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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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25 novembre 2011

Impossibles éleveurs...

Il y des jours où il faut garder son calme lorsque l'on veut rendre service ! Ainsi, lors d'une réunion en juillet, alors qu'à l'époque, on manquait de paille, j'ai mis en relation ma coopérative, pour 150 tonnes, avec JB qui avait réussi à convaincre ses voisins de ne pas broyer... A l'époque, tout le monde courrait dans tous les sens, inquiet de ne pas avoir de quoi nourrir les animaux cet hiver !

Puis, à la mi-juillet sont arrivés les orages ! Dans la région de JB, les moissons ont été galère pour cause de pluies... La paille a noirci et pire, elle a parfois mouillée entre coupe et pressage ! Cela a généré du travail en plus dans les régions de culture, tandis que cela permettait d'avoir une petite repousse d'herbe pour les animaux ici !

Cette repousse a stoppé net la course à la paille ! Dans les zones moins touchées par la sécheresse que mon petit coin, les regains ont été conséquents ! Du coup, beaucoup d'éleveurs sont revenus sur les commandes et leur parole, décommandant au dernier moment, les camions ( 50 rien que pour ma coopérative ) et traitant parfois les employés de voleur... En même temps, la paille qui arrivait était moins jolie en couleur ( le pire est que les animaux la mange très bien à condition qu' elle ne soit pas collée...). Ayant le sentiment de ne plus avoir le couteau sous la gorge, certains éleveurs sont devenus carrément odieux ! Les mêmes qui suppliaient le directeur de prendre leur commande un mois plus tôt. D'ailleurs, il faut remarquer que tous ceux qui sont "montés" participer aux travaux dans les régions de culture ont compris l'ampleur des difficultés et tiennent leurs engagements ! Tandis que tous ceux qui regardaient le Tour de France à la télévision au même moment jouent les enfants gâtés !

En septembre sont arrivés les camions de chez JB! Ces céréaliers ne font jamais de paille ! Ils n'ont donc pas de stockages pour mettre à l'abris des bottes et ont fait des meules de 7 ou  8 bottes de haut pour protéger les bottes de la pluie ! On a donc une bottes mouillée par pile; celle du haut ! Soit on ne la prend pas et il faut la mettre en champignonnière en la donnant ce qui renchérit le coût de la paille de 15 % puisqu'elle a occasionné autant de frais que les autres. Soit on la prend, ce qui est logique et la généralité, pour la passer en litière et le prix global reste au prix de revient initial...

Aux premiers camions, coup de téléphone d'un employé de la coopérative ! " Dit PH, sur ton camion, la paille est comment ? " " Normale, grise mais pas de soucis ! Il y a les bottes du haut qui sont mouillées sur 15 cm mais ce n'est pas catastrophique et en gros, j'en ai une sur sept !" " Je te demande cela car X m'a dit que la moitié du camion était trempée !" " Écoute, je vois mal comment c'est possible puisqu'ils chargent les piles une par une et qu' il n'y a que la botte du haut qui soit mouillée."" Il conteste et ne veut pas payer..." "Propose lui de venir échanger 6 bottes avec 6 des miennes..."

Plus de nouvelles pendant un mois, je pense que X a compris et ne veut pas se ridiculiser ! Fausse pioche : Un matin, coup de téléphone de X. " J'ai le temps ce matin, je viens changer les 6 bottes !" " Désolé, mais je ne peux pas ce matin, j'ai un rendez-vous médical pour ma hanche ! " Mécontent, il raccroche... Un mois plus tard, il rappelle, on se met d'accord pour l'horaire puis annule au dernier moment pour cause de pluie !!!! La semaine dernière, je trouve, alors que je suis à l'étranger, un message sur ma messagerie m'ordonnant d'être à sa disposition le lendemain ! Je suis obligé d'utiliser mon téléphone portable au prix très fort pour le décommander... Enfin, avant hier, il rappelle et nous nous mettons d'accord pour faire l' échange vendredi matin à dix heures !

Il arrive à 10 h 30, mais ce n'est pas grave... Je ne vous cache pas que je n'avais pas envie de "causer". D'autant que la veille au téléphone, il n'avait pas été très coopérant puisqu'il m'avait dit qu'il ne comprenait pas pourquoi la coop ne lui faisait pas tout simplement une remise de prix ! A aucun moment, il ne s'est posé la question de savoir ce qui se passe dans ce cas-là, à savoir que soit la coop répercute sur tout le monde sa remise, soit elle lèse JB. Imaginez ce que donne le truc si on fait tous pareil... Franchement, les bras m'en tombent et je ne supporte pas que les caprices de certains se fassent sur le dos des autres.

