Sanitaire en élevage,des adaptations inévitables et nécessaires ! 4
Si vous avez lu les derniers billets, vous pouvez comprendre mes propos durs sur la gestion de la crise FCO8 actuelle et contre le système. En 2009, on estime qu’il y a eu 20000 vaches vides dans le département. Un article récent dans notre journal professionnel constate qu’il manque 6000 veaux cette année ! Ce sont les éleveurs qui paient la dîme ! Reprenons dans l’ordre :
Lorsqu’on nous interroge, d’une façon que j’ai perçue comme infantile, sur notre perception des enjeux de maladies abortives, on veut sans doute nous sensibiliser pour nous protéger à travers la protection de nos troupeaux. Mais on pourrait le faire d’une toute autre façon. Tout éleveur est interdépendant du travail des autres. La densité d’animaux rend nos systèmes d’exploitation très sensibles aux moindres soucis sanitaires. Pour être efficace, il faut une adhésion de tous les maillons, adhésion qui ne peut pas être hiérarchique ou de sanctions, mais qui au contraire passe par la responsabilisation de chacun. Qu’est ce qui peut me redonner confiance ? On m’a culpabilisé de ne pas avoir fait faire assez d’analyses post avortements alors que j’ai fait celles que j’ai vu. Mais que dire quand je découvre qu’on est resté en 1980 concernant les maladies recherchées, omettant les nouvelles maladies aux énormes conséquences pour nous ? Si on avait trouvé de la FCO à la première que j’ai fait faire, je n’aurai pas gambergé des jours et des jours ! Quelle motivation puis je trouver à respecter des protocoles si on passe à côté des problèmes ? Il n’est pas question d’abandonner la recherche de la brucellose qui est une maladie transmissible à l’homme mais ne pas rechercher en même temps les autres maladies est une grave erreur.
Pour faire suite, je me félicite de la décision de notre département d’investir dans la construction d’un nouveau laboratoire. L’enjeu est énorme et la proximité reste un élément déterminant. La communication sur ce qu’il est possible de rechercher et les conditions est à revoir. Quand je lis la nomenclature, j’ai du mal à savoir ce qu’il est possible de demander ou non. Est-ce que le même prélèvement « avortement » peut servir pour une recherche FCO ? En fait, il faudrait une refonte globale de la prophylaxie. Pourrait-on envisager des analyses, à la carte, pour rechercher d’autres maladies à partir des prélèvements effectués pour les prophylaxies obligatoires ? Cela veut dire une vraie discussion avec les vétérinaires sanitaires, une clarification des tarifs… Le défi va être de permettre à chacun de s’approprier le nouvel outil en le rendant facilement accessible…
Vous allez trouver que je radote. Mais notre interdépendance nous oblige à travailler en réseau. Il n’est pas question de rompre la confidentialité des données mais de rendre les informations efficaces. Ne serait-il pas utile aux vétérinaires et aux éleveurs de savoir ce qui se passe dans un rayon de quelques kilomètres, sans aller à citer l’élevage ? Le fait de savoir qu’il y a des doutes sur une maladie alerterait sans être obligé d’attendre des lustres une confirmation officielle ? Le temps est souvent précieux avec certaines maladies et ce système permettrait à chacun d’être attentif. Je sais, on peut m’opposer un risque de psychose. On peut également vouloir réserver l’information à une corporation. Mais c’est bien celui qui est au contact des animaux qui peut prêter une attention particulière à tel ou tel symptôme éventuel. Je remarque qu’au cours de ma carrière, les psychoses naissent des rumeurs, pas des situations claires et transparentes, même quand il reste une incertitude. Je constate qu’à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, l’information hiérarchique ne fonctionne pas ou plus.
Parmi mes soucis de l’hiver 2017, j’ai montré au véto une inflammation du palais sur un veau de quelques jours qui l’empêchait de téter, je n’en avais jamais eu. Le traitement classique n’a pas marché. En cherchant sur Internet au printemps, je suis tombé sur cette fiche. Je peux supposer qu’il peut s’agir d’une manifestation de la FCO. Individuellement, sans recherche approfondie, cette affirmation n’a aucune valeur, d’autres maladies sont sans doute possibles ! Si on avait un endroit où on puisse relater les observations faites sur nos troupeaux, on pourrait, par traitement statistique, recouper les informations. Il n’est pas question de remettre en cause les compétences des vétérinaires mais d’utiliser la multitude d’observations quotidiennes pour progresser dans la connaissance des maladies et de leurs effets. Imaginons que le même constat se reproduise dans plusieurs élevages, qui ont eu d’autres symptômes comparables auparavant, le déclenchement d’une analyse de sang sur le veau aurait pu permettre de savoir s’il y avait un lien. Je pense sincèrement qu’on avancerait très vite sur certaines maladies si on était capable de générer et utiliser le très grand nombre d’observations de terrain en temps réel… De plus, l’implication de chacun vaudrait adhésion au schéma !
Il faut revenir à une autorité unique, crédible, en matière sanitaire. Il y a beaucoup trop d’interférences de pseudos experts dans notre société. Les débats sur l‘utilité des vaccins sont surréalistes. On devrait revenir à des notions simples. Quelle autre solution a-t-on pour arrêter un virus ? Qui peut prouver que la vaccination obligatoire de la FCO dans les années 2010 n’a pas été efficace, même si on aurait pu l’étaler dans le temps pour éviter les effets secondaires évoqués hier ? Globalement, la France est redevenue indemne en 2 ou 3 ans ! Là, le nouvel épisode dure déjà depuis deux ans et la maladie progresse ! L’autorité ne se décrète pas que par des diplômes mais également par la reconnaissance d’une expérience. Les grands progrès sanitaires des années 60/70 en élevage ont été orchestrés par des DSV (directeur des services vétérinaires) qui avaient pratiqués en rural longuement avant de finir dans les services. Non seulement, ils avaient une compétence technique mais ils cumulaient une connaissance de la psychologie des éleveurs et une relation privilégiée avec les vétérinaires de terrain. Aujourd’hui, les choix de carrière se font à la sortie de l’école : administration, labo, canine ou rurale… Il n’y a pas de problèmes de compétences techniques mais une déconnexion avec les réalités de terrain et il se crée des défiances entre protagonistes. D’où une perte d’efficacité générale ! De plus, il faut quelqu’un qui soit conscient des enjeux commerciaux, donc financiers, tout en étant capable de résister à un lobbying de court terme, pénalisant ensuite. Ce ne peut être qu’un service d’état, identifié (pas une DDT gérant les routes, l'agriculture, la protection des populations et je ne sais quoi...), détaché des intérêts professionnels !
Ces derniers jours, bien que les troupeaux semblaient très calmes, j’ai fouillé les vaches avec une grande appréhension. Quelle joie et plaisir de sentir des petits veaux cachés, bien au chaud, au fond des ventres des mères ! J’avais noté deux retours dont la situation s’est confirmée, il me reste deux ou trois doutes… L’année est aussi sèche que l’année dernière, j’ai nourris un peu moins, avec le reste de foin de l'année dernière, car l’herbe a tenu un peu plus longtemps en été. Sauf nouvelle catastrophe, la situation est revenue à la normale. Vous ne m’empêcherez pas de penser que la vaccination y est pour quelque chose.
Pourtant à aucun moment, je n’ai eu la confirmation formelle que le virus ait traversé le troupeau bien que j’ai respecté toutes les procédures. Dès lors, je ne suis pas dans les décomptes officiels, combien sommes-nous dans ce cas ? De coupable à victime… De quoi faire réfléchir ceux qui nous dirigent et nous font la leçon !