Les oubliés de la campagne...
Je me disais qu'il serait sympa de temps en temps de mettre en live la stabulation. Bien sûr, il ne pourrait s'agir que de moments où je suis moi même en train de regarder ce qui se passe. Pas question pour le moment non plus de mettre les commandes des caméras disponibles sur le Net, le coût est de l'ordre de 9 à 10000 € ! Non, je me disais qu'il serait sympa de vous faire suivre un vêlage et sa suite en ligne !
J'ai donc fait quelques recherches en ce sens. Pour sortir des applications professionnelles, très chères pour le moment, j'ai regardé sur les sites de vidéo surveillance. Mes caméras, sont équipées de gros projecteurs pour que je puisse voir la nuit. Elles ne sont donc pas faites pour rester très longtemps allumées. Toutefois, avec un convertisseur d'images en numérique, qui enregistre, on pourrait sans doute faire quelque chose . Mieux serait une caméra Wifi qui elle, ne nécessite pas de projecteurs, mais qui, la nuit, risque de donner des résultats assez médiocres. Ce serait bien pour la stabulation du bas, de jour, puisqu' une partie n'est pas bardée.
Mais le vrai problème est ailleurs. et c'est là que l'on découvre les limites de tout faire régir par les lois actuelles du marché... En ville, vous avez pléthore d'offres de connections à des débits impressionnants pour un coût très raisonnable. Je vois les enfants à Lyon, ils ont l'embarras du choix, avec l'arrivée du câble et de la 4G en particulier. Le tout à un prix qui n'est pas extravagant par rapport au débit. Nous en campagne, c'est tout le contraire. J'ai la chance d'avoir une ligne ADSL, ce qui est loin d'être le cas de tout le monde. Elle a un débit que je mesure de temps en temps. Disons, que nous tournons suivant les heures, entre 4 et 6 Mbits en descendant mais que nous ne dépassons pas 0.7 en montant ! Et c'est là que ça pêche... J'ai participé à des émissions sur le Net, par webcam, ou plutôt j'ai tenté de participer, car à chaque fois, ils avaient un mal fou à me récupérer. Quand mon fils était en Californie, je le voyait très bien mais lui ne pouvait pas avoir le son et l'image en même temps... Bref, il est quasiment impossible de transmettre une image continue de qualité moyenne depuis mon chez moi.
Pourtant, l'enjeu est majeur pour les ruraux. Les services s'éloignent de plus en plus, en particulier les "publics". Des connexions de qualité permettraient de palier, non à tout, mais au moins à certains désagréments de l'éloignement. Je pense à la visioconférence qui limiterait les trajets pour participer à des réunions. Je pense à la formation continue telle qu'elle se pratique aux USA. Je poursuis avec le télétravail qui serait une chance pour nos régions, proches des lignes de TGV. Je pense à plein d'autres choses, me souvenant, alors que mes enfants partent en stage à l'étranger, à la galère des amis parents il y a une dizaine d'années pour établir des contacts téléphoniques à prix normal. Je pense enfin à la vidéo à distance. Quand les gendarmes ou les médecins d'urgence sont à 20 minutes minimum en voiture, n'y aurait il pas là, pour les personnes âgées, des réflexions à avoir, dans le respect de la vie privée bien sûr ?
Je pense enfin aux paysans à qui on demande de plus en plus de noter ce qu'ils font et pour lesquels il serait vraiment utile d'avoir les données et les formulaires en direct depuis leur tracteur ou leur étable. C'est idiot, mais c'est stratégique. Et ce le serait encore plus si la surveillance des animaux pouvait se faire de la même façon. Imaginez, qu'au lieu de ma télé dans la chambre ou à la cuisine, je puisse avoir accès aux caméras depuis une tablette depuis n'importe quel point de l'exploitation voir d'un lieu à moins d'une demie heure de route ! Je serait presque libre, de partir au cinéma ou dîner chez des amis, sans prendre de risques de vêlage. Un coup d'oeil avant d'entrer et hop, deux heures tranquilles. Au pire, s'il y a une urgence, il serait plus facile de déranger un voisin pour quelque chose plutôt que de le faire pour rien, ce que l'on ne fait pas pour ne pas abuser. Cela m'aurait été particulièrement utile la semaine où je suis descendu 5 fois à l'hôpital à Lyon... Idem sur la ferme, je pourrais aller travailler sur des parcelles sans devoir faire des retours réguliers dans les stabulations, cassant ainsi les rythmes de travail...
La campagne a donc autant que la ville besoin de gros débits. Mais les lois du marché font que l'on va équiper les endroits où il y a le plus de clients potentiels et non pas ceux qui en auraient le plus besoin. Pire, pour passer auprès des clients, les prix entre câble et 4G se tiennent, concurrence oblige, alors que nous, on a toujours tout payé très cher. Il faudrait que je retrouve ce que me coûtait Internet avant l'ADSL ! Un vrai scandale, un abonnement 100 h, doublé quand la famille s'est mise à surfer, deux lignes téléphoniques couplées, plus la principale, sinon plus de téléphone... Tout ça pour 512 ko ! Et bien là, on retrouve le même problème. J'ai regardé le prix des connexions par satellite, seule solution technique possible à ce jour ! Même avec 100 € /mois, je ne suis pas sûr d'avoir ce qui convient.
Un employé de Francetélécom m'a dit un jour que je n'avais qu'à habiter dans une ville, plutôt que de me plaindre. " Vous voulez donc des déserts" lui ai je répondu, peu satisfait de la conversation. Je sais que les paysans ont pu survivre sans Internet jusqu'à présent. Mais je me demande si l'enjeu aujourd'hui n'est pas le même que celui des tracteurs dans les années 60/70. Je m'explique. Nous sommes de moins en moins nombreux, il y a un peu plus de 50% des éleveurs ici qui ont plus de 50 ans. Le renouvellement des générations ne se fait pas. La faute à beaucoup de choses, mais d'abord aux éxigences de disponibilité en élevage. On pourra améliorer certaines choses mais il faudra toujours une surveillance. Je pense donc qu'il devrait y avoir un programme politique sérieux d'équipement matériel pour diminuer cette contrainte. L'enjeu est la survie de nos régions d'élevage. Ce marché n'est pas juteux comme peut l'être un marché de masse. Mais il est vital pour nos campagnes. Je suis surpris de la pauvreté des réponses politiques. Il me semble que, dans l'Iowa, le prof rencontré nous avait dit que les opérateurs avaient des obligations pour couvrir toute une région pour avoir droit à la licence ?
Il est vrai qu'en économie actuelle, on regarde de résultat au trimestre. Tant que ce sera le cas, la ruralité ne peut pas rentable. Mais si on revenait à des perspectives normales, à moyen et long terme, les choses seraient très différentes. En attendant, pour le live depuis la stabulation, il faudra patienter... Dommage, j'aurai aimé participer au salon de l'agriculture de cette façon ! D'autres, plus près de centraux me piqueront sans doute l'idée...