Peut-on de sauver les services publics en ruralité ? (3)
Elu local de ma commune pendant 12 ans, le bilan côté évolution des services publics n’est pas fameux. J’ai vécu une fermeture de classe, la fermeture de la gendarmerie, le transfert en « ville » des demandes de passeport et de carte d’identité, une seconde fermeture de classe, la fermeture de la cuisine du centre hospitalier (les repas arrivent froids d’une cuisine centrale à 40 kms), la suppression des perceptions rurales (la nôtre était dans une commune voisine mais cela nous concerne tout autant), la fermeture du SSR… Je n’oublie pas la réduction des heures d’ouverture de la poste, qui sont si hiératiques qu’on trouve souvent porte close… On sait que d’autres services sont en suspens, je les cite pas pour ne pas donner des idées ! Les deux seuls points positifs sont le maintien de la maison des services et surtout, la rénovation de l’EPAD, obtenu aux forceps...
Vous comprendrez mon amertume ! Dans le bilan négatif, je reviens sur l’intercommunalité qui a pris de l’essor pendant mes fonctions surtout avec la loi NOTRe évoquée dans le dernier billet. Dans les faits, les communes dominantes sont surreprésentées et les petites communes sont minorées, éternelle opposition entre nombre de citoyens et taille du territoire ! L’objectif avoué en haut lieu, est de faire fusionner les petites structures sur le seul critère du nombre d’habitants. On veut sanctuariser des territoires en « réserves » au profit des structures dominantes. Dans les faits, l’intercommunalité est un marché de dupes pour les petites communes. Lors des transferts de compétences, l’intercommunalité locale a pris les équipements sportifs. Cela a permis aux 2 communes dominantes de transférer, entre autres, les piscines qui sont des handicaps financiers ! Le motif est valable puisqu’elles profitent aux habitants d’un secteur géographique plus large que les seuls citoyens de la commune dominante. Mais, dans le même temps, on n’a pas transféré les chemins ruraux qui sont le problème numéro 1 des budgets des petites communes, trop coûteux !!!! Pourtant, les citadins des communes dominantes les empruntent pour leurs loisirs, tout autant que les ruraux vont à la piscine. Pour résumer, l’intercommunalité est avant tout une extension de la base fiscale des communes dominantes à tous les citoyens du territoire !
Lors de ma seconde mandature, j’ai été obligé de voter des investissements dont 90 % des montants se sont fait au profit des deux communes dominantes ! Zones artisanales et industrielles, aménagements hydrauliques pour limiter les inondations dans ces communes sous couvert de GENAPI, la priorité des investissements est restée concentrée… Pour être honnête, il a été question que nous financions la fibre mais le département a pris le relai… Enfin les recettes venant des entreprises ou des commerces retournent intégralement aux communes sur lesquelles elles sont situées. Résultat, l’appartenance à une intercommunalité ne profite pas aux communes rurales.
J’en profite pour tordre le cou à une idée reçue chez nos grands technocrates. Dans les petites communes, les élus se débrouillent, ils n’ont pas ou peu de staff technique. Ainsi, je me suis retrouvé à transporter des panneaux en voiture pour mettre en place des déviations pour des accidents ou des incendies… Ou de trouver comment remettre en route la barrière du camping, ou de réenclencher les cumulus de la salle communale, ou … C’est ainsi le week-end ou les nuits, il faut agir, y compris gérer un chien écrasé ou tout simplement perdu qu’il faut emmener à la SPA… Cela prend un temps fou pour une petite indemnité d’adjoint de 300 €. En clair, rien qu’avec les déplacements, dont des réunions à l’autre bout du département, il ne reste rien ! Or, dans les agglomérations, ce sont des employés qui remplissent ces fonctions. Entre heures supplémentaires, astreintes et autres avantages de compensation, les coûts explosent…
Mais le principal ou l’essentiel n’est pas là ! Les habitants connaissent les élus qui sont réellement de proximité dans les communes rurales. Ils savent où ils habitent et ils les sollicitent très facilement, ils ont les numéros de téléphone. C’est la plupart du temps en dehors des heures d’ouverture de la mairie. Avec parfois des problèmes insolubles comme la recherche d’une solution pour des soucis de voisinage… Le plus déroutant pour moi a été une fouine, (soi-disant apprivoisée ?) qui mangeait les câbles du faisceau de la voiture du voisin ! Mais surtout les élus portent une attention aux plus faibles ou en détresse… Ce sont eux qui avertissent des drames, eux qui préviennent les familles ! Eux qui cherchent des solutions en urgence de précarité. Dans tous les cas, les élus locaux prennent le temps d’écouter. Oui, un élu rural remplit un peu toutes les fonctions qui pour certaines ne sont pas remplaçables par une administration ! Mais en haut lieu, on déplore un nombre d’élus trop nombreux, on n’imagine pas les services rendus. Qu’importe la médiocrité de la disponibilité des services externalisés en ville, comme l’histoire des cartes d’identité ou des passeports… Et j’en passe, mais on continue de pousser pour soi-disant être dans l’air du temps, la modernité passerait par la taille !
A suivre…