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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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8 novembre 2022

Peut-on de sauver les services publics en ruralité ? (1)

Avant l’annonce de la fermeture du SSR de notre commune, une autre fermeture avait fait grand bruit en 2018. Les parents s’étaient mobilisés pour défendre notre école, une classe de maternelle devant fermer. Le conseil municipal s’était associé au mouvement. Au bout de plusieurs jours de blocage de l’école, l’inspecteur départemental d’académie, sorte de recteur départemental, s’était enfin déplacé… La veille de son arrivée, un des vétos m’avait demandé de « descendre » en tracteur pour appuyer les revendications. Tout un symbole…

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En préambule, il faut que je vous dise qu’en tant que 1 er adjoint à l’époque, je n’allais plus au village sans me changer, sauf si je devais aller en vitesse à la seule coopérative ! Cela me paraissait normal de veiller à ce que ma tenue respecte la fonction et la population. Mais ce matin-là, j’ai rompu avec cette attitude. Dès la fin du « pansage », sans me changer, j’ai pris mon tracteur et je me suis rendu à la manifestation en l’état.

A l’arrivée de ce monsieur, il y a eu quelques instants d’hésitations. Un haut fonctionnaire n’a pas trop envie de devoir s’expliquer en public. Accueillit par le maire comme il se doit, celui-ci me glisse à l’oreille : « Il trouve que les tracteurs, c’est déplacé, mais il est d’accord pour « recevoir » une délégation restreinte, que fait-on ? ». Un truc classique de l’administration pour mettre un filtre avec la population afin de ne pas risquer d’être contredit en public et afin de ne pas rendre de compte à la population. Les membres de la délégation sont alors transformés en porte-paroles de la cause officielle à l’issue de la rencontre et de plus cela permet de créer des frustrations chez les manifestants non participants. J’ai trop vu le jeu dans les manifestations agricoles. Donc d’un commun accord avec le maire, je prends la tête d’un petit cortège en direction d’un préau aménagé, en veillant à ce que tout le monde suive, au grand désappointement de « l’inspecteur -directeur départemental » et de son adjointe qui comprennent qu’ils devront s’exprimer en public !!!

Le maire remercie l’inspecteur de sa présence, exprime avec fermeté sa déception de voir une classe fermer puis donne la parole au public. Rien n’a été préparé. Je sais par expérience que la première intervention est déterminante. Elle donne le « la ». Il n’est pas question que l’on tombe dans des invectives ou autres insultes. Il faut aussi que l’on dépasse les vœux pour aller à des arguments solides. Ces gens-là ne pensent que chiffres et ils ne nous sont pas favorables. Je ne réfléchis pas, je prends la parole en improvisant totalement. J’axe mon intervention sur 2 points très clairs dans ma tête. J’ai en mémoire la réflexion sur les tracteurs et je me suis senti piqué ! Mais il ne faut pas que je le montre. Toute la première partie doit tourner autour de l’abandon de la ruralité par l’administration et la façon unilatérale de décider de la fermeture des services publics sur de simples statistiques. Je repars de la fermeture de la gendarmerie 8 ans plus tôt, la suppression déjà de postes d’enseignants depuis, en déplorant la logique d’une spirale sans fin. J’alterne un ton ferme, une colère feinte puis un ton radouci… Cela me permet d’abattre une première carte. « Vous, vous comptez en nombre d’élèves, moi, en tant que papa dans le passé ou de grand père maintenant, je compte en kilomètres. Vous êtes choqués par les tracteurs, par ma tenue en bottes sans doute ? Les toulonnais n’ont pas l’habitude de me voir dans cette tenue mais je l’ai choisi pour mettre un point essentiel en avant : Ma ferme ne peut pas être installée au centre-ville de Chalon sur Saône et comme bon nombre d’autres personnes de cette salle, nos métiers ne peuvent s’exercer qu’ici ! Vos logiques condamnent nos enfants à faire des tonnes de kilomètres, voir ensuite à être déracinés en internat. Ne venez pas me dire que c’est pour la qualité de l’enseignement. Les instits ici font un boulot formidable, les résultats de beaucoup de toulonnais arrivant en enseignement supérieur en attestent. Vous détruisez un système qui marche au nom d’une logique d’équité qui fait baisser l’ensemble ! On a déjà entendu cela pour la gendarmerie où notre relative tranquillité d’antan a justifié sa fermeture avec comme corolaire une montée de l’insécurité depuis ! » Je sens que j’ai fait mouche. Et j’enfonce le clou avec des arguments d’élu cette fois. « Nous cherchons à redynamiser le bourg en le rendant plus attrayant. Nous commençons d’avoir des résultats tangibles (avant le covid) mais cela prend du temps. L’école, les médecins et la maison médicale, la maison des services, la pharmacie, la poste, les commerces… font partis de l’offre essentielle pour attirer des jeunes couples ! Vous nous coupez l’herbe sous les pieds !!! Nous ne voulons pas être condamnés à vivre dans un désert. Je ne vois pas pourquoi certains politiques urbains bien placés arrivent à différer des fermetures avec des chiffres moins bons que les nôtres ! Tous ici, nous vivons cela comme une injustice républicaine ! »

