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La guerre des masques vue de ma cour de ferme...
Depuis mercredi soir, je ne décolère pas. J’ai besoin de m’exprimer ici, alors que volontairement, je me refuse à entrer dans le jeu de m’ajouter aux 67 millions d’épidémiologistes français…
Tout est venu en découvrant ce tweet :
Je vis très proche du milieu médical ! Depuis la mi-février, c’est la course pour tenter de s’équiper pour protéger patients, comme soignants, du virus ! Je dis bien mi-février !! Car sur le terrain, beaucoup d’infirmières comme beaucoup de médecins ont commencé à se soucier de la pandémie tandis que Paris chantait « grippette ». Ainsi, en vacances, on a fait le tour des pharmacies comme des magasins de bricolage à la recherche de précieux masques, entre-autre… Avec un très maigre résultat car, à contre-pied des messages d’en-haut, nous n’étions pas les seuls à anticiper. Le bon sens est encore partagé. On comptait sur la « réserve nationale » vantés par les discours officiels, donc pas de panique face aux résultats de la chasse…
On sait comment les choses ont, malheureusement, évoluées depuis ! A propos de masques, on a tout entendu. Le discours du général en chef de la médecine en France, le directeur de la santé, a fait un demi-tour complet en un mois, le décrédibilisant définitivement auprès des gens compétents. Sa dernière sortie sur les nombres de morts en réanimation prouve son incapacité à gérer une telle situation. Cela rappelle plus les ordres et contre-ordres des adjudants de casernement (pour ceux qui ont fait le service militaire) que la stratégie d’un général de corps d’armée avant une bataille. Encore ce matin, seulement 12 heures après sa publication, la carte des départements est pleine d’erreurs (Corse, Lot…). Sur le terrain, ARS et hauts fonctionnaires parisiens sont définitivement décrédibilisés. Cela va être un énorme problème au moment où l’adhésion de chacun d’entre-nous va être déterminante pour réussir le déconfinement. Comment trouver le bon équilibre entre risque sanitaire et maintien d’un minimum d’activités économiques pour que tout ne s’effondre pas quand l’appareil administratif d’état n’est plus crédible ?
Le jsl, 1 mai
Cette incompétence administrative pour gérer une crise inédite, donc être capable de sortir des sentiers battus, est compensée sur le terrain, par des élans de solidarité remarquables. Toutes les machines à coudre de notre région sont en action pour palier à l’incurie de nos dirigeants. Car si une ministre ne sait pas mettre un masque, ou si un directeur de la santé nous croit incapable d’en faire bon usage, les soignants de terrain n’ont jamais varié de discours et commencent à convaincre leurs concitoyens par leurs arguments et par l’exemple dès qu’ils en ont eu les moyens. On a découvert qu’on pouvait, sous certaines conditions, avoir des masques réutilisables ! Les « normeurs parisiens » ont été dépassés par le terrain qui a vite compris qu’une protection, même imparfaite, était préférable à rien du tout ! Heureusement, sous la pression solidaire, mais au bout d'un mois quand même, la norme s’est transformée en conseils intelligents sur le choix des tissus… Le tout jetable, justifié en milieu de réanimation, n’est plus officiellement exclusif.
Mais cette solidarité ne fait pas l’affaire de tous ! Le gratuit, c'est un marché de moins, donc du business en moins! Une administration sanitaire out, une solidarité spontanée et gratuite ne font pas l’affaire de nos grands commerçants. Nous, paysans, en connaissons bien les fonctionnements et l’appétit financier sans fin de ce monde. Pendant que tout le monde médical se démenait à trouver des masques, ils préparaient leur rebond, très discrètement : Objectif, reprendre la main ! Mercredi soir, toute la stratégie s’est dévoilée…
On n’imaginait pas les Leclerc, carrefour, intermarché, auchan, casino et superU ne pas profiter de la crise sans chercher à renforcer leur dominance et leurs profits. Depuis 3 semaines au moins, on nous abreuvait d’images d’avions cargo livrant des millions de masques, transportés ensuite sous haute protection dans des endroits secrets. Sur le terrain, les pauvres pharmaciens devaient gérer le rationnement ARS, 18 masques par semaine pour les soignants !!! 6 FFP2 maximum (pour une durée d’utilisation de 8 heures) et 12 FFP1 (4 h de protection) par médecin par semaine, le tout pour protéger également secrétaires et autres aides. On avait bien compris qu’il y avait eu quelques fuites, côté logistique ,vers le marché noir, lors des premières distributions. Mais cela n’expliquait pas tout ! Où passaient tous ces masques ?
