Vendredi saint
Je n'arrive pas à retrouver un moral en béton en ce moment. Plusieurs raisons à cela.
D'abord, une vache réagit bizarrement à la prise de sang annuelle de recherche de maladies. Une des plus vieilles, n'ayant jamais bougé. J'en suis à la troisième prise de sang. Il faut dire que voulant trop bien faire, j'ai fait la seconde immédiatement après avoir reçu le résultat de la première ! J'attends les nouveaux résultats ! J'ai énuméré toutes les causes possibles qui auraient pu permettre une contamination : Rien ne justifie ou explique ce résultat sauf une réaction anormale constatée dans un certain nombre de cas cette année qui serait expliquée par la sensibilité du nouveau test à une maladie sans conséquences, proche de celle recherchée ! Aucun autre animal n'a réagi , y compris aux contrôles et comme c'est une maladie sans aspects cliniques, le problème est complexe et mystérieux. En attendant, cela m'empoisone la vie...
Pire, je me suis créé ma propre auto-flagellation en travaillant avec un groupe technique ! Je m'explique : Je pense qu'il nous faut trouver de nouveaux moyens de gestion de nos fermes et pour cela, il nous faut de nouvelles références. Or tous les outils actuels sont toujours basés sur une approche dite "productiviste". En gros plus tu récoltes, plus tu gagnes. Je m'explique : Il nous manque un moyen simple d' analyser les bases réelles qui constituent la marge sur nos exploitations. On commence donc toujours par le rendement, souvent en pensant rendement maximum. Ce qui est très différent d'un rendement optimum. Dans ma production, il s'agit du nombre de veaux vivants par rapport au nombre de naissances. Il suffit que l'on ait quelques pertes accidentelles et on a l'impression que l'on est vraiment mauvais et que tout va être foutu. Or , c'est beaucoup plus complexe que cela. Dame nature ne donne jamais deux fois la même chose ! J'ai eu l'impression cet hiver d'avoir tout sacrifié, y compris mes sorties, aux vêlages ! Je n'ai jamais laissé plus de 4 h sans passage pour surveillance dans le troupeau. J'ai enraillé des diarrhées en faisant boire la nuit quand nécessaire, des coccidioses et la grippe... Et pourtant, il me manque 4 ou 5 veaux au final ! Deux parce qu'ils sont nés dans la poche, les vaches les engageant entre deux surveillances à 3 heures ! Faut il coucher dans la stabulation ? Un parce qu'il est né avec le cordon coincé dans les onglons d'une patte avant ! Deux suite à des présentations anormales, engageant juste la queue. Du coup, les vaches ne forçaient pas (dont une paire de jumeaux). Trois avortements contre un en année normale. Deux qui ont reçu des coups de pieds des mères ce qui arrive un année sur 5. Et un jumeau des suites de diarrhée ! J'ai un sentiment d'injustice au regard du travail fourni. Mais les statistiques sont implacables : je me juge incompétent ! Je me demande au regard des prix de vente si mon travail mérite vraiment ces efforts ?
Pourtant si ! Car les outils d'évaluation ne retracent pas tout . Bien sûr, il est évident que si ces veaux étaient vivants, cela irait mieux. Mais, (heureusement je ne suis pas le seul a en faire la remarque dans le groupe) ce seul critère n' explique pas intégralement les résultats économiques. Dans un élevage extensif comme le mien, il se produit des compensations sans que je sois en mesure de les expliquer. J'ai connu pareil résultat il y a trois ou quatre ans sans que le résultat final soit catastrophique par rapport à des exploitations qui n'ont pas eu le problème, ni par rapport aux années antérieures ! En fait, on ne connaît pas la vraie part de charges "proportionnelles" supportée par un veau ! Un peu moins d'animaux permettent de sans doute mieux nourrir, d'avoir moins de parasites et autres conséquences impossible à chiffrer. Ce qui fait qu'au final, il y a sans doute une amélioration de la productivité par animal ! De plus, avec le poids des subventions qui couvrent une partie des charges obligatoires, on peux se poser la question de savoir si on les rend pas moins sous forme d'achat d'aliment, d'engrais ou d'autres frais ? L'essenciel étant d'adapter les dépenses à la réalité instantanée du troupeau... Il n'empêche, je me trouve mauvais, par manque d'explications. Même si en recalculant avec les cours 2006 des charges et ventes, ce serait la baraka !
Enfin pèse l'incertitude de la météo ! Et là , je passe mon temps à scruter le ciel, la girouette et les prévisions, surtout ce vendredi saint qui est un marqueur du printemps ! En ce moment, le vent, soutenu de SSE dessèche tout ! Je ne crois plus à une récolte record en céréales, qui pourtant avaient des implantations remarquables pour la région en fin d'hiver ! Pour l'herbe, rien n'est joué...
Les prévisions changent d'heures en heures ! Un coup, il pleut demain. Puis il ne pleut plus. Puis il doit à nouveau pleuvoir, puis plus ! Cela me met les nerfs à vif ! Je regarde le ciel dès le lever du jour, admirant les lumières magnifiques mais ne sachant plus si cette beauté ne sera pas fatale ?
Réponse, peut être dans quelques jours ?