Ses réponses essayent de justifier la décision de fermeture. Le principal argument est sa contrainte d’optimiser les moyens départementaux avec les exigences budgétaires. Il est clair que ce monsieur doit gérer une enveloppe et qu’il est un peu pris entre le marteau et l’enclume. Comme souvent dans ce genre de débat, les hauts fonctionnaires font état des aides globales accordées aux ruraux, de grands programmes... Je ne suis pas convaincu et je ne supporte plus le mélange des genres et des enveloppes ! Nous sortions à ce moment-là d’un débat sur l’intercommunalité qui a mis en exergue les écarts colossaux entre les dotations de fonctionnement ramenées au citoyen… Le meilleur exemple est le nombre irréaliste de « métropoles » constituées en France, la structure qui rapporte le plus par habitant !!! Chacun est dans son rôle…

D’autres parents interviennent ensuite avec des témoignages qui confortent le sentiment d’abandon… Mais je retiens surtout l’intervention poignante d’une voisine. Elle est née à Lyon, s’est mariée avec un toulonnais. Ils ont vécu à Lyon jusqu’à ce qu’ils aient des enfants. Elle explique qu’ils ont fait alors le choix de revenir en Saône et Loire, « pour élever leurs enfants dans un cadre de vie équilibré ! » Elle souligne la qualité de vie et l’importance pour eux d’être près de la nature, loin du stress de la ville et de son insécurité grandissante. Mais pour eux, une des conditions reste que les écoles à proximité soient de qualité.  Elle parle avec son cœur ce qui fait réagir l’inspecteur… En effet, elle s’est présentée et exerce la profession d’avocate. Il fait une réflexion qui suggèrerait qu’elle ne jouerait pas dans la même cour que les autres parents. Cette intervention va dans le droit fil de ce que nous voulions mettre en avant : La ruralité a un avenir et est une vraie alternative aux limites de la concentration urbaine !

Après cette intervention, je perçois une certaine déstabilisation chez notre interlocuteur. Il nous pose des questions : « Combien d’enfants pouvez-vous me garantir dans les prochaines années ? » Avec d’autres, je lui réponds que nous ne pouvons pas donner de chiffres, nous ne sommes pas dans l’intimité des couples. « C’est un pari sur l’avenir » ! Il finit par céder un peu de terrain en annonçant le maintien d’un demi-poste pour la prochaine année scolaire et la promesse de réouverture un jour si… « On sait quand on ferme une classe, on ne connait pas les conditions nécessaires pour en ouvrir une nouvelle ! C’est un marché de dupes. » conclura le maire…

Mais que peut-on obtenir de plus ?

A suivre…

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Commentaires
R
Mes parents ont quitté Paris quand ils ont eu des enfants. Pas question de faire vivre leurs enfants dans la violence de la grande ville.<br /> <br /> Il est évident que si la commune provinciale dans laquelle ils ont emménagé n'avait pas eu d'école, ils n'y seraient pas allés.<br /> <br /> <br /> <br /> Mon père était médecin. Pas d'école, pas de jeune médecin qui s'installe.
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P
Bravo!<br /> <br /> Est-ce le fils de paysan ou le vieil instituteur qui le dit? Les 2 mon capitaine.
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