Le fil rouge pour l'avenir de la ferme

Mercredi après midi à Charolles....

Maintenant que je partage l'utilisation de ma voiture avec mes deux derniers, je suis obligé d'annoncer mes déplacements et de les optimiser au maximum... De plus, il me faut gérer les pleins ce qui complique un peu les choses. C'est toujours quand on est pressé, que l'on découvre que  la jauge indique que le réservoir que vous pensiez  contenir de quoi largement faire le trajet souhaité est plutôt proche de zéro !

Ce n'était pas le cas ce mercredi mais il me fallait passer par la coopérative pour payer le tourteau que je m'étais engagé à régler comptant deux jours plus tôt ! La conciliation de l' horaire me fait arriver dix minutes en retard à cette réunion que je ne voulais en aucun cas manquer ! J'y suis convié en tant que simple paysan ! Mais le thème me concerne au plus haut point puisqu'il s'agit de la première restitution de l'étude prospective pour l'avenir de l'élevage allaitant de notre région aux éleveurs locaux. Comment ce travail qui nous a passionné cet hiver, qui a ouvert des débats assez hards lors des comités de relecture, qui a surtout permis de tisser un réseau de liens très amicaux entre les protagonistes de la filière locale va être perçu par le terrain ?

Avec moins d'un quart d'heure de retard, je suis presque en avance ! Le fameux quart d'heure charollais ! Les rangs sont très clairsemés, trop ! Est ce  ce soleil magnifique que règne en maître dehors ? Sont ce les ensilages de maïs qui viennent de débuter et qu'en bon paysan chacun veut voir terminer chez lui au plus vite puisque l'on sait que la pluie sera là le lendemain soir ? Est ce la peur d'une réunion trop longue puisque les cartons d'invitation mentionnent la totalité de l'après midi ? Ou est ce un problème beaucoup plus grave ?

Il est de notoriété publique que notre secteur vit une crise depuis 3 ans, avec l'arrivée de la FCO d'abord et de la crise économique ensuite avec ses folies spéculatives qui se font sur notre dos puisque le prix de nos fournitures les répercutent intégralement sans que le prix de nos produits augmentent.  Tout s'accumule. Les coups de boutoirs médiatiques, mettant en concurrence alimentation humaine et animale, rendant le « pet » vache plus nocif pour la nature que l'avion, la voiture ou le chauffage  (on ne touche pas aux loisirs!), ébranlent toujours plus les certitudes ancrées depuis des siècles dans nos campagnes. Les discours politiques ou de responsables se veulent rassurants ! Mais quand on voit arriver chaque  semestre des charges nouvelles qui viennent amputer un peu plus un revenu moribond, portés pour ne pas dire justifiés par les mêmes personnes au motif que c'est pour des raisons de sécurité, pour le bien de la nation ou imparable, pour celui de la planète donc pour le bien de notre image, le décalage  devient criant !      

Chaque rencontre avec mes confrères est l'occasion de mesurer l'immense désarroi qui s'est emparé de chacun. Avec une connotation nouvelle puisque PH est lu beaucoup plus que je ne l'avait imaginé ! Ils ne laissent pas de traces de leur passage. Je comprends maintenant pourquoi le nombre de connections n'a aucun rapport avec le nombre de commentaires. Je l'attribuais à des arrivées au hasard des recherches google ! J'aurai du être alerté par le fait que le mot clé qui conduit ici est paysanheureux dans plus de la moitié des cas ! Avec les provenances, c'est le seul truc que je regarde sur le module statistiques du blog. Donc la découverte d'une double personnalité entre ce que je suis dans le réel et PH, conduit à une sorte de proximité ou d'intimité que je ressens de plus en plus souvent lors des rencontres réelles. A tel point que Mme PH contrôle de plus en plus mes publications... Plusieurs fois, on m'a demandé de laisser transparaitre beaucoup plus cette partie plus sensible et plus humaine du PH dans sa vie non virtuelle. Comme si beaucoup se reconnaissaient dans ce côté « humain et fragile »que chacun cache bien consciencieusement au fond de lui-même ! Est ce que mon blog a changé ma relation avec les autres ?