Et bien, on a la réponse ! Nos grands marchands, au mépris de la santé des citoyens de ces dernières semaines, ont stocké. Leur objectif est d’être incontournable dès lundi et de ramener les consommateurs dans leurs magasins. Mais pour que cela marche, ils ne peuvent se permettre de décevoir le client, il leur fallait donner l’impression que cela vaut le coup de se déplacer dans leurs hypers ! Du coup, les chiffres donnent le tournis. 100 millions annoncés chez Intermaché, 170 millions chez Leclerc qui se devait d’être le premier mais qui se fait coiffer sur le poteau par carrefour avec ses 225 millions… Voilà où sont passés une bonne partie des masques depuis un mois ; dans les stockages des GMS ! Le début des hostilités est prévu pour ce lundi. Les stratégies se dévoilent, par exemple chez certains, avantage aux détenteurs de la carte de fidélité… Pas besoin de vous expliquer les buts du jeu, on est à l’opposé de la solidarité nationale qu’impose la crise sanitaire ! La réaction, compréhensible, des pharmaciens est révélatrice…
"Ce 29 avril 2020, une ANNONCE MIRACULEUSE arrive sur les chaînes médiatiques : les GMS ont des millions de masques CHIRURGICAUX à vendre À PRIX COÛTANT aux Français.
Les sauveurs arrivent, pendant que nous pharmaciens apprenons le soir que nous sommes invités à vendre les masques chirurgicaux de notre propre stock avec discernement, en les délivrant en priorité aux personnes fragiles ou à risque.
De quel stock parlons-nous ?
Pendant cette période de réquisition de sept semaines, comment expliquez-vous que les GMS aient pu commander, obtenir et stocker plus de 500 millions de masques chirurgicaux ?
Comment l'expliquer aux professionnels de santé et aux patients fragiles qui en ont cruellement manqué ?... "
Pas un média ne dénoncera cette hérésie ! La période est complexe pour eux avec le recul des recettes publicitaires. On ne peut critiquer un financeur. Le passage chez Bourdin de Michel Edouard hier matin m’a conforté et n’est pas dû au hasard. Nous verrons dès lundi, mais je suis prêt à parier que nous allons avoir des campagnes tout azimuts de nos grands commerçants pour une guerre de communication sur les masques. Ce sera à qui se prétendra le meilleur ! Ils se présenteront comme les chevaliers blancs venus au secours de la population. On parlera de « prix coûtant » pour se laver les mains de toutes critiques et passer pour les sauveurs du monde. On se gardera bien de rendre des comptes précis sur le calcul de ce prix ! On connait par cœur la méthode avec les produits agricoles. On y inclura des tas de charges financières, comme des loyers exorbitants et bien sûr, on y inclura la campagne publicitaire. Ainsi, c’est gagnant sur 3 tableaux ; silence médiatique, image de sauveur et regagner des clients ! Je ne pense pas me tromper beaucoup en écrivant cela…
Par curiosité, j’ai voulu me rendre compte des enjeux financiers et des marges de manœuvre. J’utilisais des masques chirurgicaux par crainte du poumon fermier lors de travaux très poussiéreux. Pour les travaux trop répétitifs, j’ai abandonné le masque FFP3 car il prenait la poussière, côté nez, quand je le posais à côté de l’aplatisseur une fois le mélange fait. Donc j’ai essayé le jetable et il m’en restait quelques-uns (j’ai donné les propres aux soignants au début de la crise). J’en avais donc acheté dans un magasin de produits d’équipements paramédicaux et j’ai retrouvé la facture ainsi que les restes de la boite… Faites le calcul, 3,60 € + 0,72 € de tva = 4,32 € pour 50 masques, soit O,084 € par masque : oui, 8,64 cts !!! Et on nous parle de 60 cts comme d’un cadeau !!! Je vous laisse juge même si je suis certain que les chinois et le reste de la chaîne ne sont plus sur les chiffres du début d’année (un copain maçon en a acheté une boite à 4,50€ en janvier). On comprend que cette manne incroyable ne laisse pas indifférent tout financier…
