Le tacot en 71, un métro rural à la « belle époque » !
Donc ce week-end, nous avons axé les journées du patrimoine sur la période « tacot » de notre village ! Toulon sur Arroux était un carrefour de lignes à voies métriques. Toute la ligne entre Digoin et Etang, puis entre Toulon et Bourbon était gérée depuis notre village. Il y avait, en sus d’une gare, les garages à locomotives et l’entretien qui va avec. Le personnel, conducteurs compris, était également logé sur place.
Au cours du week-end, nous avons ressorti une exposition formidablement complète des « amis du Dardon » qui avait été présentée il y a une vingtaine d’années. Le chalenge pour nous a été de trouver d’autres documents, d’autres anecdotes… J’y reviendrai.
Thierry a eu l’idée géniale de faire un énorme travail pour présenter dans un montage les étapes de la construction de toutes les lignes qui ont irrigué notre territoire. Il a choisi de le faire sur le modèle des plans de métro. Quand il nous l’a présenté, le titre de l’expo est devenu évident : « un métro rural au XIX è siècle » !
L’apogée des lignes a été atteint en 1914, soit 50 ans après que l’état ait permis aux départements d’investir également, d’où cette diapo. Pour explication, la ligne en pointillé représente le projet entre Toulon et Montceau. Il est certain qu’elle aurait été déterminante, si elle avait été construite, lors des choix de démantèlement après la guerre de 39/40… Nous avons également appris de visiteurs de l’exposition qu’au moins deux lignes nous ont échappé. Cette image est donc incomplète ! Pourtant, la pastille de 10 kms permet de mesurer la densité incroyable du réseau à la belle époque ! L’enjeu était de taille puisqu’on passait des calèches et chars à la voie ferrée… Bien sûr, notre région était pourvue en canaux mais la déserte de la vallée de l’Arroux se cantonnait à la liaison Digoin-Gueugnon… Et les canaux pour les voyageurs, disons que !
A la suite de la grande guerre, le transport ferroviaire a décliné lentement mais sûrement ! L’épisode des taxis de la Marne n’y est peut-être pas étranger ? Il symbolise l’avènement de l’automobile puis des camions, plus souples d’emploi pour arriver au bon endroit près de la bataille. La même logique a gagné l’économie en général au cours des 50 années suivantes. La dernière ligne passant à Toulon a cessé de fonctionner en 1953, sous pression du secteur routier ! Ailleurs, le même processus, par la non-modernisation des infrastructures et surtout des fonctionnements, a conduit à la fermeture de lignes puis de gares sur les lignes restantes. On arrive donc à la situation actuelle sur cette nouvelle image. Qui déjà doit être amendée puisque je croise des cars entre Etang et Autun et que j’ai cru comprendre que les trains n’y circulent plus. Par contre, on a gagné deux gares sur la LGV Paris-Lyon, ce qui est très important pour notre région même si la SNCF ne met pas un grand cœur à maintenir des arrêts de TGV.
Ces deux diapos symbolisent l’abandon des territoires ruraux et la destruction d’un maillage remarquable. Les suisses ont conservé toutes leurs lignes, les espagnols certaines. Ils les ont améliorés, électrifiés et les trains circulent aujourd’hui au moins aussi vite que les limitations de vitesse le permettent sur nos routes. Avec la crise de l’énergie et la lutte contre le réchauffement climatique, on mesure les conséquences de ces choix politiques. On a beau jeu à Paris de dénoncer la consommation d’énergie fossile des ruraux avec leur voiture pour justifier d'une politique abérante de concentration urbaine !!!!
MAIS :
En redécouvrant ces réseaux du XIXè siècle, je me suis dit que le centralisme jacobin de notre pays a volontairement choisi de détruire le monde rural au prétexte de modernité et surtout pour qu’une élite puisse régner en maître sur le pays ! Vit on mieux en ville aujourd’hui ? Je crois que le COVID a brisé quelques certitudes... En 1914, on avait l’infrastructure, très moderne, pour des transports en commun qu’il était possible de faire évoluer et compléter avec le réseau routier ! Au lieu de jouer sur les complémentarités des moyens de transport, on les a opposé. On ne peut pas revenir en arrière, c’est trop tard ! Mais l’histoire s’est répétée à la fin des années 90, Paris a sabordé la canal Rhin-Rhône car il ne passait pas par la capitale et pour s’attacher les verts au gouvernement. Un autre choix qui a eu des conséquences pour le développement de notre région et engendrer toujours plus de camions sur nos autoroutes … Et pour couronner le tout, même le réseau routier a privilégié la capitale, laissant tomber notre région en ramenant dans un premier temps toutes les autoroutes vers Paris. Et abandonner la RCEA à son triste sort et sa réputation de route de la mort ! Les travaux ne se termineront pas avant 2025, et encore, il restera des points noirs, plus de 60 ans après les premiers coups de pioche…
Oui, pour moi, ces cartes démontrent que la « belle époque » était plus moderne que je ne l’avais imaginé avec une volonté de desservir tous les territoires. Mais la suite a été un incroyable gâchis et les choix politiques en matière de transports, hormis peut-être à l’époque des nationales, ont été désastreux pour le monde rural car au seul profit des grandes villes ! Sans que ce soit une réussite quand on voit les temps de trajet journaliers des habitants d’île de France ou de la région lyonnaise, comme pour les départs en vacances…