Je décharge ses 6 bottes et charge les 6 miennes sur son char ! Première réflexion : " Tu devrais supprimer deux dents à ton chargeur" Je ne répond rien, abasourdi que quelqu'un qui a explosé des bottes ( dixit la coop à qui il a reproché que les bottes soient mal liées ) en déchargeant son camion pour cause de matériel inadapté me donne des conseils pour mon outil adapté qui m'a permis de manipulé deux fois les 400 bottes reçues sans en délier une seule ! Je passe ! Je descend du tracteur et lui explique rapidement les problèmes rencontrés pour la paille cette année... Et là, tandis que j'essaye de lui faire percevoir la chance que nous avons eu que les céréaliers soient solidaires, une seconde réflexion a failli me mettre en colère : " Mais il aurait été plus simple de leur interdire de broyer les pailles ! Le gouvernement aurait du prendre la décision et nos représentants la réclamer !" En gardant au maximum mon calme, j'ai simplement répondu " Vu le comportement  de beaucoup d'éleveurs, c'était la dernière chose à faire. Tient par exemple, on m'a cité le cas d'un éleveur qui est monté retenir 200 ha de paille dans l'Yonne et qui voyant les orages a répondu sèchement au céréalier qui le prévenait que la moisson était en cours que finalement il n'en avait plus besoin ! Comment fait alors ce dernier ? Il faut qu'il repasse avec un broyeur à plat ce qui a un coût ? Jamais des professionnels responsables ne pourront demander aux pouvoirs publics d'obliger des paysans à être solidaires alors que les autres ne sont pas capables d'assumer; on l'est ou on ne l'est pas ! Est ce que tu accepterais par exemple, qu'on oblige à donner ton fumier pour remonter la matière humique des sols des pays de culture ? "

J'ai failli lui sortir le fond de ma pensée ! Mais je crois qu'il n'aurait pas compris. Je me suis arrêté là, consterné par tant d'égoïsme. Je suis quasi certain qu'il est convaincu que j'avais eu un meilleur camion que lui, comme si le routeur de la coop pouvait savoir à 500 km ce qui avait été chargé sur tel ou tel camion ! Il est tellement facile de laisser croire que les responsables s'en fichent plein les poches ! 

Pourquoi ai je accepté cet échange qui me fait prendre plus que ma part aux bottes galère ? Un; pour qu'on ne dise pas que les responsables... Deux, parce que je suis hyper gêné par rapport à JB. J'espère que de discussions en contestations de poids ou remises de prix, lui et ses collègues ne perdent pas d'argent ! Trois; pour tenter de faire passer les messages de ce qu' est une opération solidaire ! C'est sans doute manqué avec X., mais je peux en parler ici sans retenue, puisqu'au final, c'est moi qui suis perdant ( sur 6 bottes , c'est relatif !). Juste pour dire que nous avons eu beaucoup de chance que les céréaliers jouent globalement le jeu, que nous avons beaucoup de chance d'avoir des structures avec des directeurs compétents pour mettre en oeuvre... Mais l'individualisme des éleveurs, là comme ailleurs, n'est pas à la hauteur des enjeux ! Trop ont abusé cet été et tous les responsables que je rencontre disent tous la même chose : " Pourvu que l'année prochaine soit une année normale, car il ne faudra pas, vu nos comportements, donc à juste titre, compter sur les céréaliers une seconde fois !"

                              bottes-sèches

 

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Commentaires
C
Ce que vous racontez PH est révoltant, mais je crains que cela ne soit pas typiquement paysan comme attitude. C'est une attitude que l'on trouve à tous les degrés de la société. "Moi d'abord, les autres après s'il en reste!"
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Y
Un très beau complément à tes réflexions : le film reportage "Tous au Larzac" - Vraiment à voir pour se souvenir des notions de solidarité, d'intelligence collective, d'alternative et de la force de l'humanité pour faire face aux problèmes.
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Y
je tout de même que globalement c'est positif à la fois dans l'engagement, la solidarité, l'organisation et le résultat !<br /> Dans tous les domaines tu auras des râleurs, des profiteurs, des individualistes mais, heureusement, la majorité suit les gens positifs.<br /> Vous avez prévu de valoriser cette action pour remercier tous ceux qui se sont tapés le boulot et pour en tirer collectivement les enseignements ?
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F
Oh! la! la! Il y a plein de non-dits dans cet article! <br /> L'individualisme des agriculteurs, qu'ils soient céréaliers ou éleveurs (et qui, malgré l'image que veut en donner leur principal syndicat ne changera jamais), les conditions météo toujours fluctuentes, l'allégeance à laquelle sont priés de se plier les éleveurs envers les céréaliers (s'ils ne s'y plient pas: gare au retour de bâton! certains sont trop heureux de se montrer "grands seigneurs")<br /> Certes, j'ai vu encore mi-septembre des meules de paille au bord des routes en région parisienne, ce qui est inacceptable, certes, les céréaliers ont joué le jeu (ça ne leur coûtait pas trop), certes, des éleveurs ont profité de la repousse pour ne pas honorer leurs engagements...Et cependant, tous participent de la même dynamique syndicale...<br /> Ici, tout s'est joué sur l'amitié et la confiance et nombre d'éleveurs ont procédé ainsi
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