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  • Paysan retraité, ancien éleveur de charolaises, qui regarde l'agriculture,les événements et la société depuis sa cour de ferme. Ma devise : " Prendre ce que la nature veut bien me donner. Vivre avec ce que les hommes me laissent !"
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21 février 2009

La plus petite fait le plus gros : vêlage super technique

Panne de batteries de l'appareil, vous serez donc privé de photo pour ce soir !

Hier matin, je ne remarque rien avec la caméra, ni à 3 heures , ni à 6 h 30 ! Mais je n'ai pas besoin de décodeur quand vers 7 h30 j'arrive dans la stabul ! Une vache a vêlé dans l'intervalle, je n'ai même pas besoin de voir laquelle, je l'avais remarqué la veille au soir comme étant prête et je l'avais à l'œil même si je n' ai pas été bon ! Les vaches sont tout de même faites pour vêler toutes seules dans la nature, il est donc normal qu'elles en fassent de même en élevage !

Mais je n'étais pas au bout de mes surprises ! J'isole mère et veau et remarque qu'une autre a commencé de travailler ! Un peu inquiète, j'ai du mal à l'approcher couchée ! Elle se relève bien avant que j'ai pu faire quoique ce soit ! Je décide de la laisser tranquille quelques minutes car j'ai aperçu dans la poche non percée, les onglons . Ils sont dans le bon sens, cela veut dire que tout devrait aller bien ! Je pars chercher mon matériel de vêlage, à savoir la vêleuse, les cordelettes , un sceau d'eau et une petite boite rouge dans laquelle se trouve une fiole avec un produit activant la respiration et une autre pour soutenir le cœur quand on reste pris trop longtemps ( Rester pris, veut dire que le veau reste bloqué à moitié sorti, j'y reviendrais plus loin !).

A la vue de tout ce matériel, ma génisse, car au deuxième coup d'œil j'ai vu que c'était l'avant dernière génisse à vêler, s'affole de plus en plus ! Impossible de la toucher ! Je décide de la remonter dans une case de l'autre étable ! Je n'aime pas car ce changement de lieu stresse les animaux qui les rend encore plus inquiets. D'autant qu'il y a tout un rituel au moment du vêlage avec une mère qui renifle les eaux des différentes poches, mémorisant de façon incroyable l'endroit où elle met bas ! Si vous retiriez le veau sans qu'elle le voit, elle le cherchera toujours au même endroit et pas ailleurs ! Cela veut dire qu'il faut toujours qu'elle le voit lorsqu'on les isole du lot ! Sinon, elle ne le reconnaît  pas !

Donc je remonte ma génisse qui est de plus en plus inquiète ! Entre temps, la poche des pieds s'est percée, ce qui veut dire que dorénavant, le temps est compté pour sortir le veau ! Je la prend grâce à un peu de farine, je passe ma corde car je ne vêle jamais dans un cornadis de peur que si elle se couche, elle se retrouve pendue et...

Elle se défend, pas habituée à être prise ! Et je ne sais comment, elle fait passer le nœud de sécurité de la corde qui devient libre et la serre au nœud coulant ! Si elle se débat , elle peut de pendre ! Si je la lâche , elle ne se laissera plus prendre. Que faire ? J'hésite puis je me décide ! Il y a un truc infaillible dans ces cas là ! Engager un peu plus le veau dans le bassin ! Cela les paralyse de façon naturelle ! Pour cela , je prend mes cordelettes , saisie la queue et ... Il me faut 5 minutes avant de parvenir à passer une main sans la brusquer, elle balaie de gauche à droite et retour ! Je suis comme je peux, il ne faut pas lâcher la queue jusqu'à ce qu'elle cède ! Il faut parler calmement , histoire de lui montrer que l'on est toujours là et inutile de brusquer, cela ne sert à rien !

Dès que ma main a pu saisir une patte du veau à l'intérieur, j'ai gagné ! Je tire comme je peux ! Il faut imaginer que Dame nature a bien fait les choses ! Le veau baigne encore de liquide amniotique, un truc super lissant qui est fait pour le faire glisser dehors ! Mais un truc qui rend toute prise aléatoire ! Là, je peux vous dire que je serre la main en tirant doucement mais fermement ! Instantanément, la génisse a cessé de se défendre , les contractions reprennent et je m'en sers pour engager le veau ! Je peux enfin glisser la cordelette derrière les onglons m'assurant alors une prise sûre ! La patte à moitié sortie est énorme !

