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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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14 juillet 2008

FCO, PAC et moral

Chaque crise fait réfléchir... Si j'écoute en ce moment la quasi unanimité de mes collègues, la situation de l'élevage est désastreuse... Tout semble déréglé par la crise de la FCO qui est loin d’être terminée même si on a essayé de protéger nos troupeaux avec la vaccination. Mais cette dernière m’apparaît de plus en plus comme l'arbre qui cache la forêt.

Nous devrions être capable d'encaisser une crise comme cela, pourquoi n'y parvenons nous pas ? Pourquoi nous retrouvons nous dans une situation si difficile, de celle qui brise la foi dans le métier de la plupart des éleveurs ? Pourquoi sentons nous un découragement jamais vu , qui va conduire certains jeunes à quitter le métier en pleine force de l'âge dans la quasi indifférence générale ?

Les réponses sont multiples. D’abord la succession des crises en élevage: 4 en 11 années, une année sur 3 ! Ensuite, le défaitisme ambiant trouve probablement ses racines dans la gestion de cette dernière! Pour la première fois, il n'y a eu aucune solidarité nationale. Vous me dites souvent ne connaître la FCO que par ce blog ou celui de fourrure ! Ne vous inquiétez pas pour le budget de l’état, ce silence permet de ne pas nous aider financièrement. J'ai dépassé les 10 000 € de coûts directs sur la ferme... C'est tout juste si je récupérerai 300 à 400 € suite à l’engagement des collectivités territoriales... Le reste est pour ma pomme. C'est la première fois que nous sommes ainsi laissés livrés à nous même... Même si, en 1996 puis 2001 pour l’ESB ou en 2003 pour la sécheresse, les aides n’ont représenté que 30 % des pertes. Ce geste de soutien de la société était le signe de la reconnaissance de l'importance de nos productions ! Là , c'est "débrouillez vous tout seul !"

Les conséquences sont simples : Tous ceux qui ont connus des problèmes vont tomber... Les jeunes auxquels on demande maintenant d'être toujours  plus performants que les plus anciens, ne tiennent plus . Au nom de l'efficacité économique, la sélection est engagée ...

Par contre, je préfère me taire en observant ce qui se passe dans l'économie générale : Si intervenir pour soutenir un secteur agricole mis administrativement en difficulté par l'incompétence des autorités sanitaires, est soi-disant interdit par les règles économiques actuelles, que dire de la promptitude de tous pour sauver quelques grandes banques qui, méprisant leurs clients historiques, ont joué au poker avec l'argent confié, sur des marchés douteux ? Spéculer est donc devenu plus important que produire et travailler honnêtement !  Ainsi soit il ! Cette légèreté est perçue dans les campagnes comme un abandon. Très nombreux sont ceux qui veulent fuir maintenant notre métier, ne comprenant pas que l’on intervienne pour les uns et que l’on méprise les autres...

Arbre qui cache la forêt ?

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Oui, car en parallèle à ces problèmes, nous subissons de plein fouet les hausses des produits nécessaires à la production. Les indices indiquent des hausses comprises entre 15 et 20 % depuis un an. Hausse de l'aliment qui est fait avec du blé, du maïs et du soja principalement ! Les prix de ces denrées ont doublé voir triplé en un an ! Hausse du fuel indispensable pour faire tourner les moteurs des tracteurs ! Hausse des produits plastiques : Ficelles et bâches sans lesquelles on ne peut récolter. Hausse par deux ou trois du prix des engrais ! Hausse des produits phyto, ce qui a peu d'impact pour moi, vue ma consommation mais il faut bien la mentionner... Hausse incroyable du prix du matériel due à la hausse du prix des métaux et par l'accélération de la demande mondiale des régions de cultures... Pourtant, il faudra bien que je remplace le matériel à bout de souffle ! Et puis, il y a toutes les hausses sournoises : comme la maintenance informatique du programme de compta qui augmente bizarrement tout simplement parce que tout augmente... Il y a les taxes, les cotisations volontaires obligatoires. Par exemple ; mon assurance accident du travail d'exploitant est passée par décret de 268 € à 322 € , + 20% ? Ne respecterions nous plus aucune règle de sécurité depuis un an ?

J'en passe et des meilleurs pour ne pas me mettre à dos tout le monde même si j' épluche les factures... Et côté ventes ? Si je regarde les productions non touchées par la FCO, les cours se maintiennent. C'est déjà mieux que la baisse que l’on craignait ! Mais elles ne compensent pas les hausses énoncées !

Alors ? Le producteur de base est il l’unique variable d’ajustement économique ?

