la trilogie du Caucase, Julia Latynina
L'auteur, russe et très critique avec le régime actuel, dépeint ici une région peu connue du monde dont on sait à priori qu'elle est aussi explosive que les Balkans...
Je me souviens très bien, lors de la chute du mur de Berlin, donc de l' effondrement politique de l'URSS, des questions posées sur le devenir des républiques du bloc communiste. Colonisées depuis des lustres par les russes, mais musulmanes, très riches en gaz et pétrole, le devenir de celles du Caucase était un enjeu géopolitique. Occidentaux, nous n'avons pas attaché plus d'importance que cela à des événements lointains, préoccupés par les Balkans puis l'Ukraine. Nous savons que les russes ont matés dans le sang le soulèvement tchéchène pour ne pas voir toute cette partie de leur empire échapper à leur contrôle. Avec la réunification allemande, toute l'Europe de l'Est venait de basculer. On se souvient, parce qu'en été l'information est plus rare, de l'appel au secours du président géorgien après l'invasion de l'Ossetie du nord par l'armée russe, il y a si peu d' années seulement....
J'ai donc lu les deux premiers livres ( puisque le troisième n'est pas paru ) de cette trilogie. Soyons clair, il s'agit plus là de comprendre les fonctionnements de la société de cette partie du monde qu'une énumération chronologique et réelle de l'histoire de la région. J'ai cru, noms des protagonistes mis à part, replonger dans un autre livre, lu il y a bien longtemps et dont j'ai oublié le titre, traitant de la même façon de l'histoire de notre pays au temps de la guerre de cent ans. Les armes ont changé, mais la violence, souvent gratuite, y est toujours la même. Une multitude de clans, d'ethnies rend la lecture parfois déroutante mais retraduit la complexité extrême de cette région. Les armes parlent avant la loi. La corruption y est extrême, les alliances se font et défont au grès des événements.
Il faut aller au bout du second tome pour comprendre enfin que si personne ne tire vraiment toutes les ficelles, la puissance coloniale elle entretient et attise les confrontations locales, jouant avec les chefs de milices privées pour maintenir une guerre civile permanente. Car elle a sans doute compris que l'union de ces forces lui ferait perdre le contrôle définitivement. Comme le peuple afghan, je suis persuadé que ces peuples du Caucase ne renonceront jamais à leur liberté. D'où un montage compliqué de républiques fantoches, dites autonomes, mais sous contrôle. Pour compliquer le tout, il y a autant de russes corrompus aux ambitions d'enrichissement personnel que de russes "droits" pris en otage, ce qui pollue et complique la stratégie coloniale locale. Au hasard des pages, on comprend les liens religieux avec la Syrie qui expliquent les positions russes actuelles, mais pas avec l'Iran, pourtant la seule république islamique de cette région. Cela prouve que les liens, plus anciens et plus profonds car commerciaux, subsistent ce qui est confirmé par les échanges qu'ont certains personnages avec la Turquie ! Les anciens empires ressurgissent donc toujours, basés sur la géographie et les anciennes routes commerciales, liés de l'intérieur également par la religion. Caucase comme Balkans sont des points de frontières de ces anciens empires et restent des points de frictions...
Quand au simple citoyen dans tout cela ? Il n'est qu'un pion qui ne maîtrise pas son destin ! Une nouvelle fois, je mesure l'importance d'être né au bon endroit, même si tout n'y semble pas parfait !