Ô rage au ventre...
Comment vous expliquez ce que je ressens ?
Imaginez vous lundi, il y a une semaine. Les orages étaient initialement annoncés pour mardi. J'avais calé mon travail de foin sur cette prévision. Les températures atteignaient 36°C... Une température plus agréable à supporter au bord d'une piscine que dans mes vieux tracteurs.
Pas de clim ! Le terrain est si sec et dur qu'en travaillant les foin, on soulève une poussière incroyable. Pas question de renoncer malgré tout, il faut avancer et faire les heures qui vont avec la récolte de foin. Les organismes ont du mal à s'acclimater aussi vite à une telle variation de température. Mais, avec dame nature, c'est bien à nous de nous adapter et non l'inverse, ce qu'oublient beaucoup de nos contemporains...
Il y a des tracteurs partout en ce week-end de pentecôte. De quoi faire pester les vacanciers du dimanche. Tout paysan sait que cette opportunité de récolte risque d'être de courte durée. Une telle flambée des températures en peut qu'entrainer des orages très violents. J'observe trois fois par jour les trajectoires des nuages sur mon site préféré. Le flux de sud coupe la France en deux, verticalement. A l'ouest, c'est électrique avec des dégâts de grêle parfois énormes. Nous en sommes épargnés, du moins au début. Cette situation ne m'inspire pas confiance. Je prévois pour récolter en enrubanné tout en jouant "foin" ! Dès que les températures dépassent 30° C , c'est possible, même début juin. Dès samedi, je ralentis la fauche. Il faut encore 3 jours pour faire sécher...
Lundi après midi ! J'ai fini d'andainer à midi, je souffle. Je suis assommé par la chaleur et fatigué du travail incessant des 5 jours précédents. Il fait 35 °C, une chaleur lourde... La veille, j'ai prétexté d'avoir les enfants à la maison pour éviter le tracteur aux heures les plus chaudes, de 13 à 15 h 30 ! Ce lundi, j'ai envie d'attendre de la même façon, presser plus tard, à la fraîche ne serait pas stupide...
Vers 13 h 30, je jette un coup d'oeil sur la carte radar. Rien d'alarmant, mais de petits bourgeonnements sur la Haute Loire. Cela crée un doute. Dès lors, plus moyen d'y échapper ! La facilité me pousserait à rester au frais, mon instinct paysan me pousse à aller me cramer : les foins avant tout. Je pars presser !
Vers 15 h 30 : Il n'y a plus de doute, un orage monte au loin. Il me reste 2 tours. Je me refuse à pousser les feux. Je sais que je risque la casse matériel et je pense que j'ai le temps. Le son de l'autoradio est zébré de craquements de plus en plus rapprochés. Je ne cède pas et garde mon rythme. L'orage monte très très vite du plein sud. Imperceptiblement, il semble glisser légèrement à l'Est. Je termine , trempé de sueur tant il fait lourd. Lorsque je descend du tracteur, ce ne sont que des roulements de tonnerre...Je rentre à la maison mais déjà, j'ai remarqué que nous n'aurons pas de pluie. Pourtant, que cela ferait du bien. En 4 jours, la canicule a changé les prairies en paillassons. L'orage a glissé et pas une goutte d'eau ne tombe... La chaleur revient en fin d'après midi.
Les prévisions annoncent des orages jusqu'à jeudi. Je ne fauche pas même si le mercredi est annoncé beau. Bien vu côté météorologues ! Jeudi après midi, des orages tournent autour. J'espère la pluie. Imaginez un arc de cercle allant de 5 km au Nord Est, à 500 m à l'Est et 1 km au Sud et Sud Est ! Il tombe entre 15 mm et 50 mm d'eau. Je la vois de mon tracteur et rien ici ! J'en ai les larmes aux yeux. Pourquoi est on banni ainsi des dieux ? Je suis abattu. Je laisse filer le vendredi avec les "rares averses" annoncées sans faucher et je recommence samedi , pour retrouver ces journées les plus longues.
Cette fois, les foins sont secs sur pied ! Il faut deux jours pour récolter. Il y a encore plus de poussière ! La condition de paysan reste aléatoire, j'ai du mal à retrouver le moral. Mais je n'ai pas le droit de m'apitoyer, il faut continuer de travailler à fond pour finir le travail de récolte (sans doute en début de semaine prochaine). A nouveau, des orages sont annoncés pour demain mercredi. Sans doute le même scénario, aussi je n'espère plus. Je ne fauche pas ce matin, non par prudence mais pour rendre service à un voisin !
A 1 km près...