Il va fatalement se passer quelque chose ! Incapables de mobiliser la solidarité publique, politiques et certains responsables locaux détournent l'attention vers la réforme de la PAC comme si de rien n'était . En fait, ils essayent de cacher leur impossibilité de répondre aux problèmes immédiat en brandissant la menace d’une énième réforme… Le but est de faire croire à l'obtention d’hypothétiques aménagements dont les effets se feraient sentir dans quelques années. Trop tard ?  Cette confusion entre la gestion de la crise à court terme et une politique à long terme m'exaspère ! Le discours facile du petit éleveur aux intérêts inverses à ceux du gros céréalier est trop réducteur. Que dire des éleveurs qui ont plus de 100 vaches aujourd'hui, qui ont investit massivement ( en empruntant plus que de raison ) sur le seul élevage et qui sont au bord de la rupture ? Sont ils si petits que cela ? Ont ils été si bien conseillés que cela ? Je trouve vraiment incroyable et dangereux ce jeu d'opposition des uns vis à vis des autres...  D'autant que pour avoir vu des comptas, il y a deux ou trois ans... Je m'interroge même sur la pertinence de vouloir obtenir des primes nouvelles ! Bien sûr , j'en bénéficierai ! Je ne vais cracher dans la soupe , mais je m'interroge sur ce choix qui nous rend toujours plus dépendant de la société ! L’ avenir de notre production passe t’il uniquement par toujours plus d’assistanat ?

Il me semble que nous devrions également nous poser de vraies questions sur notre système de production ! Est il  bon d'avoir spécialisée notre région au point de ne plus avoir une parcelle de culture dans un nombre croissant de ferme ? Fait on le bon choix avec les mises aux normes toujours plus exigeantes comme celles des bâtiments qui conduisent à construire des cathédrales très coûteuses, utilisées 4 mois par an, consommatrices à outrance de paille ! Cette paille qui est devenue un produit de luxe ! Et qui ne sert pourtant qu' à faire du fumier ! Les exemples de remise en cause potentielle ne manquent pas... Ils montrent des possibilités d'adaptation certaines !

Je me suis souvent opposé à certains qui essayaient de me démontrer que j’avais tort de persister à rester dans un système extensif et quasi autonome , du moins pour l’alimentation des animaux ! Récemment, je me suis fait vertement tancé parce que je disais préférer limiter un peu mon troupeau plutôt que de devoir acheter paille et aliment manquant: «  Tu gères en opportuniste, si tout le monde fait comme toi, les abattoirs… » Ainsi, il faudrait que je perde de l’argent pour que les autres… On voit bien que le schéma n’est pas tenable. J’ai simplement répondu «  Il vaut peut être mieux que ce soit un paysan debout qui approvisionne l’abattoir, même si c’est en nombre d’ animaux plus réduit plutôt que de devoir le fermer pour cause de disparition des paysans ! »   

Et oui,  les effets dépassent la simple gestion de la ferme. Pour la première fois, la technostructure  qui accompagne l' élevage me parait être au cœur du problème ! Or elle est encore plus inquiète et en manque d'idées pour s'adapter que nous. J'ai commencé à chiffrer dans ma tête un certain nombre de dépenses sur la ferme en les catégorisant entre indispensables, utiles et futiles ! Je n'en dis pas plus ! Certains services se sont laissés aller depuis quelques années, le rapport entre leur coût et le service rendu ou l'avantage technique procuré est devenu négatif ... Personne n'ose en parler ! Sauf que certains paysans comptent mieux et plus vite que les conseillers de gestion qui restent bien cois en ce moment à part pour annoncer les pertes que l'on connaît déjà... Je pense donc qu'il va se passer tout un tas de choses dans les 2 prochaines années. Après avoir lu les propositions de la commission de Bruxelles pour la prochaine PAC, je crois que cette adaptation va se jouer d’abord dans les fermes beaucoup plus que par choix politique ! Ce que je regrette !

Je ne sais pas de quoi va être fait l'avenir ! Pourtant, j’y crois…

Aux jeunes, j'ai envie de dire accrochez vous, tenez bon, il va se passer la même chose qu'en 1972 . Contrairement à ce que j'ai lu localement, la production de viande dans le monde baisse alors que la consommation augmente ! Et oui, entre prendre le risque d'élever et celui d’empocher les bénéfices de céréales dont les prix flambent, beaucoup d'agriculteurs du Mercosur ont choisi et bien d'autres dans le monde.  L'écart astronomique connu, il y a un an encore, entre cours de la viande mondiaux et cours en EU qui allait de un à trois, est en train de fondre. Il peut donc se passer quelque chose du même style que ce qui s'est passé pour le reste des matières premières. Dans combien de temps ? C’est le problème. On ne peut pas travailler à perte longtemps... Il ne peut donc pas y avoir que ceux qui arrivent à 50 ans , parce qu’ils n'ont plus d'emprunts à rembourser qui s'en sortent... Nous avons besoin de vous, les jeunes, pour le renouvellement des générations, des idées et pour nous succéder ! 

