fièvre catarrhale, qui pique ?
Aujourd'hui, le soleil a brillé en fin de matinée, après la dissipation de brouillards quasi givrants ce matin... Au lever du jour, il gelait à -3 environ. Malgré la pluie annoncée pour demain soir ( si je suis les prévisions, celles-ci devraient rester modérées ) j'ai décidé de lâcher quelques vaches et veaux.
Mais avant d'ouvrir les barrières pour libérer tout ce petit monde, j'ai profité de la contention des animaux pour procéder à la mise à niveau des traitements nécessaires. Il est difficile aujourd'hui de faire un pronostic sur l'évolution de la fièvre catarrhale. Chaque jour apporte son lot d'informations, démenties le lendemain... Nous en sortirons en cours d'année, du moins je l'espère, au moins sur le plan sanitaire avec l'arrivée des vaccins. Mais la mise au point est à peine terminée, reste ensuite à les produire... Il faut plusieurs dizaines de millions de doses rien que pour la France, impossible sans doute à produire en quelques jours. Je dois donc lâcher les animaux, avec la certitude de devoir les reprendre plusieurs fois au cours de l'année. Ceci est complètement inhabituel pour nous. En année normale, je ne reprends qu'une fois la totalité des animaux entre le lâcher et le sevrage, en été, pour la pesée. Autrement, il peut arriver de devoir intervenir dans un troupeau pour soigner un animal, mais en aucun cas, cela suppose de rentrer tous les animaux.
Cette situation inhabituelle est en train de créer une tension de plus en plus forte entre quelques vétérinaires et les éleveurs. Vous l'avez compris, rentrer tous les animaux pour les contenir afin de pratiquer une vaccination qui se fera par une piqûre sous-cutanée, est un travail de titan. Je l'estime pour ma part à 12 heures de travail. Le problème est relativement simple : si ce sont les vétérinaires qui pratiquent l'intervention, pour rationaliser leur travail, ils vont imposer un horaire de passage pour lequel tous les animaux devront être pris et disponibles. Il faudra alors tout rentrer ce jour-là, vous imaginez le travail... De plus, nous devrons payer bien évidemment la prestation. L'opération sera à renouveler un mois plus tard pour le rappel. Le comble, je vous en reparlerai dans un prochain post, est l'arrivée dans le sud-ouest de la France d'un autre variant de la fièvre catarrhale. Qui dit autre variant, dit autre vaccin ! Il n'est pas impossible, voire probable qu'il faille pratiquer deux vaccinations au cours de l'année 2008. Ceci équivaudra avec les rappels à prendre les animaux quatre fois au cours de l'été. Je ne vous cache pas que je m'interroge, de savoir si je les pratiquerai…
L'alternative de bon sens reste, comme on le pratique déjà pour beaucoup de vaccins, est de laisser les éleveurs faire eux-mêmes la piqûre pour tous les animaux qui ne nécessitent pas un certificat d'exportation. Dans ce cas, au moins pour la première vaccination, on peut rentrer les animaux un jour où il ne fait pas trop chaud pour ne pas les traumatiser et s'organiser sur plusieurs jours... Cela nécessite toujours beaucoup de travail mais reste plus réalisable. De plus, avec cette formule, la grande majorité des éleveurs vaccinera la quasi totalité des troupeaux en quelques jours ! Cela paraît le plus réaliste et le plus sage. Une grande majorité des vétérinaires qui travaillent quotidiennement avec nous sont pour cette formule.
J'espère que la raison et le bon sens l'emporteront, sinon je suis inquiet. J'entends déjà beaucoup d'éleveurs dire qu'ils ne pratiqueront pas de vaccination, ce qui sera pourtant la seule solution pour protéger nos troupeaux, si on leur impose trop de contraintes...
Mais en attendant, nous n'avons pas beaucoup de moyens. Il reste les insecticides pour essayer de limiter les piqûres des insectes vecteurs ! Le coût de tout cela devient exorbitant. J'ai commencé de poser des plaquettes qui protégeraient pendant quatre mois, mais elles coûtent 4,50 € pièce. Je mixe donc les solutions, les vaches les moins loin des stabulations auront un traitement classique moins cher qu'il faut renouveler toutes les cinq à six semaines... Les animaux les plus éloignés auront une plaquette. J'espère que le vaccin arrivera avant les quatre mois fatidiques !
Je suis sans doute un peu long, je parle souvent de cette maladie. Et croyez-moi, je l'ai mesuré encore ce matin au cours d'une réunion avec d'autres éleveurs, cette crise là va laisser des traces beaucoup plus importantes et beaucoup plus graves que les deux crises de l'ESB. Le pire est que tout cela se déroule dans l'indifférence générale.