Je ne me souciais pas du vêlages des deux dernières génisses ! J'ai acheté l'année dernière un taureau issu d'une nouvelle lignée de sélection du charolais donnant des veaux petits à la naissance ! J'ai déjà eu 13 veaux de ce taureau sur les génisses , je n'en ai tiré qu'un seul ! Je n'ose pas en parler de peur qu'on croit que je ne surveille pas mes bêtes mais c'est ainsi. Malgré une surveillance toutes les 3 heures, je n'ai pas eu besoin d'intervenir sur 12 génisses et la 13 è , c'était par acquis de conscience !

Mais là, dame nature me rappelle qu'il n'y a pas de règles à 100 % ! La taille de la patte , au prorata de la taille de la génisse ( c'est la plus petite du lot ) me laisse penser qu' il va y avoir problème ! Césarienne ? Je ne décide pas de téléphoner au véto sur ce critère là ! La décision se prendra dans les 5 minutes qui vont suivre ! Un rapide tour d'inspection à l'intérieur de la génisse me montre un bassin déjà bien ouvert ! Tout à l'heure, j'ai aperçu les 2 onglons avant qu'elle se relève, preuve qu'elle a du passage ! Je prend donc ma cordelette dans la main et la passe autour de la deuxième patte à l'intérieur de la mère ! La première patte s'est retirée ce qui est normal, j'engage doucement la seconde...

Ma génisse est toujours avec son nœud coulant , je vais donc la détacher ! Le veau est assez engagé pour la paralyser , elle ne bouge pas mais refuse de se coucher malgré la reprise des coliques ( contractions) ! Je ne peut pas attendre indéfiniment... Je repasse derrière et recommence de tirer à la main sur les deux  cordelettes à la fois ! Le veau avance bien ! Je tire de plus en plus fort au moment d'une contraction ! Je  relâche, puis recommence ... Véto ou pas véto ? J'ai bien envie de téléphoner mais au fond de moi-même je me donne encore 5 minutes ! Il monte tout de même bien ! Il gèle encore dehors, je suis en nage ! Il faut dire que je tire de plus en plus fort au grès des contractions de la mère ! Encore une fois ! Miracle, je sens les épaules passer le bassin ! C'est mon vrai juge de paix, le veau est engagé, le vêlage se fera de façon irréversible par les voies naturelles ! Je ne prend quasi jamais le risque d'engager un veau avec la vêleuse ! Tout simplement parce qu'on a aucune idée de la force que l'on déploie en faisant levier ! Mais par expérience, je sais qu'on a toutes les chances de réussir un vêlage en engageant le veau à la main !

Je prend ma vêleuse, l'installe et commence l'étape suivante : Faire passer la vulve à la tête ! Pour comprendre , le veau se présente avec les 2 pattes avant allongées, la tête posée dessus ! Cela agit comme un coin provoquant le passage ... C'est toujours impressionnant de voir comme c'est bien fait ! Donc après les pattes, c'est le museau qui apparait ! Aucun risque pour le bébé à ce stade ! On tend, on détend, on retend avec la vêleuse ! J'ai pour principe d'accompagner, sans vraiment tirer, le mouvement, Je glisse 2 doigts entre la tête et la vulve pour masser et dilater en même temps que je tiens la vêleuse ! J'ai enlevé les peaux sur les naseaux, important pour tout à l'heure, les yeux apparaissent maintenant... Je me demande toujours s'il me voit ou si il est encore dans le cirage ? L'instant d'après , ce sont les oreilles qui passent, c'est amusant parce qu'à chaque fois , elles se déplient brutalement !!! A cet instant j'actionne très vite la vêleuse pour le faire avancer , les épaules sortent, le poids de la bête m'aide un peu puisque la mère n'a pas voulu se coucher, mais je m'active comme un fou !

Arrivé au ventre, je m'arrête ! C'est le moment critique du vêlage , celui où l'arrière train du veau s'engage dans le bassin, celui où on peut "rester pris" ! Je laisse le veau se reprendre ! Pourquoi ? C'est assez simple : juste après ce stade, le cordon se retrouve pincé entre le ventre du veau et le bassin de la mère ! Comme il n'est pas coupé, le veau n'a pas le réflexe de respirer et il n'a plus qu'une alimentation réduite en oxygène de la mère voir plus du tout !  Pour un veau de taille normal, je ne m'arrête pas , je tire et je l'arrache ! Les quelques secondes où le cordon peut être pincé sont sans danger. Mais là, je suis prudent. Je cherche à atteindre le cordon avec la main pour le couper avant de continuer ! En faisant ainsi, le veau va respirer et peut rester ainsi un bon moment même si ensuite on tire beaucoup !