          

La réunion est remarquablement préparée et menée. Les intervenants, qui ont géré les travaux de l'hiver sont plus que top ! La maigre assistance est sollicitée, sa réponse est très timide, trop à  mon avis ! Sans doute y a t' il trop d'informations, trop d'enjeux, trop d'idées brassées ! Faire adhérer à un travail de cette ampleur le simple paysan qui découvre cela sans préparation est un exercice redoutable et un défi énorme. Je mesure alors les décalages que je viens d'évoquer. Je me rend compte que pour bon nombre de mes pairs, les organisations qui convient, ont l'image figée de structures qui proposent d'abord des services donc des solutions. Aux antipodes de l'exercice d'appropriation à mettre en place. Certaines interventions de représentants de ces structures me confortent dans cette opinion ! Chacun veut garder sa place, justifier de son action sans aucune remise en cause. Cette habitude de répéter un discours quasi stéréotypé explique peut être pourquoi la salle n'est pas remplie ?

L'expérience de retour pour le futur que m'ont fait faire Karine et Gilles en tournant le reportage « les paysans »  m'a rappelé comment nos aïeux se sont emparés de leur destin !  L'échange d'expérience, la réflexion et la formation, au sens noble du terme, en étaient les trois piliers majeurs ! C'est à cela qu'il faudrait revenir. J'ai mes idées sur la façon de le faire. Je les ai proposé mais je n'ai eu qu'une fin de non recevoir ! La méthode, innovante, dérange. Au cours de la réunion, cela m'apparait très clairement. Je me tais, ce qui surprendra beaucoup et me sera même reproché ! Mais si, je peux me taire ! Ma tête bouillonne ! De plus, très clairement, au cours des présentations, je trouve le fil qui doit me permettre de trouver la voie que je dois tracer pour ma ferme ! Je cherche ce guide depuis des mois pour ne pas dire depuis 3 ans, pour cause de crise. Il devient évident même s'il est diffus! Parce que l'avenir ne sera que réponses à des hypothèses, ou plutôt à des situations inconnues à ce jour.

Le lien entre ce travail de prospective et l'avenir de ma ferme devient évident. Le lendemain, la lecture d'un article d'un journal professionnel m'interpelle ! Il évoque une journée de travail d'un éleveur en 2030 ! J'ai envie de répondre avec une ou deux autres propositions d'une journée  en 2030 également. Juste pour montrer que le champ des possibles est immense, qu'il dépend évidement de choix politiques, mais au moins tout autant de nos choix individuels. Cela vaut le coup d'investir collectivement du temps pour construire ce demain ! Collectivement car c'est la confrontation des hypothèses qui permettra de balayer tous les champs du possible et de déterminer les choix, individuels comme politiques, qui feront ce demain !

Ce fil rouge, je vais le construire en écrivant ici ! Ce sera long, car je n'aurai pas toujours le temps d'écrire, surprenant pour ne pas dire décousu ! Car pour prétendre écrire ce qui peut se passer en 2030, il faut commencer par le début, c'est à dire essayer de lire dans le passé, ce qui a constitué le fil rouge qui nous a amené à aujourd'hui ! J'ai commencé par 1982 pour expliquer la façon de commercer ! Mais en passant en 1983 hier, j'ai repris 3 fois le billet ! Pour expliquer certaines choses, il faut remonter à 196... Puis en 1974, puis 75 puis 76 … Sinon, on ne comprend pas le pourquoi du comment pas plus que l'on saisit les freins et blocages.

                     

Comme j'aimerai partager cette réflexion, avec vous, avec d'autres, pour l'enrichir ! Notre avenir n'est pas dans les solutions toutes faites mais dans les remises en cause constructives !

                   

Sortir la tête du guidon ! Prendre les virage ! Élever la réflexion ...

Comments

[paysanheureux]

François : Oui, on a un nom, mais on ne sait pas le vendre ! Les partenaires : les abatteurs donc principalement Bigard et sicavyl/sicarev...
Yanick : Porteurs d'avenir si on les fait partager !
Isa : Cela fait un moment qu'il ne faut pas se décourager ! merci des encouragements.

[isa]

j'aime beaucoup votre article...voir un peu plus loin! pas facile de motiver des collègues, les idées font leur chemin mais tellement lentement, surtout ne pas se décourager et poursuivre!

[Yanik]

Texte et images porteurs d'avenir ! Tant mieux ! A suivre ...

[francois]

Je viens de parcourir(rapidement) l'énorme travail de réflexion et de prospective (perspectives??)que vous avez élaboré. C'est bien, vous vous battez! Mais le charolais a déjà cette chance de porter ce nom synonyme de qualité...Il n'en est pas forcément de même pour toutes les régions d'élevage...Et je n'ai pas toujours compris qui étaient les "partenaires" de la contractualisation???
Quant à la "nécessaire?" obligation de communication, d'ouverture des agriculteurs, tout le monde n'est pas PH, avec son blog et ses explications limpides...