Quelles attentes par rapport aux semenciers ?
Voir le prix des semences doubler en 12 ans ne peut que conduire à revenir aux semences fermières. Les semenciers se plaignent de ce droit de ressemer des paysans. On estime que les semis de semences fermières concernent la moitié des surfaces semées en blé en France ! Pourtant, la France est le pays qui semble employer le plus de semences certifiées.
Régulièrement il y a de grands débats sur le sujet, certains n’hésitent pas à proposer l’interdiction pure et simple du droit à ressemer ! On évoque la propriété intellectuelle que constitue la mise au point d’une variété nouvelle, la propriété scientifique, j’en passe et des meilleures. Le rêve des quelques énormes groupes financiers qui gèrent le recherche en la matière serait de pouvoir vendre une semence stérile, c'est-à-dire une semence qui ne puisse pas se ressemer. Monsanto en croyant répondre à des arguments techniques générés par la crainte de diffusion de caractères modifiés sur l’ADN ( variétés OGM) annonça la stérilité des variétés concernées. Je pense que le plupart des paysans y ont vu ce qui m’est apparu comme une atteinte à notre droit de cultiver ! D’autres essayent de faire mettre en place des taxes sur les semences fermières qui soient partagées ensuite entre ces grands groupes au motif de financer la recherche. En parallèle, une législation incroyablement complexe est mise en place pour rendre impossible l’inscription au « catalogue » des variétés sans d’énormes moyens financiers. Au passage, on en a profité pour éliminer toutes les variétés historiques dans presque toutes les productions, en particulier maraîchères. En parallèle, pour utiliser le plus de l’effet d’hétérosis donné par la nature grâce au croisement de deux variétés pures, on crée des hybrides qui n’ont d’intérêt qu’à la première utilisation, donc qui nécessitent d’acheter chaque année la semence….
Vous l’avez compris, l’enjeu n’est plus seulement technique mais de plus en plus financier. Comment tirer des royalties sur chaque hectare semé ? On invente donc toujours de nouvelles variétés, toujours plus productives. En soi, cela peut paraître un plus, sauf que…
Je me suis interrogé, en préparant un débat l’année dernière avec la population locale en vue de justifier nos pratiques, sur mes objectifs de culture. Les sols de la ferme ne permettent pas d’envisager des rendements record. La moyenne nationale doit se situer aux alentours de 70 à 75 qx / ha. Le raisonnable ici est d’avoir un objectif de 55 Qx ! Si je me compare au rendement d’un céréalier picard qui lui cherche les 100 qx, je suis minable et ferai mieux de laisser la charrue aux orties. C’est ce qu’ont fait bon nombre de mes collègues… Mais si j’intègre mon objectif dans l’ensemble de la production de la ferme, avec la paille pour les stabulations et le grain pour nourrir les bestiaux, la donne change. Je le vérifie chaque année : Si je devais racheter tout ce que je produis même avec mes rendements minables, ma marge serait bien moindre, même si mon centre de gestion continue de m’affirmer le contraire par une présentation tronquée des chiffres comparant les fermes, entre celles qui sèment encore et celles qui sont tout herbe. (Je vous montrerai). Je crois, plus que jamais, qu’il faut trouver le point d’équilibre de chaque ferme pour qu’elle soit d’abord le plus autonome possible au moins sur toute la partie élevage de la naissance à l’entrée en finition. C’est plus complexe pour la production de lait et la finition des animaux. Mais pour que cette marge soit bonne, il faut que je m’assigne une conduite de culture raisonnable en fonction de cet objectif de rendement. Je n’ai donc pas intérêt à voir arriver de nouvelles variétés plus productives mais plutôt de nouvelles variétés plus économes en intrants. Je m’explique. Ne pouvant de toute façon pas utiliser un potentiel génétique élevé, je suis plutôt demandeur de variétés qui produisent le rendement recherché en valorisant mieux l’azote dont les apports sont limités. Je préférerai des variétés résistantes naturellement aux maladies plutôt que des variétés toujours plus productives à condition de mettre de plus en plus de produits. L’essentiel n’est pas un rendement maximum mais un rendement aussi sûr que possible avec le moins de frais possibles. Je rêve donc de variétés nouvelles plus rustiques ! Bref, l’envers de ce qui est proposé aujourd’hui en terme de nouveautés…
J’ai lu trop tard après les semis, dans le journal agricole départemental, une technique nouvelle que j’aurai bien aimé essayer cette année. Nous avons pris l’habitude de semer une variété de blé par parcelle culturale. Pour mieux lutter contre les maladies en particulier, on pourrait semer entre 3 et 5 variétés mélangées sur la même parcelle. Il semblerait, cela reste expérimental, que la résistance naturelle à une attaque de maladie soit plus efficace sur ces parcelles. En effet, aucune variété n’est capable aujourd’hui de résister à toutes les maladies. Mais une variété peut être plus résistante qu’une autre à une maladie précise. Or, si j’ai bien compris, la présence de variétés plus résistantes protège les plus sensibles de cette maladie. Un peu comme la vaccination partielle d’une population d’animaux joue sur le développement d’une maladie. Celle-ci ne protège pas totalement mais freine très sérieusement son développement. Entouré de sujets vaccinés, le risque d’être contaminé est moindre. Bien sûr cette nouvelle technique a ses détracteurs et ses supporters. J’avoue que l’argumentation est solide même si je sais que la chance pourrait me permettre de faire mieux une année sans attaques, en tombant sur la bonne variété pour la bonne année climatique! En fait, on est toujours dans ce débat entre assurer un rendement optimum ou viser un maximum… De plus, il n’est pas aussi simple de choisir des variétés complémentaires. Il faut qu’elles soient toutes mûres en même temps, qu’elles aient bien des résistances croisées…
J’ai néanmoins changé de stratégie cette année sur la ferme ! Le triticale est plus rustique que le blé, il donne plus de paille. Par contre, il était plus sensible à la verse que blé ou orge ! De nouvelles variétés n'ont plus ce défaut. Ayant maintenant l’assurance de ne pas l’envoyer systématiquement par terre comme il y a quelques années, je peux augmenter les surfaces. Très rustique, le triticale se sort bien de l’absence de traitements. Il semble qu’il est moins besoin d’azote. Je vais donc tenter un assolement blé, triticale, triticale et ainsi de suite...
Pour en revenir aux semences, j’ajoute que tout est hyper contrôlé. La réglementation est très stricte en terme de commerce. Il est sans doute normal que l’on soit sûr de ce que l’on achète. Ainsi, des sacs étaient troués cette année...