Mais là, j'ai un vrai problème, je ne peut pas passer ma main , le veau est trop gros ou la vache trop petite ! Comme elle est debout tout le poids du veau pèse sur son ventre... Il ne me reste qu'une seule chose à faire : l'arracher le plus vite possible ! Plus facile à dire qu'à faire ! Je repars à la vêleuse au limite de la force possible ! En même temps, je mouline et je me sers du manche comme d'un levier, gagnant centimètre par centimètre... J'essaye également  d'onduler sur les côtés, mon but est de faire bouger les cuisses du veau dans le bassin !!! Je suis trempé de sueur, cela vaut des fontes en salle de gym ! Le stress est maximal ! Je peux distendre les ligaments du bassin de la mère et elle ne pourra plus se relever ! Je peux aussi casser le veau ! Il faut forcer tout en restant raisonnable, trouver la limite sans la franchir... Je ne sais jamais combien de temps je passe en réalité sur ce genre de vêlage ! Ni combien de temps je mets pour arracher un veau de cette taille à ce stade ! A un moment , on sent une cuisse qui passe le bassin et une demie seconde plus tard, la seconde... Et là , c'est la libération , c'est joué ! Enfin pas tout à fait, il faut recevoir le veau pour qu'il ne tombe pas de la hauteur de la mère, ce serait dommage qu'il s'assomme, puis le ranimer ! Parce qu'il a du forcer autant que moi !!!! Je le tire sur le côté, pour le cas où la mère se laisse tomber, je lui verse un demi sceau d'eau froide sur la tête et surtout je fais très vite couler un peu d'eau à l'intérieur de l'oreille ! Il se produit alors un réflexe qui provoque la respiration du veau ! Pour celui-ci, il faudra 3 essais avant qu'il réagisse , en même temps , je le prend par les pattes de derrière pour le tenir la tête en bas et évacuer ainsi les restes de liquide amniotiques éventuels ainsi que des glaires ! Il fait plus de 50 kg, c'est le dernier exercice physique ! Enfin, il démarre ... OUF !

Je désinfecte le cordon met une sangle de délivrance à la mère et de la farine sur le veau pour lui faire lécher ! C'est une génisse, elle ne sait pas ce qui lui arrive, elle doit avoir mal ... Un quart d'heure plus tard, elle le lèche et depuis je ne suis pas le bienvenu dans la case ! 2 heures plus tard je fais prendre un sachet de colostrum reconstitué avec la sonde car ces veaux là mettent des heures à se relever ! Mais pour cette fois , je l'ai retrouvé debout à 18 heures et je n'ai eu aucune difficulté à lui apprendre à téter ! Une fois sec et blanc, il m'impressionne ! J'ai inscrit 52 kg en poids, mais plus je le regarde, plus je le vois plus lourd ! c'est incroyable qu'une génisse aussi petite ait fait un tel veau !

Je fais entre 5 et 8 vélages aussi techniques chaque année ! Un peu moins cette année grâce à ce jeune taureau qui donne plus petit ! Je vais donc choisir un taureau issu du même mode de sélection pour remplacer mon vieux taureau qui lui me fait tirer un tiers de ses fils  ! La génétique, c'est important ! Même si les cas particuliers resteront toujours possibles, à toute heure du jour ou de la nuit , d'où notre vie quasi monacale au moment des vélages !

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Commentaires
P
Merci pour ce récit .<br /> <br /> Ca me fait toujours battre le coeur.
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D
moi avec mes gros bras jamais je ne pourrai couper le cordon a l'intérieur de la vache avec un veau engagé jusqu'au flan
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P
François : Je m'imagine posant tout pour prendre des photos !!! sourire<br /> Deschamps91 : Joker !!!! Je réponds lorsque je serai en retraite de certaines choses ! J'ai une opinion assez tranchée, alors je suis prudent ! sourire <br /> Yanik: c'est ce qui me manquera le plus si un jour je m'arrête !<br /> Dany : Merci, je ne sais pas si je suis si bon narrateur que cela !<br /> VAL : grand grand sourire !<br /> RDT: mais tout l'art est de limiter la douleur ! sourire<br /> Jean74: Je ne suis pas docteur, lui, il vient juste quand cela se passe mal !<br /> Nine : Oui, mais je le répète, toutes les naissances ne sont pas comme celle-ci !
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N
Bravo, encore un récit très intéressant concernant la vie d'un éleveur ; on réalise, là, que la naissance d'un veau n'est pas de tout repos.
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J
Bravo pour ce récit palpitant ! On a l'impression d'être spectateur à vous regarder faire ce travail harassant ! A voir en réel, c'est assez émouvant, en effet. Bravo docteur !!
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