En outre, le sentiment diffus et dangereux de l’inutilité de notre métier n'est pas bon ! Oui, les idéalistes en pantoufles peuvent raconter qu'un kilo de bœuf coûte 5 à 6 kilos de céréales ! C'est vrai pour un élevage industriel ! C'est totalement faux dans nos régions où nous utilisons l'herbe qui elle même est le meilleur piège à carbone connu… Et il faudra toujours, en terme alimentaire, des protéines carnées...

On a donc besoin de rester solidaire les uns des autres. On a besoin d’inventer un mode d’élevage différent . On a besoin de vivre normalement de notre métier. On a besoin de cerveaux et de bras nouveaux. J’espère que cette ambiance négative va rapidement se transformer en énergie positive pour attirer les jeunes ! J’espère que ces signaux positifs n’arriveront pas trop tard ! J’avoue qu’il est difficile de garder le moral dans une ambiance professionnelle aussi pesante ! Pourtant…

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Commentaires
P
Monoi : Je ne veux pas être définitif ! Mais je désapprouve les marchés dérivé. Sur les marchés à terme, ne devraient intervenir que les gens qui échangent réellement les marchandises ! Ce serait plus sain à mes yeux . Quand aux banques, j'ai mon avis ! Merci de cet avis interessant
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M
"sauver quelques grandes banques qui, méprisant leurs clients historiques, ont joué au poker avec l'argent confié, sur des marchés douteux ? Spéculer est donc devenu plus important que produire et travailler honnêtement !"<br /> <br /> Ah oui, les mechants speculateurs. Qu'on ne trouve que dans la finance d'ailleurs.<br /> <br /> Vous le savez surement, mais l'invention des produits derivatifs a ete a l'origine pour permettre a des gens comme vous de se proteger des aleas de production, en vendant leur production a terme. En face, des acteurs finaux, mais entre les 2 parce c'est indispensable, des affreux speculateurs. Qui prennent le risque a leur compte. Un risque, ca veut dire qu'on peut gagner mais qu'on peut aussi perdre.<br /> <br /> La crise actuelle est due principalement a nos chers gouvernants, qui ne manquaient pas de se vanter d'etre responsables de la croissance sans inflation que nous avons vecu. Maintenant que ca tourne un peu au vinaigre, et a leur habitude, c'est la faute aux autres. Et quoi de mieux que les affreux speculateurs.<br /> <br /> Les banques sont victimes d'avoir prete de l'argent a des gens dont le credit etaient pour le moins suspect. Je ne me rappelle pas beaucoup de monde qui se plaignait a l'epoque!<br /> <br /> Un business, c'est un business, que ce soit agricole ou non. Tout ce qu'ont pu faire les interventions depuis des dizaines d'annees, c'est foutre le bordel. Un exemple recent est la course au biofuel. Sauf que maintenant, on se rend compte que ce n'etait pas une tres bonne idee!<br /> <br /> Plutot que de laisser des gens comme vous, qui ont l'air de savoir ce qu'il font, on assiste. Votre exemple ou on vous dit de produire pour donner du travail a l'abattoir et qui vous ferait produire a perte est un exemple formidable! Ou les reglementations de plus en plus draconiennes, qui n'ont plus aucun rapport avec le risque reel (alors qu'ils sont responsables de la FCO) mais ont certainement leurs racines dans la machine bureaucratique qui doit bien se fournir en travail. Sur votre dos bien sur.<br /> <br /> Plutot que de blamer les "speculateurs", qui perdent leur jobs aussi croyez moi, ce serait plutot du cote des gouvernants qu'il faudrait regarder.
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Y
Excellente analyse. Les éleveurs que je connais sont sur la même longueur d'onde. Vraiment curieux que ça ne cristallise pas en un mouvement fort ... Trop tôt ? Syndicalisme agricole inadapté ? Monde agricole trop divers ? autre ?
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P
J'ai pensé plusieurs fois à toi ce weekend, en Lot-et-Garonne, dans de chouettes paysages de polyculture et d'élevage.<br /> <br /> Sinon, à part changer de modèle politico-socio-économique pour un autre qui reste à inventer, un "petit" bravo pour ceux de la base qui réfléchissent comme toi, qui cherchent des solutions n'excluant pas une éventuelle remise en question et qui sont prêts pour l'action.<br /> <br /> Oliv'
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F
Bravo! belle réflexion. Oui, il faut se battre, c'est vrai, mais la situation est difficilement tenable pour le producteur de base (éleveur) ces temps-ci!
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