utilité de peser les animaux
Ce soir je suis fatigué, nous avons pesé les veaux aujourd'hui. Je suis courbatu ! Régulièrement, il est de bon ton de se demander à quoi sert cet exercice ? S'astreindre à rentrer tous les veaux à des dates précises qui ne tombent pas forcément au meilleur moment coté disponibilité, c'est un peu se créer ses propres contraintes...
Le premier avantage que j'y vois, tient d'abord à la rigueur que cela impose. L'exigence de contention des bovins à une date fixée par avance oblige à gérer le troupeau sans reporter à une date ultérieure un travail par avance fastidieux. Je m'explique ; obligé de rentrer mes vaches pour le 15 octobre, j'ai dû anticiper depuis la semaine dernière. J'ai d'abord sevré le lot de mâles. Pour libérer de la place dans la stabulation libre, il m'a fallu relâcher les vaches hier après les avoir fouillé pour trier celles qui vous vêleront le plus tôt, puis celles qui vêleront plus tard et enfin celles qui sont vides. J'ai recommencé l'exercice avec le reste des vaches aujourd'hui. Ainsi, la semaine prochaine, les lots seront constitués en vue de l'hiver. En même temps, les veaux sont sevrés sauf les cinq derniers nés ! J'avoue que si je n'avais pas eu cette contrainte, j'aurai fini de semer le dernier quart de céréales et j'aurais reporté à début novembre les opérations sur le troupeau.
Mais le plus gros avantage de la pesée réside dans l'utilisation des chiffres. En pesant les veaux trois fois au cours de la première année, on peut, par comparaison, déterminer la capacité laitière des vaches ainsi que le potentiel génétique de croissance des animaux. En même temps, les animaux ont été pointés aujourd’hui, c’est à dire que le peseur leur a donné une note sur des critères précis de conformation, de taille squelettique, de développement musculaire…
Toutes ces notes et poids sont ainsi brassés et triturés pour donner des notes ( index ) aux veaux, vaches et taureaux. Je sais ainsi quelles sont les meilleures vaches, les meilleures lignées non seulement dans mon élevage mais également par comparaison avec les autres élevages de la race ! Ces index servent aussi lors de l’achat de taureaux ! Inutile de vous dire qu’ils donnent des petits boutons à certains éleveurs qui les contestent… Je ne veux pas entrer dans la polémique donc je laisse chacun libre de penser ce qu’il veut du système. Moi, j’y suis attaché pour une raison simple :
Certaines qualités de l’animal s’expriment directement dans le corps de l'animal et peuvent se lire en le regardant simplement . La conformation par exemple, c’est à dire si l’animal porte plus ou moins de viande ! On appelle cette expression le « phénotype » ! A la limite, pour ces critères là, on peut se fier au coup d’œil pour choisir un animal !
D’autres qualités ne s’expriment pas comme cela, elles ne sont pas visibles en regardant l’animal ! Elles sont difficiles à chiffrer et indétectables à l’œil nu si on ne connaît pas le troupeau. La valeur laitière de la vache par exemple ! On appelle cela le génotype. Bien sûr dans mon troupeau, j’ai ma petite idée pour classer mes vaches mais je suis incapable de connaître le potentiel réel d’un futur taureau si je vais le voir chez un collègue. S’il lui a donné plus que de raison un complément alimentaire, le veau sera plus gros mais cela ne sera pas du à la valeur laitière de la mère… Il y a des programmes complexes pour tester, mais ils sont in-envisageables au niveau d’un élevage ! Reste donc les index issus de la pesée qui sont de bons indicateurs même s'ils ne sont pas complets.
Mais l'intérêt est aussi de comparer les méthodes sur l'exploitation. Par manque de paille, j'ai laissé 2 * 3 couples mère/veaux l'hiver dernier dans les prés. À la fin de la pesée aujourd'hui, le technicien m'a laissé les feuilles sur lesquelles apparaissent un certain nombre de chiffres. Au bout des trois pesées, on est capable de calculer le poids à 120 jours et celui à 210 jours. À 120 jours (04), on peut apprécier la valeur laitière de la vache. À 210 jours(07), c'est plus le potentiel de croissance du veau qui est mesuré. Or sur le tableau, cela m'a tout de suite sauté aux yeux :
Les quatre premières génisses( rouges) ne sont jamais rentrées à l'étable !
Les deux premiers mâles ( rouge), sont également restés dehors ( le second )! Comme je connais la valeur théorique des mères, je peux affirmer sans prendre de risques que pour avoir des indices très largement supérieurs à 100 sauf pour le premier mâle dont la mère est mauvaise laitière, les conditions d'élevage ont été plus que favorables. Des vaches restant au pré tout l'hiver avec du foin à volonté et une petite ration de complémentaire, ont a priori plus de lait que les vaches suivantes (à priori meilleures car n'étant plus primipares ) qui étaient en stabulation. Mais de plus, les veaux ensuite ont eu une meilleure croissance ! J'attribue ces résultats au simple fait que vaches et veaux ont eu toujours de l'herbe à consommer. Ainsi, il n'y a jamais eu de stress alimentaire comme en subissent des animaux qui passent d'une alimentation sèche à une alimentation humide.En avril, ils ont profité de la pousse d'herbe pendant que leur collègues ( bleu) de même âge étaient en phase d'adaptation alimentaire. De plus, habitués à être toujours dehors, il n'y a pas eu le stress physique du lâcher.
J'étais loin de m'imaginer un écart aussi important et significatif. Cela me conforte dans l'idée que nos bâtiments d'élevage ne sont pas aussi performants qu'on nous le dit. Le confort des animaux est souvent comparé au confort humain. Or les animaux ne sont pas fait pour vivre forcément dans des endroits confinés. De plus, les stress liés au changement de nourriture, de parcelles et de logements sont beaucoup plus importants que les stress liés à des conditions météo extrêmes mais de courte durée. Il n'est pas question ici d'envisager un plein air intégral pour tout le troupeau. Par contre, si j'en avais les moyens, au lieu d'agrandir les bâtiments existants, je ferai trois ou quatre petits bâtiments qui puissent permettre de donner à manger au pré, à un troupeau complet en période de pâture. Et l'hiver venu, ils serviraient d'abris à un quart de ce troupeau de façon à ne pas abîmer la pousse d’herbe en cherchant à se protéger. Cela permettrait d'économiser beaucoup de paille, d'avoir la possibilité de toujours contenir les animaux, et de diminuer fortement les stress aux époques charnières.
Enfin, les cathédrales préconisées aujourd'hui coûtent une fortune. Revenir à des choses plus légères et plus simples, beaucoup plus fonctionnelles, serait plus prudent dans cette période d'incertitude... Mais il est vrai qu'un investissement beaucoup plus léger ne génère pas une activité économique importante ! C'est sans doute pour cela qu'elle n'est pas envisagée et même très critiquée par beaucoup de conseillers qui ont peut-être peur de perdre une partie de leurs prérogatives avec des systèmes beaucoup plus simples... ?