Du muguet naturel au 1er avril ? Corydalis le laisse...
Les thermomètres naturels s'affolent ! Imaginez le muguet naturel fleurir au 1er avril au lieu du 1er mai ! C'est la trajectoire actuelle de dame nature...
Voilà plusieurs jours que je m'échappais pour prendre le soleil en refaisant des clôtures. Je veux mettre un point d'honneur à laisser une exploitation clean à ce niveau et la sécheresse m'a empêché de le faire à l'automne... Chaque jour, je me croyais au mois de mars, devant poser les vestes l'après-midi, tant il faisait beau et même chaud. En quelques jours, les cultures ont changé. J'ai même fait la réflexion à un pair que c'était déjà trop tard pour le premier passage d'ammo...
On a touché le summum dimanche avec un temps aberrant pour un mois de février. Je me suis mis au jardin, les rosiers étaient déjà repartis, j'ai du les tailler en catastrophe alors que c'est une opération que je fais à mi-mars habituellement. J'ai alors pensé à mes collègues vignerons qui doivent déjà stresser, non seulement si la taille n'est pas terminée, mais également parce que la montée en sève a déjà commencé avec les risques de gel si...
Pour en avoir le cœur net, j'ai décidé d'aller voir ce qu'indiquait le premier marqueur naturel de la ferme ! Et là, stupeur, elles sont déjà en fleur, le 20 février ! Remontez dans les archives de ce blog, vous retrouverez comme moi traces de la floraison toujours aux alentours du 20 mars... La nature a donc un mois d'avance alors que l'hiver ne donne pas encore l'impression d'avoir commencé !
Cette perte de repère est déroutante. Le réchauffement climatique est bien réel depuis plusieurs années. Ce qui me pose question est cette plongée dans l'inconnu. Dictons, transmissions d'expérience à travers les âges entre paysans n'ont plus cour... Si on regarde la nature, le printemps est là, le 20 février. Mon père m'avait bien parlé d'une année où ils avaient pu lâcher les vaches à cette date. Malheureusement, je ne sais plus laquelle et il n'est plus là pour me dire comment ils avaient géré les mois suivants.
Si je prends une posture négative, ce démarrage avant l'heure peut devenir catastrophique. Dans quelques jours, un mois maximum, les végétaux seront vulnérables au gel. Un -5°C pourra alors détruire la récolte. Souvenez-vous des chênes gelés il y a une bonne dizaine d'années. Il leur avait fallu un mois pour relancer les bourgeons secondaires et retrouver des feuilles guère avant le mois de juin. Sauf qu'après ces années de canicule et de sécheresse, trouveraient-ils la force de se relancer ? Tout le monde végétal est donc terriblement sensible à ces gels tardifs. Ils le seront cette année, même avec des températures de normales saisonnières, au regard du stade végétatif. L'élevage serait directement impacté par les risques d'avortement avec des vaches mangeant de l'herbe gelée mais surtout avec une nouvelle fois une moindre production de nourriture...
Si je prends une posture positive, au contraire de mes propos précédents, je mise sur un printemps hyper-précoce. Pas de gelées dangereuses, une pluviométrie régulière, et c'est l'année du siècle pour le pâturage. Ce ne sont pas, alors, les épisodes de neigeote, comme celle annoncée cette semaine qui sont dangereuses. La pousse d'herbe est alors régulière et abondante. Pour la photosynthèse, il faut du carbone, donc avec des conditions d'humidité et de températures favorables, tout est là pour d'excellentes repousses et donne enfin la possibilité aux éleveurs de refaire des stocks. Ces derniers leur ayant cruellement fait défaut ces dernières années. C'est comme si la nature se rattrapait, comme pour les 7 années de vaches grasses et les 7 de vaches maigres de la bible...
Rien ne permet de savoir de quel côté va basculer dame nature. C'est le sort du paysan d'envisager les scénarios et s'y préparer. Il est facile de refaire le monde paysan depuis son salon. Il est facile de prétendre que tel ou tel système de production semble mieux convenir à ses propres convictions idéologiques quand on n'est pas confronté aux réalités de la nature. Pourtant aucun système, mis à part les productions hors-sol ( et encore) ne peut s'affranchir de ces aléas. Dimanche, en taillant les rosiers, j'entendais une multitude de motos sur nos routes. Je comprends le bonheur de rouler à l'air libre que peuvent ressentir les pratiquants. J'imaginais également le bonheur des enfants redécouvrant le tas de sable abandonné depuis l'automne. Je voyais le plaisir simple des promeneurs sur le chemin de randonnée... Quelle bonne chose que de pouvoir profiter d'une si belle journée ! Mais, loin des préoccupations matérielles de ceux qui vivent de la nature, combien ont pensé aux enjeux d'une telle situation ? Pourtant, ce sont certains parmi eux, qui affirment haut et fort que ça ou ça est bon ou pas pour leur alimentation. Certains qu'ils sont que de toute façon, ce qu'ils ne trouveront plus en France, pourra s'acheter à l'autre bout du monde et donc qu'ils peuvent s'affranchir des abandons locaux qu'ils pourraient engendrer !
Corydalis, cette année, m'inquiète plus que covid-19, du moins pour le moment...