Pourquoi déclarer la guerre le 4 mai et non le 11 mai ? Il faut chercher l’explication sur le terrain. Tous les responsables politiques locaux sont en chasse de masques depuis des semaines. Les premiers qui aient réussi, ont subit des réquisitions sauvages de l’administration centrale qui a masqué son incompétence à s’approvisionner en piquant chez ceux qui avaient réussi… Puis les fabricants locaux ont subi la pression de nos grands marchands. Ainsi, notre présidente de ComCom a réussi à passer une commande, pour une livraison pour cette semaine, chez un fournisseur proche qui avait commencé de livrer quelques centaines de masques tissus localement. Brutalement la livraison a été repoussée d’un mois au motif de commandes plus urgentes… On imagine sans peine que l’argument de la perte du référencement GMS est autrement plus puissant que la commande ponctuelle d’une collectivité territoriale ! Elle a trouvé une solution de repli mais livrée plus tard. On l’accusera d’être responsable du retard. Avec d’autres, je vais participer à une distribution gratuite à la population, mais sans doute après le 11 faute de munitions. Ainsi, les élus locaux arriveront après la bataille, alors qu’ils sont en première ligne depuis le début de la crise. On leur redonnera une vraie-fausse importance en leur laissant l’impossible gestion de la réouverture des écoles, sans moyens mais avec le droit de retrait des personnels et des parents récalcitrants…
Ainsi, nous, élus locaux ne viendront pas gêner la grande bataille des masques des GMS ! Que tirer de tout cela ? J’ai un doute sur la probité des fonctionnaires de Bercy. Les lobbyings doivent y régner en maître. L’annonce d’un plafonnement du prix à 95 cts (10 fois le prix de janvier) est risible… La haute fonction publique a pris le pas sur les politiques ! Elle gère sur la base de chiffres en tableaux, sans prendre de recul, ni vérifier les données, en méprisant les avis de terrain. La carte de ce matin dont on découvre qu’elle est truffée d’erreurs, 12 heures après sa parution en est un triste exemple.
Plus profondément, la crise pose une vraie question de fond sur le fonctionnement économique ! Le slogan « les stocks coûtent toujours trop chers » est remis en cause. Les stocks sont des régulateurs. Il est normal qu’ils soient mal vus par les spéculateurs puisqu’ils limitent les opportunités d’argent facile. Imaginons un stock de masques comme en 2009, un port du masque obligatoire dès mi-février, des respirateurs et d’autres moyens rapidement mobilisables sur place et quelques autres mesures sanitaires : Le confinement n’aurait plus été le seul moyen de lutter. Les coûts humains, comme les coûts économiques, qu’on ne mesure pas aujourd’hui, auraient été très très différents et le coût de ces stocks paraitrait dérisoire. Si j'ai payé le masque 8,64 cts la boite de 50 au détail, j'imagine que 10 masques pour 67 millions de français auraient pu se négocier à 5cts le masque. Avec une durée de vie de 5 ans, le coût annuel serait de l'ordre de 10 euros par citoyen ! Au regard de la situaton actuelle, trop cher le stock, même avec 100 masques par personnes ?
Mais les opportunistes financiers auraient un terrain de jeux limité. Les masques ne sont pas leur seul champ de bataille. Un autre scandale concerne les marges variables des GMS sur les produits alimentaires, dont on voit le résultat sur les prix ces jours-ci ! Entre les slogans publicitaires et la réalité... Mais une seule colère à la fois !
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