait, elle faisait beaucoup de dégâts humains.<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne suis pas expert, mais je pense que comme pour toute activité dangereuse, il faut se dire que ça explosera un jour et pas que le risque d'explosion est nulle. Et donc prévoir ce qu'il faut faire pour que le jour où ça explose, il y ait le minimum de dégats.<br /> <br /> Là, par exemple, il aurait fallu interdire la construction de nouvelles habitations à proximité. Je sais que c'est tentant d'en construire, mais c'est comme de construire dans une zone inondable sous prétexte qu'il n'y a pas eu d'inondation depuis les 10, 20, 50 dernières années.<br /> <br /> Ca veut dire aussi que construire une nouvelle usine n'est pas impossible, mais il faut le faire en prenant les précautions qui s'imposent et si on découvre de nouveaux risques, il faut y faire face même si ça coûte cher et que ça n'a jamais explosé, car ça explosera un jour.
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